De très nombreux auteurs ont signalé les effets tératogènes de divers agents physiques sur l’œuf de Poule (incubation à des températures élevées ou basses, vernissage des œufs, secouage, prélèvement d’albumine, réalisation d’une fenêtre dans la coquille, radiations diverses, ultra sons etc.) avant ou pendant les premiers jours de l’incubation. Nous avons cherché à savoir si des malformations différentes de celles qui avaient été ainsi obtenues pouvaient l’être après la soixante-douzième heure de l’incubation. Nous avons choisi comme agent un choc thermique qui n’a pas d’action tératogène dans les premiers jours de l’incubation.

Elle a essentiellement consisté à retirer de la couveuse des œufs de Poules Leghorn blanches à diverses périodes de l’incubation et à les laisser séjourner pendant un certain temps dans un local dont la température a varié de 17 à 24 degrés. Cette technique paraît d’après Dareste (1891) avoir été imaginée par Panum (1860) qui retirait les œufs de la couveuse après 2 à 3 jours d’incubation et les laissait exposés pendant quelques heures à la température de l’air ambiant. Elle a été reprise par Dareste qui refroidissait des œufs ayant atteint la fin du quatrième jour de l’incubation. Cet auteur a conclu à l’absence du pouvoir tératogène de cette technique. Ce sont vraisemblablement ces conclusions négatives qui ont empêché les auteurs qui l’ont suivi de faire les recherches qui, en variant les conditions expérimentales, leur en auraient montré ce pouvoir tératogène.

Les conditions dans lesquelles nous nous sommes placés sont exactement les suivantes: Une fenêtre ronde d’environ 15 mm. de diamètre a été ouverte dans la coquille après 72 heures d’incubation et fermée par une lamelle de ruban adhésif. Les malformations visibles à la loupe des embryons morts ou vivants à ce moment ont été notées et tous les œufs renfermant des embryons vivants ont été remis temporairement à la couveuse puis au froid à des périodes variées de l’incubation.

Le nombre total des œufs mis en expérience a été de 699. Neuf variétés d’expériences ont été faites, différant seulement par le jour de l’incubation où l’œuf a été mis au froid et le temps où il y a séjourné. L’examen des embryons a été fait immédiatement avant la mise au froid et les morts éliminés de l’expérience. Un autre examen a été fait immédiatement avant la remise à la couveuse après action du froid. Il a montré que la circulation était arrêtée mais que le cœur pouvait encore battre chez certains embryons.

Effet létal

Un examen fait 24 heures après la remise en couveuse a montré que la circulation sanguine arrêtée pendant le séjour au froid ne s’était pas rétablie chez un assez grand nombre d’embryons. Les tableaux 1 et 2 donnent les périodes du développement pendant lesquelles les œufs ont séjourné au froid au cours de nos 9 variétés d’expériences (2 jours dans le tableau 1, 3 jours dans le tableau 2) et le nombre d’œufs mis en expériences renfermant des embryons vivants. Ces tableaux donnent aussi le pourcentage des embryons morts 24 heures après la remise en couveuse. Cette proportion peut servir à évaluer le pouvoir létal de la technique. Il apparaît approximativement le même après deux jours de refroidissement quel que soit le jour où a lieu la mise au froid (vers 30 pour cent) mais plus faible du 4e au 6e jour. Le refroidissement pendant 3 jours a doublé approximativement la mortalité (tableau 2) et la fréquence augmente lors-qu’avance le stade auquel l’œuf est refroidi.

