1. Saline extracts of embryos of stages 0–37 (Pleurodeles waltii) were subjected to electrophoresis on cellulose acetate. Various embryonic tissues were studied in the same way.

  2. A new band appears in the electrophoretic pattern of whole embryos at the onset of gastrulation. Only minor changes can be detected until stage 31. Thereafter, the electrophoretic pattern becomes rapidly more complicated.

  3. From stage 0 to stage 31, there is a slow increase of the overall amount of extractable protein per embryo. After stage 31, soluble proteins appear at an increased rate. This acceleration is probably due to the starting of blood circulation.

  4. The various embryonic tissues already have a different protein constitution at the beginning of gastrulation. The proteins seem to be distributed in the early gastrula according to a dorso-ventral gradient.

  5. Competent ectoderm and neurulating ectoderm contain particular protein bands.

  6. From the second part of gastrulation onwards, the protein content of ventral ectoderm is different from that of neural ectoderm.

  7. Every embryonic tissue (except endoderm) acquires new protein bands during neurulation. These bands are different in each tissue.

  8. The embryo probably has two types of yolk. These two types are not digested at the same time but successively. The first type is probably located in the axial organs. The second type is contained in the endoderm and seems to be digested only after stage 31.

Au cours du développement embryonnaire, la différenciation protéique constitue probablement le phénomène fondamental qui entraîne la détermination des cellules et leur spécialisation en différents tissus. Diverses méthodes ont été utilisées en vue de suivre l’évolution des protéines au cours du développement.

La méthode immunologique a été appliquée pour la première fois à des œufs d’Amphibiens par Cooper (1946, 1948, 1950). Cet auteur constate la présence de 6 à 8 groupes antigéniques dans l’œuf indivis aussi bien que dans la jeune neurula de Rana pipiens. Par une méthode analogue, Flickinger & Nace (1952) observent l’apparition d’un nouvel antigène au stade bourgeon caudal. Spar (1953) montre l’existence d’antigènes propres à des stades déterminés (blastula, gastrula, neurula) et absents aux autres stades. Clayton (1953) met en évidence une synthèse de matériel antigénique d’abord entre le stade blastula et gastrula, ensuite avant la neurulation et enfin entre la neurulation et l’apparition du bourgeon caudal.

Plusieurs auteurs se sont également efforcés de séparer les protéines embryonnaires par la technique de l’électrophorèse. Par cette méthode, Flickinger & Nace (1952) observent une fraction protéique supplémentaire dans tous les extraits d’œufs et d’embryons plus âgés que le stade petit oocyte. Barth & Barth (1954) séparent la portion extractible du vitellus de R. pipiens en deux éléments, l’un phosphoré, l’autre non phosphoré. Selon Flickinger (1956), cette dernière fraction possède une activité phosphoprotéinephosphatasique et jouerait un rôle capital dans l’induction embryonnaire. Spiegel (1958, 1960) soumet à l’électrophorèse sur papier filtre des extraits d’œufs et d’embryons de R. pipiens. L’auteur obtient à partir de l’œuf vierge 7 bandes colorables par le bleu de bromophénol et une bande fluorescente qui ne semble pas de nature protéique. Au stade 21, trois de ces bandes ont disparu et la concentration totale en protéine soluble a diminué fortement.

Les résultats sérologiques obtenus jusqu’à présent donnent à penser que le développement des Amphibiens s’accompagne de l’apparition, à des moments variés, de nouvelles protéines. Si ces résultats n’ont pas été jusqu’ici confirmés par les données recueillies par électrophorèse, c’est probablement parce que les procédés électrophorétiques disponibles ne permettaient pas de déceler des fractions de très faible concentration ou de séparer des éléments de mobilité très voisine.

Cependant Kohn (1958) a décrit un nouveau milieu-support pour électrophorèse (l’acétate de cellulose) qui permet de séparer de minuscules échantillons de protéine (3–4 μl.) de manière très satisfaisante. Il m’a semblé intéressant de soumettre à l’électrophorèse sur ce nouveau milieu des extraits provenant d’un seul embryon et même de fragments d’embryon. Des essais préliminaires (Denis, 1960) ont montré que l’œuf d’Amphibien contient suffisamment de protéines pour fournir un spectre électrophorétique clair sur acétate de cellulose.

Les expériences ont porté sur l’Urodèle Pleurodeles waltii. Deux pontes seulement ont été utilisées: l’une a fourni les embryons pour les extraits totaux; l’autre a servi pour le prélèvement des fragments d’embryon. De la sorte, la variabilité de ponte à ponte se trouve éliminée dans chaque série d’expériences. Les stades ont été déterminés d’après la table de Gallien & Durocher (1957).

Isolement du matériel

Après déganguage et rinçage, les embryons de divers stades (0 – 37) sont transférés dans une solution saline (NaCl 0,65 pour cent) ajustée à pH 8,6 par l’addi-tion de tampon véronal 0,02 M.

Chaque embryon est immédiatement aspiré à l’intérieur d’un tube capillaire (diamètre intérieur 1 mm.) dans ± 5 μl. de solution saline. Le tube est ensuite scellé à la flamme d’un côté, bouché et conservé à la glacière (− 20° C.) jusqu’au moment de l’utilisation. Un seul embryon sert pour chaque électrophorèse.

Pour le prélèvement de fragments de tissu, six embryons de même stade sont utilisés. L’opération est accomplie en solution de Holtfreter normale refroidie dans un bain de glace. Cette précaution facilite grandement la séparation des couches cellulaires du germe et d’autre part permet de conserver les embryons rigoureusement au même stade pendant toute la durée de l’opération.

Les tissus suivants ont été isolés et débarrassés soigneusement de toute cellule étrangère au moyen d’une boucle de platine: au stade blastula (6 – 7), ectoderme animal et endoderme; au stade jeune gastrula (8 – 9), ectoderme animal, endoderme et lèvre dorsale du blastopore; au stade gastrula âgée et neurula (11 – 15), toute la plaque neurale, le toit de l’archentéron, ectoderme ventral et endoderme; aux stades ultérieurs (15 – 27), le tube neural, l’axe chordo-somitique, ectoderme ventral et endoderme.

Les fragments de tissu provenant des six embryons opérés en même temps sont ensuite transférés en solution saline (NaCl 0,65 pour cent) rincés trois fois dans celle-ci et enfin aspirés dans 5 μl. de liquide. La conservation est assurée par congélation à −20° C., comme pour les embryons entiers.