Tableau 1

Tableaux résumant les effets létaux et tératogènes du séjour au froid des œufs pendant 2 à 3 jours entre le 3e et le 8e jour de l’incubation

Tableaux résumant les effets létaux et tératogènes du séjour au froid des œufs pendant 2 à 3 jours entre le 3e et le 8e jour de l’incubation
Tableaux résumant les effets létaux et tératogènes du séjour au froid des œufs pendant 2 à 3 jours entre le 3e et le 8e jour de l’incubation
Tableau 2
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Tableau 3

La statistique suivante a été établie en tenant compte du fait que dans chaque œil la région commissurale postérieure de même que l’antérieure est formée de deux parties l’une supérieure et l’autre inférieure. Ces deux parties peuvent faire défaut ou seulement l’une d’entre elles. Quand les deux parties d’une commissure sont absentes on a compté 2 cas d’ablépharie localisée. Quant à l’absence des paupières le nombre de cas signalés est celui des paupières absentes sur les deux yeux

La statistique suivante a été établie en tenant compte du fait que dans chaque œil la région commissurale postérieure de même que l’antérieure est formée de deux parties l’une supérieure et l’autre inférieure. Ces deux parties peuvent faire défaut ou seulement l’une d’entre elles. Quand les deux parties d’une commissure sont absentes on a compté 2 cas d’ablépharie localisée. Quant à l’absence des paupières le nombre de cas signalés est celui des paupières absentes sur les deux yeux
La statistique suivante a été établie en tenant compte du fait que dans chaque œil la région commissurale postérieure de même que l’antérieure est formée de deux parties l’une supérieure et l’autre inférieure. Ces deux parties peuvent faire défaut ou seulement l’une d’entre elles. Quand les deux parties d’une commissure sont absentes on a compté 2 cas d’ablépharie localisée. Quant à l’absence des paupières le nombre de cas signalés est celui des paupières absentes sur les deux yeux

Les tableaux donnent aussi le pourcentage d’œufs vivants au dixième jour de l’incubation. Dans toutes les variétés d’expériences certains embryons sont morts entre le vingtième et le vingt-cinquième jour de l’incubation, d’autres sont éclos avec ou sans malformations. Des statistiques n’ont pas été faites à ce sujet parce que de nombreux embryons ont été prélevés vivants entre le dixième et le vingtième jour.

Effet tératogène

Parmi les malformations dont étaient porteurs les embryons obtenus dans nos expériences après action du froid, certaines faisaient partie de celles qu’on rencontre après mise en œuvre d’agents physiques avant la soixante-douzième heure de l’incubation. Elles étaient peu nombreuses. Quatre acléiencéphales (habituellement dénommés anencéphales), 2 omphalocéphales, 1 spina bifida, 1 ectrosome, 1 anoure, 1 symèle, 1 monstre double. Ces malformations peuvent être considérées comme des malformations spontanées étant donné leur faible pourcentage.

Les autres malformations obtenues sont très rares à l’état spontané, nous les grouperons sous quatre chefs: ablépharie, malformations des membres, malformations du bec, œdèmes et hémorragies localisés.

A. Ablépharie (Pl. 1 et 2, fig. 1 à 7)

L’absence totale des deux paupières a été observée ainsi que des cas d’ablé-pharie localisée caractérisés par l’absence d’une plus ou moins grande partie des paupières allant d’une petite incisure au remplacement d’une paupière par un petit bouton. L’ablépharie peut être localisée à la région moyenne de l’une des deux paupières ou consister dans l’absence de la commissure antérieure ou de la postérieure. L’ablépharie peut aussi être localisée à un seul œil ou être bilatérale et dans ce cas elle peut avoir exactement la même localisation sur les deux yeux. Nous avons divisé tous les cas observés en 4 catégories: absence totale comprenant les cas où ne persiste qu’un petit bouton palpébral; absence de la commissure antérieure; absence de la commissure postérieure; absence de la partie moyenne comprenant tous les cas où cette partie moyenne fait défaut quelle que soit son étendue. Les résultats sont consignés dans le tableau 3 qui donne le pourcentage de ces quatre catégories pour chaque variété d’expérience. Les variétés d’expériences dans lesquelles des cas d’ablépharie ont été constatés sont au nombre de 6 comprenant 476 embryons. L’absence totale des paupières a été constatée dans 17 cas, celle de la commissure antérieure dans 11 cas, celle de la commissure postérieure dans 49 cas, et les lésions de la région moyenne dans 16 cas. La malformation la plus fréquente est l’absence de la commissure postérieure, son maximum de fréquence est apparu dans les expériences de refroidissement de l’œuf du cinquième au septième jour de l’incubation.