Extraction

Le matériel mis en réserve est dégelé juste avant l’emploi. Les embryons et les fragments de tissu sont broyés soigneusement à l’intérieur de leur tube à l’aide d’un minuscule pilon de verre. La largeur de celui-ci correspond exactement au diamètre intérieur du capillaire, de sorte que le matériel se trouve rapidement réduit en une pulpe de couleur grisâtre.

Les homogénats sont ensuite centrifugés à 10.000 g pendant 20 minutes. Le culot de centrifugation est éliminé et seul le surnageant limpide est utilisé pour l’électrophorèse.

Électrophorèse

L’électrophorèse est conduite dans une solution de tampon véronal de pH 8,6 et force ionique μ = 0,05. Chaque extrait est appliqué rapidement à l’aide du tube capillaire qui le contient sur une bande d’acétate de cellulose de 10 × 5 cm. La ligne de départ (3,5 cm. de long et 1 mm. de large) se trouve à égale distance du pôle positif et du pôle négatif. Une goutte de sérum de coq est aussi déposée sur la ligne de départ. L’albumine et les globulines sériques serviront comme référence pour l’étude de la mobilité des protéines embryonnaires. Un courant d’intensité constante (1,25 mA. par bande) est alors appliqué pendant une heure à raison de 10 volts par cm. Quatre bandes sont soumises à l’électrophorèse en même temps.

Coloration

Une fois l’électrophorèse terminée, les feuilles sont plongées, sans séchage préalable, dans une solution très diluée de nigrosine (1/20.000), contenant 3 pour cent d’acide trichloracétique (fixateur). Après 18 heures, la coloration atteint son maximum. Les feuilles sont alors rincées puis séchées.

Étude quantitative

En vue d’estimer la quantité de protéine présente sur chacune des bandes d’électrophorèse, celles-ci ont été examinées au spectrophotomètre en lumière visible (jaune). Avant l’examen, les feuilles sont éclaircies à l’huile de paraffine et pressées entre deux lames de verre. L’extinction est mesurée mm. par mm. à l’aide d’un pinceau lumineux de 1 mm. de large et de 15 mm. de long. Les valeurs lues sont portées en graphique où figurent en ordonnée les mesures d’extinction et en abscisse les distances de la ligne de départ. La surface comprise entre l’axe des abscisses et la courbe d’extinction donne une mesure (conventionnelle) de la quantité de protéines présente sur la feuille d’électrophorèse. Pour chaque protéinogramme, cette surface a été estimée par pesée.

Extraits totaux

Résultats qualitatifs

Environ 110 électrophorèses (2 à 5 par stade) portant sur des extraits d’embryons entiers ont été menées à bien. Les résultats sont résumés qualitativement en un graphique (fig. 1) portant en ordonnée les mobilités électrophorétiques (en cm. par heure) et en abscisse la racine carrée du temps de développement à 18° C. On peut ainsi suivre facilement le sort des bandes électrophorétiques durant toute l’ontogèneese. L’échelle des abscisses a été graduée en ✓t afin de réduire l’espacement entre les stades avancés (30 à 37). En effet, les stades larvaires âgés sont difficiles à distinguer les uns des autres et ne correspondent pas toujours aux images données par la table de développement. Les conséquences de confusions possibles sont atténuées par le rapprochement, sur le diagramme, des points représentant les dernières étapes de l’ontogenèse.

Fig. 1.

Évolution du spectre électrophorétique au cours du développement. La ligne d’abscisse est graduée en √t.

Fig. 1.

Évolution du spectre électrophorétique au cours du développement. La ligne d’abscisse est graduée en √t.

Nomenclature

Les bandes protéiques sont désignées par les lettres de l’alphabet en commençant par les plus rapides (les plus proches du pôle positif). Dans cette nomenclature, il n’est pas tenu compte du moment d’apparition des diverses bandes. Lorsque l’intensité ou la mobilité d’un élément du spectre électrophorétique change de façon appréciable au cours du développement, la lettre qui le désigne est affectée d’une apostrophe.

Dans l’œuf indivis, 11 bandes d’intensité très différente peuvent être distinguées : 7 du côté positif de la ligne de départ et 4 du côté négatif. Deux d’entre elles, très faibles (d et é), ne sont pas visibles dans tous les cas.

Toutefois, la répartition des bandes protéiques de chaque côté de la ligne de départ ne signifie nullement que les unes ont une charge positive et les autres une charge négative au pH étudié. Par suite de l’électroendosmose (Block, Durrum, & Zweig, 1958), toutes les bandes protéiques et la ligne de départ se trouvent décalées vers le pôle négatif à la fin de l’électrophorèse.

La ligne de départ réelle doit être placée légèrement en dessous de la bande m (−1,45 cm.). De la sorte, toutes les bandes du spectre apparaissent au stade 0 comme électronégatives.

Durant la segmentation, la bande h s’élargit et trois autres éléments (Æ, l et n) se renforcent. Au début de la gastrulation (stades 8 – 9), k et l s’intensifient de façon considérable et s’écartent légèrement de la ligne de départ. La bande h atteint à ce moment sa largeur maximum. Vers le stade 8, un élément de faible intensité (m) apparaît entre l et n.

Pendant le reste de la gastrulation et la neurulation, l’intensité de k et l diminue fortement; celle de n s’atténue aussi quelque peu. La largeur de h s’amenuise et redevient à peu près ce qu’elle était au cours de la segmentation. Entre les stades 12 et 15, la bande m se renforce de façon très notable.

Du stade 19 au stade 26, aucune transformation importante ne se produit. Seule est à noter une oblitération progressive de l’espace clair situé entre les bandes j et k. A partir du stade 26, la bande m se renforce et s’éloigne légèrement de la ligne de départ. Elle finit par recouvrir tout à fait la bande n qui s’affaiblit de plus en plus.

Au stade 33, la bande b commence à s’élargir. E, f, i, j, k et l se marquent davantage. H augmente à la fois d’intensité et de largeur. Quatre nouvelles bandes (o, p, q et r) font leur apparition et ne tardent pas à se renforcer.

Au dernier stade examiné (37) la bande b s’est tout à fait dédoublée. La bande d, très faible jusque là, s’est élargie et intensifiée très fortement. Toutes les autres bandes voient leur intensité augmenter encore. Trois nouveaux éléments complètent le spectre du côté négatif : s, t et u.

Résultats quantitatifs

Au cours du développement, on constate une augmentation de la quantité de protéine extractible obtenue par embryon. Cette évolution est illustrée par la figure 2 où sont comparées les courbes d’extinction fournies par le protéinogramme de trois embryons à trois stades différents: stade 0 (0 heure; œuf fécondé mais indivis), stade 32ù (190 heures) et stade 37 (360 heures; dernier stade avant la prise de nourriture).