Dans leur ensemble ces expériences nous ont donné 41 embryons porteurs d’ablépharie. Le nombre d’yeux abléphariques était de 68, chez 27 embryons l’ablépharie était donc bilatérale. Dans 14 cas où l’ablépharie était unilatérale 7 cas affectaient l’œil gauche et 7 le droit.

Une autre statistique porte sur tous les cas d’ablépharie relevés sur les deux paupières de tous les yeux (par exemple l’absence de la commissure antérieure et celle de la postérieure sur un œil est comptée comme 4 cas d’ablépharie). Dans ces conditions nous avons relevé 153 cas d’ablépharie, 83 pour la paupière supérieure et 70 pour l’inférieure, 49 à droite et 34 à gauche pour la paupière supérieure, 37 à droite et 33 à gauche pour l’inférieure.

L’ablépharie a été observée dans toutes les variétés d’expériences sauf dans celles où les œufs ont été refroidis du troisième au cinquième jour et celles où ils l’ont été du septième au neuvième et du huitième au dixième. Le maximum des cas a été observé après refroidissement du cinquième au septième jour où ont été trouvés 13 embryons abléphariques, 21 yeux avec ablépharie et un total de 78 cas d’ablépharie, c’est-à-dire plus de la moitié de tous les cas observés dans nos expériences puisqu’ils étaient de 153.

Le pourcentage des embryons abléphariques a au contraire été à peu près le même dans les quatre variétés d’expériences où il a été le plus élevé (4e jour au 6e jour, 4e au 7e, 5e au 7e, 5e au 8e). Voir tableau 3.

B. Malformation des membres (PI. 2 et 3, fig. 10 à 17)

Les malformations suivantes ont été observées: Absence totale de l’aile ou de la patte ou son remplacement par un petit bourgeon (ectomélie); absence de la partie distale du membre (hémimélie); atrophie d’un ou de plusieurs orteils soudés ou non entre eux; absence du deuxième doigt, absence du premier orteil (ectrodactylie), absence de la phalange unguéale du deuxième et du quatrième orteil; accollement entre le premier et le deuxième orteil ou entre le deuxième et le troisième (syndactylie par accollement); union entre le troisième et le quatrième orteil par une membrane ne faisant défaut qu’au niveau de la phalange unguéale (syndactylie membraneuse); déformation d’orteils caractérisée par la position de la phalange unguéale à angle droit sur la précédente; dédoublement du premier et du deuxième orteil dans sa partie distale, dédoublement du deuxième doigt (polydactylie) (PI. 3, fig. 16). Des cas de malformations des membres ont été observés dans toutes les variétés d’expériences sauf dans celles où la mise au froid avait été faite le troisième jour de l’incubation (voir tableaux 1 et 2). Les déformations de la phalange unguéale (clinodactylie) n’ont été observées que dans les expériences où la mise au froid avait été faite au huitième jour.

Au total 72 cas de malformation des membres ont été observés, 20 portant sur le membre supérieur et 52 sur le membre inférieur. Pour le membre supérieur 5 à droite et 15 à gauche et pour l’inférieur 25 cas à droite et 27 à gauche. Certaines malformations existaient symétriquement des deux côtés: ce sont la syndactylie par accollement du premier avec le deuxième orteil, l’absence de la phalange unguéale du quatrième orteil et la syndactylie membraneuse entre le troisième et le quatrième orteil. Les cas de polydactylie étaient au nombre de 5: deux cas de dédoublement du premier orteil obtenus après refroidissement des œufs du quatrième au sixième jour et du quatrième au septième, un cas de dédoublement du deuxième orteil après refroidissement du huitième au dixième et deux cas de dédoublement du deuxième doigt par refroidissement du septième au neuvième.

C. Malformations du bec

Ces malformations portaient sur le demi-bec inférieur ou sur le demi-bec supérieur ou sur ces deux parties.

(a) Malformations du demi-bec supérieur (Pl. 1 et 2, fig. 3, 5, 7, 8)

Nous avons observé le bec de lièvre, le colobome de la face et l’atrophie. Le bec de lièvre est caractérisé par l’absence de la partie formée par le bourgeon nasal interne. Treize cas en ont été observés: 2 bilatéraux, 7 à droite, et 4 à gauche. Cette malformation n’est apparue qu’après refroidissement du quatrième au sixième jour, du quatrième au septième, du cinquième au septième et du cinquième au huitième (Pl. 1, fig. 3 et 5). Un cas de colobome de la face dû à l’atrophie des bourgeons nasaux externe et interne a aussi été observé du côté gauche après refroidissement des œufs du cinquième au septième jour.

Dans les cas d’atrophie du demi-bec supérieur (PI. 2, fig. 7 et 8) celle-ci portait sur la partie du bec située en avant des narines et formée par le prémaxillaire. 4 cas en ont été observés dont 3 accompagnant l’atrophie du demi-bec inférieur; 3 de ces 4 cas sont apparus après refroidissement des œufs du sixième au huitième jour et un après refroidissement du cinquième au huitième.

(b) Malformations du demi-bec inférieur (Pl. 1 et 2, fig. 1,4, 5, 8, 9)

Quinze cas de cette atrophie ont été observés dans lesquels la fente palatine était largement mise à nu. Dans certains de ces cas les deux ébauches osseuses ne s’étaient pas fusionnées sur la ligne médiane et étaient réunies l’une à l’autre par une partie membraneuse. Un cas a été observé après refroidissement des œufs du cinquième au septième jour; 5 cas après refroidissement du cinquième au huitième et 9 cas après refroidissement du sixième au huitième jour.

D. Hémorragies et œdèmes localisés (PI. 3, fig. 17 à 20)

Des boules sanguines ou œdémateuses ont été observées à l’extrémité distale ou le long des membres, sur la tête et sur le corps. Celles qui siégeaient sur les membres s’accompagnaient parfois de leur malformation. Les autres avaient seulement pour effet d’empêcher la formation du duvet. Sur 72 cas de malformation des membres 16 étaient accompagnés d’hémorragies (22,2 pour cent) qui en étaient vraisemblablement la cause. Ces hémorragies tératogènes localisées sont apparues dans toutes les expériences sauf dans celles où le refroidissement des œufs a eu lieu du sixième au huitième jour. Celles qui se sont produits après refroidissement au quatrième et au cinquième jour ont été les plus nombreuses et se sont accompagnées des malformations les plus graves (ectromélie et hémi-mélie). Les hémorragies localisées à la tête et au tronc sont apparues seulement dans les expériences où les œufs avaient été refroidis aux sixième, septième ou huitième jour, elles ont dans tous les cas empêché la formation du duvet à leur niveau.

Les boules hémorragiques ne renfermaient pas toutes du sang pur mais mélangé en quantités variables avec du liquide d’œdème et on rencontrait des boules œdémateuses et des boules sanguines au contact les unes des autres (PI. 3, fig. 20).

De grosses boules œdémateuses ont aussi été observées au devant de l’œil constituant une saillie (buphtalmos) qui écartait les paupières normalement développées ou coexistait avec de l’ablépharie. Dans certains cas ces boules œdémateuses oculaires renfermaient aussi du sang (Pl. 1, fig. 6).

La fréquence avec laquelle sont apparus ces cas de buphtalmos est donnée dans le tableau 1. Il montre leur apparition dans toutes les variétés d’expériences sauf celles où le refroidissement de l’œuf a eu lieu le troisième et le huitième jour de l’incubation.

Effet létal

Nos résultats résumés dans les deux premiers tableaux mettent en évidence une forte action létale de la technique utilisée (en moyenne 31 pour cent de mortalité des embryons 24 heures après leur remise à la couveuse à la sortie du local froid). Elle a cependant permis à une forte proportion d’embryons de dépasser le dixième jour de l’incubation (en moyenne 56 pour cent) et à certains d’entre eux d’atteindre vivants la fin de la période d’incubation et même d’éclore, quoique porteurs de malformations.