Fig. 2.

Courbe d’extinction, de trois protéinogrammes à trois stades différents du développement.

Fig. 2.

Courbe d’extinction, de trois protéinogrammes à trois stades différents du développement.

Fig. 3.

Évolution de la quantité de protéines solubles par embryon entier au cours du développement. a, ligne d’abcisse graduée en √t; b, ligne d’abcisse graduée en log. t.

Fig. 3.

Évolution de la quantité de protéines solubles par embryon entier au cours du développement. a, ligne d’abcisse graduée en √t; b, ligne d’abcisse graduée en log. t.

Quelques remarques sont nécessaires à propos de ce diagramme.

Plusieurs bandes, visibles par transparence sur les feuilles d’électrophorèse (comme b, d et e du stade 0), sont d’intensité trop faible pour donner une extinction mesurable au spectrophotomètre. Elles ne sont donc pas présentes sur la figure.

Certaines bandes très proches (comme f et g du stade 0) sont confondues dans un seul pic d’absorption.

Des bandes très marquées (comme f du stade 37) se traduisent sur la courbe d’extinction, non par un pic très distinct, mais seulement par un palier ou même par une diminution de pente.

Ces particularités sont dues au type de spectrophotomètre utilisé et à la largeur relativement grande du pinceau lumineux par rapport aux bandes du spectre embryonnaire.

Les surfaces délimitées par la courbe d’extinction ont été mesurées et groupées par stade. Les valeurs moyennes sont portées en ordonnée sur un diagramme dont l’abscisse est graduée en racine carrée du temps de développement (fig. 3d). Les points obtenus se répartissent nettement en deux segments de droite. La première partie a une pente de 0,050, la seconde une pente de 0,536. Le point de rencontre des deux droites se trouve à hauteur du stade 31. Les stades de développement peuvent aussi être répartis sur la ligne d’abscisse en fonction de log de t. Les points obtenus se groupent alors sur une courbe d’allure exponentielle. Le point d’inflexion de celle-ci se situe aux environs du stade 31 (fig. 3b).

Extraits de fragments d’embryon

Huit cents fragments de tissu ont été prélevés sur environ 200 embryons et soumis à l’électrophorèse. Les résultats ne permettent qu’une analyse qualitative. En effet, la quantité de tissu isolée n’est pas exactement la même dans chaque prélèvement. Un examen au spectrophotomètre des protéinogrammes obtenus ne donnerait donc pas de résultats comparables. Les données recueillies ont été rassemblées en quatre diagrammes dont l’abscisse est graduée en fonction de t.

Nomenclature

Plusieurs bandes électrophorétiques obtenues à partir de fragments de tissu paraissent en tous points identiques à des éléments du spectre électrophorétique d’embryons entiers. Dans ce cas, la dénomination adoptée pour les protéinogrammes d’extraits totaux est conservée. Quelques bandes, cependant, semblent appartenir en propre aux tissus embryonnaires. Elles seront désignées de la façon suivante :

ec1, ec2, ec3, etc., pour l’ectoderme compétent;

ne1, ne2, ne3, etc., pour l’ectoderme neural;

ve1, ve2, ve3, etc., pour l’ectoderme ventral;

en1, en2, en3, etc., pour l’endoderme.

Ectoderme neural

L’ectoderme de la zone animale de la blastula (stade 6) présente 5 bandes cathodiques et 5 bandes anodiques (fig. 4). Trois de ces dernières sont de faible intensité (ec15ec2 et ec3). Entre le stade 6 et le début de la gastrulation, la bande h s’élargit et se renforce légèrement. J augmente également de largeur et vers le stade 7 recouvre la bande ecr. Celle-ci n’est désormais plus visible. Juste avant la formation du blastopore (stade 8), deux bandes (k et l) apparaissent au niveau de ec3 et masquent complètement cette dernière. En même temps, une bande supplémentaire (ni) s’intercale entre l et n.

Fig. 4.

Évolution du spectre électrophorétique de l’ectoderme neural. Ligne d’abscisse graduée en fonction de t.

Fig. 4.

Évolution du spectre électrophorétique de l’ectoderme neural. Ligne d’abscisse graduée en fonction de t.

La largeur de h se réduit peu à peu dans la suite de la gastrulation. Les bandes k et / diminuent d’intensité et cessent d’être distinctes l’une de l’autre. En même temps, elles se rapprochent de la ligne de départ. Vers le stade 11, deux bandes faiblement marquées apparaissent du côté positif (d et e).

Pendant la neurulation, l’intensité de m s’accroît et atteint son maximum au stade 14. Cette bande s’estompe un peu plus tard (stade 15). L’élément unique produit par la fusion de k et l continue à se rapprocher de la ligne de départ. Vers le stade 19, il fait place à deux bandes étroites et bien distinctes: ne1 et ne2. L’espace laissé vide par le retrait de A: et Z se garnit de deux nouveaux éléments : ne3 et ne4. Pendant la suite de la vie larvaire, ne3 se renforce petit à petit. L’intensité de ne4, par contre, demeure plus ou moins constante. De son côté, n se réduit progressivement jusqu’au stade 27. Au dernier stade étudié, une bande électronégative fait son apparition (p).

Entre le premier et le dernier stade examiné, la quantité totale de protéines fournies par l’ectoderme neural semble diminuer quelque peu.

Ectoderme ventral

Jusqu’au stade 10, l’évolution de l’ectoderme ventral est identique à celle de l’ectoderme neural. Dès la seconde partie de la neurulation, cette évolution devient divergente (fig. 5).

Fig. 5.

Évolution du spectre électrophorétique de l’ectoderme ventral. Ligne d’abscisse graduée en fonction de t.

Fig. 5.

Évolution du spectre électrophorétique de l’ectoderme ventral. Ligne d’abscisse graduée en fonction de t.

Les bandes k et l diminuent d’intensité et se rapprochent de la ligne de départ beaucoup plus rapidement que dans le tissu nerveux présomptif.

La bande m disparaît dès le stade 12. Dans l’ectoderme neural, la bande correspondante se maintient jusqu’au bout de la neurulation.

Vers le stade 12, une bande de faible intensité (ve5) s’intercale entre l et n. Dans le tissu nerveux, aucun élément nouveau n’apparaît à ce moment.

Durant la neurulation, les divergences entre ectoderme neural et ectoderme ventral s’accentuent :

La disparition presque complète de k et l laisse entre j et n un grand espace clair. Il n’existe pas de semblable hiatus dans le protéinogramme du tissu nerveux.