La comparaison entre les tableaux 1 et 2 montre que l’effet létal a été beaucoup plus grand quand les œufs ont séjourné hors de la couveuse pendant 3 jours au lieu de deux. La proportion des morts le lendemain de la remise à la couveuse après séjour au froid pendant 2 jours a été en effet de 31,4 pour cent, tandis qu’elle s’est élevée à 65,8 pour cent quand ce séjour a eu une durée de 3 jours. La proportion des embryons vivants au dixième jour est tombée de 53,1 à 18,8 pour cent.

Effet tératogène

Au point de vue des malformations, le bec de lièvre est apparu comme ayant son maximum le plus précoce parmi les différentes variétés de malformations obtenues (refroidissement du quatrième au sixième jour), celui de l’ablépharie vient ensuite (refroidissement du cinquième au septième jour), puis celui de l’atrophie du bec (refroidissement du sixième au huitième jour). Quant aux malformations des membres, débutant avec le refroidissement du quatrième au sixième jour, leur proportion s’est progressivement élevée sauf après le refroidissement entre le sixième et le huitième jour où elle a au contraire été le plus faible.

Ces résultats mettent en évidence les stades les plus favorables pour obtenir une malformation déterminée après la soixante-douzième heure de l’incubation. A ce sujet nous avons aussi constaté que sur 13 cas de syndactylie avec membranes, 2 avaient été obtenus après refroidissement du cinquième au septième jour; 5 après refroidissement du septième au neuvième et 6 après refroidissement du huitième au dixième. Tous les cas de syndactylie par accollement de deux orteils voisins l’un de l’autre ont été obtenus après refroidissement du quatrième au sixième et au septième jour et du cinquième au septième jour. Ce dernier stade est le seul où les deux variétés de syndactylie ont été réalisées, il est aussi le plus avancé auquel s’est produite la syndactylie par accollement et le plus jeune où sont apparus les cas de syndactylie membraneuse.

Malformations obtenues chez des Mammifères

Les cas d’hémorragies et d’œdèmes localisés que nous avons obtenus nous paraissent devoir être rapprochés de ceux qu’ont signalés plusieurs auteurs chez des embryons de Mammifères par injections de substances chimiques ou des carences.

Jost (1953) a injecté à des foetus de rat de 16 à 17 jours directement à travers la paroi utérine des solutions de diverses substances hormonales qui provoquent au niveau des extrémités (membre, queue, langue, etc.) des hémorragies suivies de nécroses pouvant entraîner l’amputation congénitale ou la déformation des extrémités. Des injections faites à des embryons plus jeunes ont fait apparaître des ampoules claires sur le dos ou la tête. Certaines des conclusions de cet auteur montrent que les faits qu’il a observés sont les mêmes que ceux que nous signalons chez l’embryon de Poule après action du refroidissement des œufs. (1) Les lésions apparaissent à la suite d’une série de processus comportant successivement de l’œdème avec développement parfois d’ampoules claires puis de volumineuses ampoules hémorragiques. (2) Des hémorragies peuvent apparaître d’une manière inconstante sur diverses parties du corps. (3) Nous n’avons pas observé comme Jost des hémorragies à l’extrémité de la queue, mais seulement aux membres. D’après les résultats de Jost, ce fait pourrait être dû à ce que le refroidissement temporaire de l’œuf soit un facteur tératogène de trop faible puissance, cet auteur signale en effet que pour léser la queue il faut injecter une dose de substance supérieure à celle qui est nécessaire pour frapper les membres et une encore plus forte pour léser la langue.

Lefebvres-Boisselot (1951) a observé chez des embryons de rat dont les mères étaient carencées en acide pantothénique des hémorragies au niveau de l’encéphale et des méninges et assez souvent à l’extrémité des membres, surtout des membres postérieurs, ces hémorragies durcissaient et gonflaient les tissus et déformaient les doigts, mais l’auteur n’a constaté aucune malformation.