Au stade 19, la bande j se divise en deux parties (ve1 et ve2). Cette bande reste, au contraire, simple dans l’ectoderme neural.

Il n’existe qu’une seule bande dans le prolongement de k et l (ve3). Le spectre fourni par l’ectoderme neural présente à ce niveau deux éléments distincts (ner et ne3).

Après la fin de la neurulation, deux bandes de faible intensité (ve4 et ve6) apparaissent de part et d’autre de ve5. Par la suite, plus aucun changement important ne se manifeste jusqu’au stade 27.

Au dernier stade examiné, la partie positive du spectre de l’ectoderme ventral est très semblable à celle observée dans le tissu nerveux. Du côté négatif, au contraire, seule la bande n semble commune aux deux tissus. La bande j est simple dans l’ectoderme neural et double dans l’ectoderme ventral.

De toutes les autres composantes anodiques, seules ve5 (ectoderme ventral) et ne4 (ectoderme neural) ont la même mobilité (—10 mm. par heure) et peuvent être comparées l’une à l’autre. Les bandes ner et ne2 observées dans le tissu nerveux présomptif ont une mobilité de —6,5 et —8 mm. par heure et diffèrent des bandes ve3 et ve4 de l’ectoderme ventral. Celles-ci ont, en effet, une mobilité de —6 et —7,5 mm. par heure. La bande ne3, très marquée dans le tissu nerveux, est absente dans l’ectoderme ventral. Il en va de même pour p. Par ailleurs, l’ectoderme ventral possède entre ve5 et n une bande (ve6) qui n’existe pas dans l’ectoderme neural.

Mésoderme

Au premier stade (8) examiné, le spectre électrophorétique du mésoderme présente 4 bandes du côté positif de la ligne de départ et 5 du côté négatif (fig. 6). Toute la partie cathodique du protéinogramme est moins marquée que dans l’ectoderme. La bande h, assez intense dans le tissu ectodermique, fait ici presque totalement défaut. Entre j et n se placent deux éléments (me4 et w7) d’intensité beaucoup plus faible que les bandes ectodermiques k et l. me7 et me1 semblent distinctes de k et l. En effet, la mobilité de me4 et me7 d’une part, et de k et l d’autre part ne correspond pas. Me4 et me- se réduisent progressivement dans la suite de la gastrulation. Me4 disparaît tout à fait après le stade 11.

Fig. 6.

Évolution du spectre électrophorétique du mésoderme. Ligne d’abscisse graduée en fonction de t.

Fig. 6.

Évolution du spectre électrophorétique du mésoderme. Ligne d’abscisse graduée en fonction de t.

Au stade 13, la bande j se divise en trois parties (mel;me2 et me3). Deux nouvelles bandes faiblement marquées (me3 et me6) apparaissent entre j et me7. Durant la neurulation et le début de la vie larvaire, plus aucune modification importante ne se produit.

Au dernier stade examiné, le spectre électrophorétique donné par le mésoderme se montre donc notablement moins complexe que celui fourni par l’ectoderme. Du côté positif, les bandes ectodermiques d, e et h sont absentes. Du côté négatif, seule la bande n paraît commune à l’ectoderme et au mésoderme. La bande j, simple dans le tissu nerveux présomptif et double dans l’ectoderme ventral, est ici composée de trois éléments distincts.

Quant au groupe de trois bandes me5, me3 et me-, leur mobilité ne correspond pas à celle des bandes ne1ne2 et ne3 de l’ectoderme neural et des bandes ve3, ve4 et ve5 de l’ectoderme ventral.

Endoderme

Le spectre électrophorétique fourni par le tissu endodermique est beaucoup plus pâle et moins complet que celui de l’ectoderme et du mésoderme (fig. 7). Il ne comprend que deux bandes cathodiques: en1 et i. Le plus rapide de ces deux éléments (ewj disparaît du reste entre le stade 20 et 26. La bande i a une largeur moindre (4 mm.) que la bande correspondante de l’ectoderme et du mésoderme. De plus, elle se rétrécit encore au cours du développement (3,5 mm. au stade 27).

Fig. 7.

Évolution du spectre électrophorétique de l’endoderme. Ligne d’abscisse graduée en fonction de t.

Fig. 7.

Évolution du spectre électrophorétique de l’endoderme. Ligne d’abscisse graduée en fonction de t.

Du côté négatif de la ligne de départ, il n’existe au stade 6 que trois éléments : j, en3 et n. Au début de la gastrulation, une nouvelle bande (en4) apparaît entre en3 et n. Cette bande s’affaiblit après le stade 20 et disparaît tout à fait. Après la fin de la neurulation, j, en3 et n diminuent également d’intensité. Au dernier stade examiné, n s’est presque totalement effacée. Il faut encore noter au début de la vie larvaire la division de j en deux parties d’importance inégale.

Valeur des résultats quantitatifs

L’estimation de la quantité de protéines présente sur chaque feuille d’électrophorèse a été influencée par différents facteurs.

  1. Tout le volume de l’extrait peut n’avoir pas été appliqué sur la bande d’acétate de cellulose. Cette source de variation a dû intervenir dans certains cas. Il est, en effet, difficile de séparer de façon parfaite le surnageant du résidu insoluble après centrifugation d’un seul embryon. Toutefois, cette erreur expérimentale ne doit pas avoir influencé les résultats dans un sens déterminé : elle a pu intervenir avec une égale fréquence à tous les stades étudiés.

  2. L’intensité de la coloration peut différer d’une expérience à l’autre. La nigrosine, colorant très sensible, pâlit assez rapidement. Son pouvoir colorant peut varier d’un jour à l’autre et même au cours d’une seule coloration. Certains groupes de feuilles traitées en même temps seront donc plus colorées que d’autres. Toutefois, les individus soumis à une même électrophorèse appartiennent à des stades répartis au hasard dans toute la série des étapes de développement. La seconde cause de variation agit donc sur toute la gamme des stades et ne paraît pas avoir influencé certains résultats de façon préférentielle.

  3. Selon Jenks, Setton, & Durrum (1955), l’intensité de la coloration d’une protéine séparée par électrophorèse sur papier n’est pas toujours proportionnelle à sa concentration. Cette discordance résulte du fait que tous les colorants ne suivent pas la loi de Lambert-Beer. La concentration relative des protéines les plus abondantes peut donc être sous-estimée. Il semble cependant que cette cause d’erreur affecte surtout les protéines (telles que l’albumine sérique) présentes sur la feuille d’électrophorèse à très forte concentration. Dans nos expériences, la quantité de protéines appliquée sur chaque bande d’électrophorèse n’est jamais très forte. La source d’erreur précitée ne paraît pas avoir influencé les résultats de façon notable.

Plusieurs auteurs ont noté la variabilité considérable qui peut affecter les résultats expérimentaux obtenus à partir de matériel embryonnaire. Ce manque d’homogénéité est surtout important lorsqu’il s’agit du dosage de constituants chimiques. La principale cause de variation est constituée par les différences de ponte à ponte. Les expériences présentes ont été effectuées sur un seul lot d’œufs. Tout porte à croire que nous avons affaire à une population relativement homogène obéissant aux lois de distribution normale.

Étude statistique

Au cours du développement la quantité totale de protéines solubles fournie par un embryon s’accroît de façon régulière. Cette augmentation est-elle statistiquement significative? Pour le vérifier, les résultats ont été soumis à l’analyse de variance.

Il a été nécessaire de grouper les données relatives à la première partie du développement (0–28). En effet,

  1. Les stades embryonnaires précoces sont peu espacés dans le temps. Aucune différence ne se manifeste quand on compare deux stade successifs.

  2. Considérés par étape de développement isolée, les résultats sont sujets à une variabilité importante. Des différences significatives n’apparaissent qu’entre des stades très éloignés l’un de l’autre (0 et 14 par exemple).

Le groupement a été réalisé de la façon suivante (tableau 1).

Tableau 1.
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Huit comparaisons ont été effectués (tableau 2). Malgré les diverses sources de variation discutées plus haut, il apparaît une augmentation significative de la quantité de protéines solubles par embryon :

entre le début de la segmentation et la gastrulation,

entre la deuxième partie de la segmentation et la neurulation,

entre la gastrulation et la formation du bourgeon caudal,

entre la neurulation et la mise en marche de la circulation,

entre les différents stades postérieurs à la mise en marche de la circulation.

Tableau 2.
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La fig. 3a montre que la vitesse d’apparition des protéines solubles augmente brusquement vers le stade 31. A quel moment exact faut-il situer cette accélération? Devons-nous bien placer au niveau du stade 31 l’intersection des deux segments de droite visibles sur la figure 3a ? Le premier point de ce diagramme qui se trouve hors du prolongement du segment de droite initial correspond au stade 32b. Si les protéines solubles apparaissaient après le stade 31 au même rythme qu’avant celui-ci, la mesure de la quantité totale de protéines au stade 32b devrait être, avec la technique utilisée, de 600 mm2. Pour les mesures faites à ce dernier point, l’intervalle de confiance de la moyenne s’étend de 610,4 à 880 mm2, au niveau de la probabilité de 95 pour cent. En d’autres termes, la probabilité que la moyenne réelle des mesures effectuées au point 32b ait une valeur inférieure à 610,4 est de 2,5 pour cent. Nous avons donc de bonnes raisons de croire que la moyenne réelle au point 32b se trouve au-dessus du segment de droite 0-31. L’accélération visible sur la figure 3tz se situe très probablement entre les stades 31 (172 h. 30) et 32b (190 h.).

Le spectre électrophorétique au cours de la segmentation

Plusieurs bandes se renforcent visiblement pendant la période du clivage: k, l et n. fig. 3a semble indiquer par ailleurs un accroissement de la quantité totale de protéines dans l’œuf en segmentation. Toutefois, l’augmentation observée entre les stades 0 et 7 n’est pas statistiquement significative: le nombre d’expériences effectuées à ces deux stades est trop faible et les résultats obtenus présentent une variabilité trop grande.

Entre la 5ème et la 43ème heure de développement, la quantité totale de protéines par embryon s’accroît de façon significative (tableau 2). Si la quantité globale de protéines solubles restait stationnaire durant le clivage, toute l’augmentation (18,4 pour cent) observée entre les groupes de comparaison A et C devrait se produire dans le court intervalle de temps qui sépare l’apparition du blastopore (31 h.) du milieu de la gastrulation (43 h.). Cette hypothèse est peu vraisemblable. L’allure des courbes 3a et 3b semble au contraire indiquer que l’accroissement se répartit sur toute la durée qui sépare le stade 0 du stade 12. L’apparition de nouvelles quantités de protéines solubles commencerait donc dans l’œuf dès les premières segmentations. Le renforcement très visible de plusieurs bandes électrophorétiques à partir du stade 0 confirme cette supposition.

La segmentation des Amphibiens est généralement considérée comme une période relativement inerte au point de vue des transformations chimiques. Avant le stade 18, Gregg & Ballentine (1946) ne détectent aucun accroissement de la quantité d’azote extractible par embryon (Rana pipiens). D’après HoffJorgensen & Zeuthen (1952) il n’y a pas de synthèse d’ADN ni d’anabolisme protéique durant les 16 premières heures de développement (R. platyrrhina). De même Lovtrup (1955) n’observe aucun accroissement de la quantité d’acide nucléique et de l’activité enzymatique pendant la période du clivage.

Nos résultats sont partiellement en accord avec les données précédentes. Dans nos expériences, en effet, aucune nouvelle espèce de protéine n’apparaît durant la segmentation. Par contre, la quantité totale de protéines extractibles semble s’accroître régulièrement au cours de cette même période. Cette augmentation n’est peut-être pas due à un processus de synthèse. Il s’agirait plutôt de la libération de certaines protéines du vitellus à l’intervention d’une phosphoprotéinephosphatase (PPPase). Selon Barth & Barth (1951) et MezgerFreed (1953), il existe une notable activité PPPasique durant le clivage. L’utilisation des réserves vitellines commencerait donc dès le début de l’ontogenèse. Le renforcement des bandes k, l et n pourrait résulter d’un apport direct à partir du matériel vitellin.

Le spectre électrophorétique durant la période s’étendant de la gastrulation au stade 31

Le début de la gastrulation est marqué par le renforcement très notable des bandes h, k et l. De plus, le spectre électrophorétique s’enrichit d’un nouvel élément: m.

De nombreux faits tirés de la littérature suggèrent que la mise en marche des synthèses protéiques coïncide avec le début de la gastrulation.

Clayton (1953) note à ce moment l’apparition d’un nouvel antigène. Kutsky (1950) observe une augmentation de la quantité d’acides nucléiques au moment de la formation du blastopore. Un tel phénomène est sans doute en relation avec le démarrage des mécanismes de synthèse. Dans nos expériences, l’apparition de la bande m constitue vraisemblablement la première manifestation de l’anabolisme protéique de l’embryon.