Martinet (1953) a observé chez des embryons de rat des hémorragies situées habituellement au niveau des pattes postérieures, mais aussi des pattes antérieures et à la queue. Ces hémorragies ont été observées dans de fortes proportions (20 à 36 pour cent) après carence en diverses vitamines (vitamines K, E, P, et B), l’acide folique et l’acide pantothénique. Ces hémorragies gonflent et déforment les tissus, dans un cas elles ont réalisé une amputation. Diverses expériences ont amené Martinet à la conclusion que les hémorragies sont dues à une insuffisance en acide linoléique qui, injecté à faible dose, a empêché ces hémorragies d’apparaître.

Mécanisme tératogène

Au point de vue du mécanisme de réalisation des malformations des membres, obtenues à la suite des injections qu’il a faites à des foetus de rat, Jost (1953) pense qu’elles résultent de la lésion de parties déjà constituées, conduisant à l’amputation congénitale, lorsque la régression est assez étendue, ou à des malformations diverses telles que le pied bot, la syndactylie ou la polydactylie, dans les cas où seule une partie de l’ébauche est atteinte.

L’auteur appuie son opinion sur les travaux de Greene & Saxton (1939) et Inman (1941) qui considèrent l’absence héréditaire de doigts ou d’un ou plusieurs membres et parfois de l’oreille comme résultant d’extravasations sanguines et d’hémorragies qui conduisent à la nécrose puis à la chute avant la naissance de la partie de l’extrémité intéressée. Il s’appuie aussi sur le travail de Bagg (1929) qui a montré que chez la souris dans la lignée de Little et Bagg, les lésions des membres généralement associées à des lésions oculaires, le pied bot et la polydactylie, sont précédées par l’apparition d’ampoules claires qui deviennent ensuite hémorragiques; faits qu’a confirmés Plagens (1933).

En ce qui concerne les malformations que nous avons obtenues chez l’embryon de Poule, certaines des malformations des membres sont dues à des hémorragies localisées (ectrosomie-hémimélie-atrophie des orteils, ectrodactylie), d’autres le sont peut-être, la boule œdémateuse ou hémorragique ayant disparu (absence de la phalange unguéale, syndactylie par accollement), mais le fait que 22,2 pour cent seulement des malformations des membres sont accompagnées d’hémorragies ou d’œdèmes localisés aux membres donne à penser que dans la majorité des cas la malformation est due à un arrêt de développement réalisé par un autre mécanisme. L’absence d’hémorragies localisées dans les malformations du bec montre qu’il en est de même pour elles.

En somme, il nous apparaît que chez l’embryon de Poule, seules quelques malformations des membres pourraient s’être réalisées d’après le mécanisme auquel Jost a donné le nom d’acroblapsie (axpos situé à l’extrémité et fiXa/nra) nuire, léser) qui déterminerait une régression secondaire d’extrémités déjà bien ébauchées en opposition avec le mécanisme d’arrêt du développement plus ou moins précoce par lequel se réalisent d’ordinaire ces malformations.

Nous sommes ainsi amenés à reconnaître deux mécanismes différents pour la réalisation des malformations que nous avons obtenues. (1) Hémorragie ou œdème localisé; mais comme il n’est pas possible de dire dans chaque cas si l’hémorragie a détruit une ébauche déjà constituée, ou l’a empêché de se former, les termes de lymphoblapsie et d’hémoblapsie nous paraissent préférables à celui d’acroblapsie, puisqu’ils signifient seulement que l’œdème ou l’hémorragie localisée a joué un rôle dans l’apparition de la malformation. (2) Arrêt de développement analogue à celui qui donne les malformations obtenues après action de nombreux agents physiques et chimiques.

RÉSUMÉ

L’arrêt pendant 2 à 3 jours de l’incubation de l’œuf de Poule a un effet létal et un effet tératogène.

Cette technique détermine des malformations des paupières (ablépharie), des membres (ectromélie, hémimélie, syndactylie, ectrodactylie, polydactylie, atrophie des doigts et des orteils), et du bec (bec de lièvre, atrophie du bec) et des hémorragies et œdèmes localisés provoquant l’agénésie du duvet et le buphtalmos.