La quantité totale de protéines extractibles par embryon s’accroît lentement du début à la fin de la gastrulation (fig. 3d). Cette augmentation est sans doute le reflet de l’apparition de nouvelles quantités de cytoplasme actif. Les protéines nécessaires à l’accroissement du cytoplasme proviennent vraisemblablement d’une digestion progressive du matériel vitellin. Ce phénomène semble bien en cours depuis le début de l’ontogenèse. Selon Barth & Barth (1951) et MezgerFreed (1953), l’attaque enzymatique du vitellus se poursuit à un rythme élevé durant la gastrulation.

L’augmentation lente de la quantité totale de protéines solubles au cours de la gastrulation résulte surtout du renforcement de plusieurs bandes électrophorétiques (principalement i et j). En regard de cette intensification, l’apport représenté par la nouvelle bande m semble tout à fait insignifiant. Dans l’augmentation générale de la quantité de protéines solubles, la part fournie par les éléments protéiques nouveaux paraît donc assez minime. Cette situation semble se maintenir durant toute la période qui s’étend du stade 9 au stade 31 : aucune bande protéique nouvelle n’apparaît durant cet intervalle de temps sur les protéinogrammes d’embryons entiers.

Le spectre électrophorétique durant la période postérieure au stade 31

Entre le stade 31 et la fin de l’ontogenèse, 9 nouvelles bandes protéiques font leur apparition. Le spectre électrophorétique qui, de la fécondation au stade 31, avait assez peu évolué, se transforme et se diversifie rapidement. Plusieurs organes (cœur, somites) deviennent à présent fonctionnels. Cette mise en fonction implique la synthèse de protéines spécifiques (telles que hémoglobine, sérumglobulines, myoglobuline, etc.). Les nouvelles bandes qui apparaissent après le stade 31 sont sans doute une illustration de ce phénomène.

Cette diversification rapide de l’arsenal protéique se marque par une accélération dans la vitesse d’apparition des protéines solubles. Cette accélération se situe entre les stades 31 et 32b (voir page 435). A partir du stade 31, l’augmentation de la quantité de protéines extractibles se poursuit à un rythme accéléré mais constant. Chaque heure de développement voit les protéines solubles s’accroître d’une même quantité. Cette vitesse d’accroissement est 4,25 fois supérieure à celle qui prévalait dans la première partie de l’ontogenèse (stades 0 – 31).

Si l’augmentation horaire de la quantité de protéines extractibles est ramenée à la quantité totale de protéines solubles par embryon, la courbe d’accroissement prend une allure très caractéristique (fig. 8). Sous cette forme, le diagramme présente une cassure très nette entre les stades 31 et 32b.

Fig. 8.

Évolution de l’accroissement horaire de la quantit é de prot éines solubles ramen ée á la quantité totale de protéines solubles

Fig. 8.

Évolution de l’accroissement horaire de la quantit é de prot éines solubles ramen ée á la quantité totale de protéines solubles

La brusque accélération observée sur la fig. 8 dans la vitesse d’apparition des protéines extractibles résulte probablement de la mise en marche de la circulation sanguine. Ce phénomène intervient aux environs du stade 31.

Jusqu’au stade 31, la masse vitelline endodermique de l’embryon reste relativement intacte. Ce n’est que vers la 200ème heure de développement (stade 32–33) que le vitellus endodermique commence à être résorbé de façon visible. Pourtant, une activité enzymatique paraît déjà exister dans l’endoderme avant le stade 31. Panijel (1950), Gross (1952) et Flickinger (1956) ont montré qu’une activité PPPasique intense se trouve liée aux grains de vitellus au cours des stades précoces de l’ontogenèse. Cette activité est même considérable dans le vitellus végétatif (Barth & Barth, 1951). Un équilibre enzymatique existerait donc depuis le début du développement au sein de la masse vitelline endodermique entre les protéines insolubles du vitellus et les protéines solubles libérées par la PPPase. Mais cet équilibre est fortement déplacé en faveur des protéines insolubles. Jusqu’au stade 27, le tissu endodermique contient très peu de protéines extractibles (voir page 433).

L’ébranlement des fluides internes suite à la mise en marche de la circulation semble devoir modifier profondément l’équilibre enzymatique au sein de l’endoderme. Le lavage continuel de la surface externe du futur intestin par le liquide circulatoire emporterait les protéines solubles libérées par la PPPase endodermique. Cette évacuation entraînerait de proche en proche la libération de nouvelles quantités de protéines. Celles-ci peuvent être soit utilisées comme telles, soit dégradées plus complètement avant de servir dans l’élaboration de molécules protéiques entièrement nouvelles. Quoi qu’il en soit, la mise en marche de la circulation et la digestion accélérée du vitellus qui en résulte, doivent être la cause directe ou indirecte de l’augmentation observée vers le stade 31 dans la vitesse d’apparition des protéines solubles.

Le spectre électrophorétique des fragments de tissu

Vintensité du spectre électrophorétique au cours du développement

Les protéinogrammes fournis par les différents tissus embryonnaires (ectoderme neural, ectoderme ventral, mésoderme et endoderme) semblent diminuer d’intensité après la fin de la neurulation (figs. 4, 5, 6 et 7). Au cours du développement, la quantité de protéines extractibles déclinerait donc à l’intérieur de ces tissus. Cette diminution n’est qu’apparente. Elle provient des conditions expérimentales. Avant la fermeture du tube nerveux, le prélèvement d’échantillons de tissu pour l’électrophorèse est relativement aisé. Après le stade 20, les couches tissulaires adhèrent étroitement l’une à l’autre et les morceaux isolés sont toujours assez petits. La quantité de tissu soumise à l’extraction est donc plus faible quand elle provient d’embryons ayant achevé leur neurulation. Ainsi s’explique le pâlissement du spectre électrophorétique observé après le stade 20.

Existence de gradients dans la jeune gastrula

Dès les premiers stades examinés, les trois feuillets embryonnaires montrent un contenu protéique différent. Chaque tissu possède des bandes protéiques qui lui sont propres : k et l pour l’ectoderme, me± et me7 pour le mésoderme, ent et en.3 pour l’endoderme. Certaines bandes sont par ailleurs communes à l’ectoderme et au mésoderme: b,f g, i et n. D’autres éléments se retrouvent à la fois dans l’ectoderme, le mésoderme et l’endoderme : z, j et n.

Les données précédentes peuvent s’interpréter comme une preuve de l’existence d’un gradient animal-végétatif dans la répartition des protéines de la jeune gastrula. Ce gradient est à la fois quantitatif et qualitatif. En effet:

La concentration en protéines extractibles se montre beaucoup plus élevée dans le tissu animal que dans le tissu vitellin (figs. 4 et 7).

Certaines protéines n’existent que dans la partie animale de l’embryon. D’autres sont localisées uniquement dans la partie végétative.

L’absence de données comparatives entre les régions marginales dorsale et ventrale ne nous permet pas d’affirmer l’existence d’un gradient dorso-ventral. Toutefois, la concentration en protéines extractibles semble au moins aussi élevée dans le tissu mésodermique que dans le tissu ectodermique (figs. 4 et 6). Le spectre électrophorétique fourni par le tissu mésodermique est, en effet, d’intensité à peu près égale à celui que donne l’ectoderme. Il est vrai que les quantités de tissu prélevées pour l’étude électrophorétique de l’ectoderme et du mésoderme ne sont peut-être pas égales. Toutefois, les fragments de lèvre dorsale du blastopore examinés pour leur contenu protéique n’étaient jamais de taille supérieure aux fragments d’ectoderme animal. Il semble donc bien que, au début de la gastrulation, la concentration des protéines extractibles dans le mésoderme et dans l’ectoderme présomptifs soit comparable. La zone animale de haute teneur en protéines solubles se prolongerait par conséquent sous l’équateur de la gastrula dans la zone marginale dorsale. Au surplus, cette dernière région se montre qualitativement différente des parties plus animales (ectodermiques) et plus végétatives (endodermiques).

L’existence d’un gradient animal-végétatif dans la répartition des protéines est en accord avec la théorie de Dalcq & Pasteels (1937). Nos résultats sont également à rapprocher des données obtenues par Brachet (1940) concernant la répartition dans l’embryon des protéines à fonctions SH. Celles-ci se montrent nettement plus abondantes dans la région animale de la blastula que dans la région végétative. Au début de la gastrulation, la lèvre dorsale du blastopore présente également une teneur élevée en protéines soufrées.

Evolution de /’ectoderme au cours de la gastrulation et de la neurulation

Entre le stade 6 et le stade 8, le spectre électrophorétique de l’ectoderme acquiert deux nouvelles bandes : j et k. Très marqués aux stades 8 et 9, ces éléments s’estompent petit à petit dans la seconde partie de la gastrulation. Cette disparition est beaucoup plus rapide dans l’ectoderme ventral que dans le tissu nerveux présomptif. La présence des bandes j et k dans l’ectoderme coïncide donc exactement avec la période de ‘compétence’ de celui-ci. En effet, la faculté du tissu ectodermique de se transformer en tissu nerveux est maximum au début de la gastrulation, et s’amenuise petit à petit dans la suite du développement. Il est permis de se demander si la compétence de l’ectoderme n’est pas en relation directe avec la présence au sein de celui-ci des bandes j et k. Ces protéines pourraient par exemple conférer au tissu ectodermique une perméabilité particulière le rendant sensible à la pénétration d’une substance inductrice.

Vers le stade 8, l’ectoderme se garnit d’une bande supplémentaire (m). L’évolution de ce nouvel élément est différente dans l’ectoderme neural et dans l’ectoderme ventral. Dans le tissu nerveux présomptif, la bande m se renforce au début de la période d’induction et se maintient jusqu’aux environs du stade 15. Dans l’ectoderme ventral au contraire, cet élément disparaît dès le stade 11. Le renforcement de la bande m dans le tissu nerveux présomptif pourrait être une conséquence de l’induction neurale.

Différenciation précoce des différents tissus

Entre le stade 14 et le stade 19, le spectre électrophorétique de l’ectoderme neural, de l’ectoderme ventral et du mésoderme s’enrichit de plusieurs bandes supplémentaires (ne3 et ne4 pour l’ectoderme neural, ve4, ve5 et ve6 pour l’ecto- derme ventral, me3 et me3 pour le mésoderme). Dès la fin de la neurulation (stade 20), il existe d’importantes différences dans la constitution protéique de l’ectoderme neural et de l’ectoderme ventral. Or, à ce moment, ces tissus sont déterminés de façon définitive.

Comparaison des données électrophorétiques fournies par les extraits d’embryons entiers et par les fragments de tissu

Certaines discordances apparaissent quand on compare le spectre électrophorétique d’embryons entiers et les protéinogrammes fournis par les différents tissus embryonnaires.

  1. Dans le tissu ectodermique, les bandes k et l semblent apparaître au stade 8. Le spectre électrophorétique d’extraits totaux indique, au contraire, que ces bandes existent depuis le début du développement.

2. La bande m disparaît dans l’ectoderme neural vers le stade 15. Sur le protéinogramme ‘total’, cet élément paraît se maintenir jusqu’à la fin de l’ontogenèse.

Ces discordances peuvent cependant s’expliquer. Le spectre électrophorétique ‘total’ peut être considéré comme la superposition des protéinogrammes fournis par les différents tissus embryonnaires. Cependant, toutes les parties de l’embryon n’ont pas été étudiées au point de vue de leur contenu protéique. La région marginale ventrale, par exemple, a été laissée de côté. L’extrait ‘total’ contient donc des protéines provenant d’une plus grande variété de tissus que les quatre espèces étudiées.

Certaines bandes visibles sur le protéinogramme ‘total’, proviennent donc de parties d’embryon qui n’ont pas été examinées par électrophorèse. D’autres éléments — simples en apparence — du spectre électrophorétique ‘total’ résultent de la superposition de plusieurs bandes étroites fournies par des régions distinctes de l’embryon.

Ainsi en va-t-il probablement des bandes k et l pendant la période du clivage. Les bandes ec2 et ec3 de l’ectoderme, mei et me7 du mésoderme, et en3 de l’endo-derme se superposent sans doute dans le protéinogramme ‘total’ et prennent l’aspect de deux bandes distinctes : k et l.

Quant à la bande m, visible sur le protéinogramme ‘total’, elle ne constitue probablement pas un élément simple mais double. Jusqu’au stade 15, elle corres-pondrait à la bande ectodermique de même nom. A partir du stade 19, elle serait produite par la superposition des bandes ve6, ne4 et peut-être ne3. Celles-ci sont apparues dans l’ectoderme ventral et dans l’ectoderme neural au cours de la neurulation.

Le spectre électrophorétique de fragments de tissu met en évidence certains faits qui n’apparaissent pas à l’examen du protéinogramme ‘total’. Ainsi, l’ectoderme et le mésoderme sont le siège d’une synthèse importante de matériel protéique au cours de la neurulation. Toutes les nouvelles bandes visibles dans les tissus isolés se recouvrent l’une l’autre dans le protéinogramme ‘total’ et passent inaperçues.

Au point de vue du métabolisme protéique, le développement peut être divisé en trois phases principales :

1èTephase: de la fécondation au début de la gastrulation (clivage).