Le meilleur stade pour obtenir le maximum de chaque variété de malformation varie suivant la localisation de la malformation (refroidissement des œufs du quatrième au sixième jour pour le bec de lièvre, du cinquième au septième pour l’ablépharie, du sixième au huitième pour l’atrophie du bec et du septième au neuvième pour les membres).

Interruption of incubation of the hen’s egg for 2–3 days has a lethal effect and a teratogenic effect.

The treatment produces malformations of the eyelid (ablephary), of the limbs (ectromely, hemimely, syndactyly, ectrodactyly, polydactyly, atrophy of the fingers and toes), of the bill (hare-lip, atrophy), and haemorrhages and localized oedema which cause agenesis of down and buphthalmos.

The stage at which maximum numbers of each variety of malformation are obtained varies according to the localization of the malformation: cooling of the eggs between the fourth and the sixth day for hare-lip, between the fifth and seventh for ablephary, between the sixth and eighth for atrophy of the bill, and between the seventh and ninth for malformations of the limbs.

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Planche 1

Fig. 1. Ablépharie localisée à la partie postérieure des deux paupières. Absence du duvet entre l’œil et l’orifice auditif. Micrognathie inférieure. Mort 16 jours. Froid 5e à 7e jour.

Fig. 2. Ablépharie ne laissant subsister que la commissure antérieure avec un petit tubercule inférieur et un supérieur. Mort 22 jours. Froid 4e au 7e jour.

Fig. 3. Ablépharie totale sauf un petit tubercule antérieur. Absence du duvet dans la région supéro-interne. Le duvet a été enlevé sur une certaine zone qui apparaît piquetée. Bec de lièvre. Vivant 19 jours. Froid 4e au 6e jour.

Fig. 4. Ablépharie ne laissant subsister que la commissure postérieure. Atrophie du demi-bec inférieur. Vivant 18 jours. Froid 5e au 7e jour.

Fig. 5. Ablépharie localisée à la partie moyenne de la paupière inférieure. Micrognathie inférieure. Bec de lièvre. Vivant 17 jours. Froid 5e au 8e jour.

Fig. 6. Ablépharie localisée à la partie moyenne de la paupière supérieure avec buphtalmos. Vivant 18 jours. Froid du 4e au 7e jour.

Planche 1

Fig. 1. Ablépharie localisée à la partie postérieure des deux paupières. Absence du duvet entre l’œil et l’orifice auditif. Micrognathie inférieure. Mort 16 jours. Froid 5e à 7e jour.

Fig. 2. Ablépharie ne laissant subsister que la commissure antérieure avec un petit tubercule inférieur et un supérieur. Mort 22 jours. Froid 4e au 7e jour.

Fig. 3. Ablépharie totale sauf un petit tubercule antérieur. Absence du duvet dans la région supéro-interne. Le duvet a été enlevé sur une certaine zone qui apparaît piquetée. Bec de lièvre. Vivant 19 jours. Froid 4e au 6e jour.

Fig. 4. Ablépharie ne laissant subsister que la commissure postérieure. Atrophie du demi-bec inférieur. Vivant 18 jours. Froid 5e au 7e jour.

Fig. 5. Ablépharie localisée à la partie moyenne de la paupière inférieure. Micrognathie inférieure. Bec de lièvre. Vivant 17 jours. Froid 5e au 8e jour.

Fig. 6. Ablépharie localisée à la partie moyenne de la paupière supérieure avec buphtalmos. Vivant 18 jours. Froid du 4e au 7e jour.

Planche 2

Fig. 7. Ablépharie localisée à la partie postérieure de la paupière supérieure. Micrognathie supérieure. Vivant 19 jours. Froid du 4e au 6e jour.

Fig. 8. Atrophie des demi-becs supérieur et inférieur. Vivant 20 jours. Froid 6e au 8e jour.

Fig. 9. Atrophie du bec. Le demi-bec inférieur est formé par deux tiges cartilagineuses séparées par une membrane. Vivant 22 jours. Froid du 6e au 8e jour.

Fig. 10. Absence du premier orteil. Mort 23 jours. Froid du 5e au 7e jour.