2èmcphase: du début de la gastrulation au stade 31.

3èmephase: du stade 31 à la prise de nourriture.

La première période est caractérisée par un accroissement lent de la quantité totale de protéines extractibles. Cette augmentation n’est probablement pas due à des synthèses protéiques mais à une mise en solution progressive des réserves vitellines.

Au cours de la seconde période, l’anabolisme protéique se met en marche. En effet, une nouvelle bande apparaît au stade 8 et plusieurs autres au cours de la neurulation. Malgré cela, la vitesse d’apparition des protéines solubles demeure sensiblement égale à ce qu’elle était durant le clivage.

Vers le stade 31, la vitesse d’apparition des protéines solubles augmente brusquement. En même temps, se produit une diversification rapide de l’arsenal protéique de l’embryon. L’accélération dans l’accroissement de la quantité de protéines extractibles résulte vraisemblablement de la mise en marche de la circulation sanguine. Ce phénomène modifie probablement l’équilibre enzymatique existant au sein de la masse vitelline endodermique et entraîne la digestion rapide de cette dernière.

Les synthèses protéiques ne se produisent pas de façon continue au cours du développement. Elles se répartissent au contraire en deux périodes distinctes de l’ontogenèse. La première période d’activité anabolique intense est simultanée aux mouvements morphogénétiques (stades 8-19). La seconde période se situe entre le stade 31 et la prise de nourriture. Les synthèses précoces produisent des protéines caractéristiques de chaque tissu. Il s’agit peut-être de protéines de structure servant à la différenciation des diverses ébauches.

D’après nos expériences, les protéines embryonnaires se répartissent dans la jeune gastrula suivant un gradient animal-végétatif. Le gradient observé intéresse à la fois la quantité et la nature des protéines distribuées dans les diverses parties de l’embryon.

Au cours de la gastrulation, le contenu protéique de l’ectoderme subit d’importantes modifications.

  1. L’ectoderme animal compétent de la jeune gastrula acquiert vers le stade 8 deux bandes protéiques particulières. Celles-ci se réduisent progressivement à mesure que la compétence de l’ectoderme diminue.

  2. Dès le stade 11, des différences apparaissent dans la constitution protéique de l’ectoderme ventral et de l’ectoderme neural. Ces différences se révèlent avant qu’il soit histologiquement possible de distinguer l’un de l’autre l’ectoderme ventral et le tissu nerveux présomptif.

  3. L’ectoderme en voie de différenciation nerveuse présente une bande protéique de mobilité électrophorétique très faible. La présence de cet élément est peut-être en relation avec les phénomènes d’induction.

Selon toute vraisemblance, les protéines solubles qui apparaissent au cours de l’ontogenèse proviennent d’une manière plus ou moins directe du matériel vitellin. S’il en est ainsi, la courbe de la fig. 8 indique une modification de la vitesse de résorption du vitellus vers le stade 31. Ce phénomène peut être interprété comme une indication de l’existence de deux types de vitellus dans l’embryon. Le premier type, localisé dans les organes axiaux (ectoderme et mésoderme) serait seul utilisé dans la période de l’ontogenèse qui s’étend de la fécondation au stade 31. Après ce dernier stade, le second type de matériel de réserve — le vitellus endodermique — commence à être digéré. Cette seconde espèce de matériel vitellin correspondrait au vitellus extra-embryonnaire des oiseaux. La pente légèrement décroissante des deux segments de la courbe n° 8 indique un ralentissement progressif de la vitesse de mise en solution de chaque type de vitellus. Cette perte de vitesse semble due à la diminution de la quantité de matériel disponible d’une part dans les organes axiaux et d’autre part dans l’endoderme.

Panijel (1950) a signalé l’existence dans l’œuf mûr de deux sortes de plaquettes vitellines. Ces deux espèces diffèrent par leur taille et par leurs propriétés chimiques. La première variété est formée de granules vitellins de petite dimension. Elle se rencontre dans la partie animale (futur ectoderme) et dans la zone intermédiaire (futur mésoderme) de l’œuf. La seconde variété comprend de grosses plaquettes localisées dans la région végétative (futur endoderme) de l’œuf et aussi dans la zone intermédiaire. La première partie (0 – 31) de la courbe n° 8 correspondrait à la digestion des petites plaquettes de Panijel. La seconde section du même diagramme serait une mesure de la vitesse d’utilisation des grosses plaquettes (beaucoup plus abondantes). Le premier type de matériel vitellin pourrait jouer un rôle important dans l’organogenèse primaire et en particulier dans les phénomènes d’invagination et d’induction.

  1. Les protéines extraites d’embryons de P. waltii (stades 0–37) ont été soumises à l’électrophorèse sur acétate de cellulose. Plusieurs tissus embryonnaires ont été également étudiés par la même méthode.

  2. Au cours du développement, le spectre électrophorétique d’embryons entiers acquiert une nouvelle bande au début de la gastrulation. Peu de changements interviennent dans le protéinogramme ‘total’ jusqu’au stade 31. Après ce stade, le spectre électrophorétique se diversifie rapidement.

  3. La quantité totale de protéines extractibles par embryon s’accroît lentement du stade 0 au stade 31 et beaucoup plus rapidement à partir du stade 31. Cette accélération est probablement due à la mise en marche de la circulation sanguine.

  4. Dès le début de la gastrulation, des différences apparaissent dans la constitution protéique des divers feuillets embryonnaires. Les protéines semblent se répartir dans la jeune gastrula selon un gradient dorso-ventral.

  5. L’ectoderme compétent et l’ectoderme en voie de neurulation possèdent des bandes protéiques particulières.

  6. Le contenu protéique de l’ectoderme ventral et celui de l’ectoderme neural se montrent différents dès la seconde partie de la gastrulation.

  7. Chaque tissu embryonnaire (sauf l’endoderme) acquiert de nouvelles bandes protéiques au cours de la neurulation. Ces bandes sont différentes pour chaque tissu étudié.

  8. L’embryon possède probablement deux types de vitellus, digérés non pas en même temps mais en deux phases successives. Le premier type serait localisé dans les organes axiaux. Le second type, contenu dans l’endoderme, ne serait résorbé qu’à partir du stade 31.

Je tiens à remercier M. le Professeur Damas pour la bienveillante attention et les conseils qu’ils m’a prodigués pendant la durée de ce travail. Je remercie également M. le Professeur Dubuisson pour l’utilisation du spectrophotomètre de son laboratoire, grâce auquel les mesures quantitatives ont été possibles. Ce travail a été rendu possible grâce au soutien matériel du F.N.R.S. (mandat d’aspirant).

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