Fig. 11. Atrophie des orteils et syndactylie avec membranes, partielle entre le 1er et le 2e orteil, totale pour les trois autres. Mort 19 jours. Froid 7e au 9e jour.

Fig. 12. Absence de la griffe du quatrième orteil. Vivant 18 jours. Froid du 7e au 9e jour.

Fig. 13. Atrophie du premier et absence du quatrième orteil. Mort 16 jours. Froid du 7e au 9e jour.

Fig. 14. Syndactylie par accolement des deux premiers orteils, y compris les griffes. Vivant 18 jours. Froid du 5e au 7e jour.

Planche 2

Fig. 7. Ablépharie localisée à la partie postérieure de la paupière supérieure. Micrognathie supérieure. Vivant 19 jours. Froid du 4e au 6e jour.

Fig. 8. Atrophie des demi-becs supérieur et inférieur. Vivant 20 jours. Froid 6e au 8e jour.

Fig. 9. Atrophie du bec. Le demi-bec inférieur est formé par deux tiges cartilagineuses séparées par une membrane. Vivant 22 jours. Froid du 6e au 8e jour.

Fig. 10. Absence du premier orteil. Mort 23 jours. Froid du 5e au 7e jour.

Fig. 11. Atrophie des orteils et syndactylie avec membranes, partielle entre le 1er et le 2e orteil, totale pour les trois autres. Mort 19 jours. Froid 7e au 9e jour.

Fig. 12. Absence de la griffe du quatrième orteil. Vivant 18 jours. Froid du 7e au 9e jour.

Fig. 13. Atrophie du premier et absence du quatrième orteil. Mort 16 jours. Froid du 7e au 9e jour.

Fig. 14. Syndactylie par accolement des deux premiers orteils, y compris les griffes. Vivant 18 jours. Froid du 5e au 7e jour.

Planche 3

Fig. 15. Malformation symétrique. Absence de la griffe du 4e orteil. Quatre jours après éclosion. Froid 7e au 9e jour.

Fig. 16. Dédoublement du deuxième orteil à droite. Déformation à angle droit de la phalange unguéale du troisième orteil des deux côtés. Mort 19 jours. Froid du 8e au 10e jour.

Fig. 17. Atrophie d’orteils porteurs d’une boule sanguine à leur extrémité, très volumineuse sur le 4e orteil à droite. Mort 16 jours. Froid 8e au 10e jour.

Fig. 18. Patte gauche remplacée par une grosse boule sanguine. Atrophie de l’aile gauche. Mort 16 jours. Froid 5e au 8e jour.

Fig. 19. Hémorragie localisée à la face latérale du cou. Mort 22 jours. Froid 7e au 9e jour.

Fig. 20. Tête d’un embryon vivant de 19 jours vue d’en haut. Symétriquement de chaque côté de la ligne médiane se trouve une grosse boule hémorragique et en dedans une petite boule d’œdème. Cas boules sont situées au-dessus et en arrière des yeux. Froid du 7e au 9e jour.

Planche 3

Fig. 15. Malformation symétrique. Absence de la griffe du 4e orteil. Quatre jours après éclosion. Froid 7e au 9e jour.

Fig. 16. Dédoublement du deuxième orteil à droite. Déformation à angle droit de la phalange unguéale du troisième orteil des deux côtés. Mort 19 jours. Froid du 8e au 10e jour.

Fig. 17. Atrophie d’orteils porteurs d’une boule sanguine à leur extrémité, très volumineuse sur le 4e orteil à droite. Mort 16 jours. Froid 8e au 10e jour.

Fig. 18. Patte gauche remplacée par une grosse boule sanguine. Atrophie de l’aile gauche. Mort 16 jours. Froid 5e au 8e jour.

Fig. 19. Hémorragie localisée à la face latérale du cou. Mort 22 jours. Froid 7e au 9e jour.

Fig. 20. Tête d’un embryon vivant de 19 jours vue d’en haut. Symétriquement de chaque côté de la ligne médiane se trouve une grosse boule hémorragique et en dedans une petite boule d’œdème. Cas boules sont situées au-dessus et en arrière des yeux. Froid du 7e au 9e jour.