ABSTRACT
L’étude structurale et fonctionnelle du blastoderme de Poisson conduit à y distinguer deux ensembles: la couche enveloppante et les blastomeres profonds. Si du seul point de vue quantitatif (volume total des cellules) la couche enveloppante est beaucoup moins importante que la masse blastomérienne, du point de vue qualitatif elle représente un élément essentiel dans le développement du blastoderme depuis le stade indivis jusqu’à la fermeture du blastopore. C’est en elle que résident les propriétés d’imperméabilité, de coordination des mouvements cellulaires, de contractilité et d’expansibilité d’ensemble du blastodisque qui entrent en jeu à divers stades de la prémorphogenèse et de la morphogenèse. Vis-à-vis de ce revêtement ‘actif’ le groupe blastomérien profond fait plutôt figure de masse inerte, ou tout au moins incohérente, incapable ‘d’initiative’ et dont les possibilités morphogénétiques, en particulier les mouvements lors de la gastrulation, ont besoin d’être coordonnées, dirigées par la couche enveloppante. Mais c’est de cet ensemble que dérive la quasi-totalité du matériel cellulaire qui édifiera l’embryon; la couche enveloppante ne constituera que l’assise la plus superficielle de l’épiderme, après avoir fourni au matériel de la zone marginale un appoint cellulaire, presque négligeable en quantité.
De la coopération de ces deux constituants résultent la mise en place et la différenciation de l’embryon. Si nous empêchons cette coopération qu’adviendra-t-il de la morphogenèse?
Une telle épreuve peut être tentée en débarrassant le blastoderme de sa couche enveloppante et laissant la masse des blastomères profonds adhérente au vitellus. Par suite de l’intervention de mouvements de réaction du syncytium vitellin et de la pellicule périvitelline, les résultats de cette expérience, souvent contradictoires, sont difficiles à interpréter. Il apparaît alors plus simple de faire la même opération sur des blastodermes séparés de leur vitellus; par cette méthode nous avons obtenu quelques résultats qui valent d’être analysés.
MATERIEL ET MÉTHODE
Des œufs de Salmo irideus sont placés quelques heures dans une solution très diluée de rouge neutre, ce qui permet de limiter pratiquement la coloration du blastoderme à la seule assise cellulaire de la couche enveloppante. Cette coloration préalable facilite beaucoup la conduite de l’opération. La coque est ensuite ouverte et la couche enveloppante est ‘pelée’ à l’anse de platine, opération relativement facile sur l’œuf de Truite; avec un peu d’habitude il est possible d’enlever la couche d’une seule pièce en n’entraînant avec elle que peu de blastomères profonds. Couche enveloppante et masse de blastomères profonds détachés du vitellus, sont alors cultivés en godets séparés à la température de 7−8°. Le liquide de culture est le milieu de White (1946) réduit à sa portion minérale et à son glucose et dont la teneur en Ca a été amenée au même taux que dans le liquide de Holtfreter:
Le grattage de la couche enveloppante peut être effectué aux stades morula à petites cellules, blastula, très jeune gastrula. Passé ce dernier stade le toit blasto-célien devient trop mince pour qu’on puisse arracher la couche sans entraîner avec elle les 3 ou 4 assises cellulaires sous-jacentes.
RÉSULTATS
(1) Blastomères profonds
Sur 50 cultures effectuées il n’a été obtenu que 6 résultats analysables, tous à partir de jeunes gastrulas. En effet, les explants de blastomères profonds (blastomères grattés) peu cohérents se dissocient souvent et surtout se nécrosent plus rapidement, semble-t-il, que ceux des blastomères complets (c’est-à-dire pourvus de leur couche enveloppante). Déjà la survie et la différenciation des blastodermes complets sont des phénomènes capricieux; bien souvent ces explants se nécrosent ou survivent sans se différencier, sans que nous puissions préciser les raisons d’un tel comportement. Dans le cas des explants grattés où nous multiplions les chances de ‘léser’ le blastoderme, il n’est pas étonnant que les résultats soient si maigres.
Des explants grattés de morula ou de blastula ont pu survivre parfois dans d’assez bonnes conditions de conservation pendant 5-7 jours, mais se présentent seulement comme des amas informes sans traces de différenciations. Tout au plus observons-nous des tentatives de groupements cellulaires, séparés du reste de la masse par des limites plus ou moins nettes correspondant à des changements d’orientation des cellules. Le blastocèle se constitue dans les explants de morula. Dans l’ensemble la morphologie est comparable à celle des ‘hyperblastulas’ (Oppenheimer, 1936) réalisées par les blastodermes complets prélevés très jeunes. Une autre constatation, valable pour tous les explants quel que soit leur stade de prélèvement, qu’ils soient ou non différenciés, est que la couche enveloppante ne se reconstitue pas. Il peut en subsister des fragments qui se reconnaissent facilement sur la surface de l’explant par la forme et l’alignement régulier de leurs cellules. Dans les explants gastruléens ces îlots de couche enveloppante sont entrés en activité épibolique comme le témoignent l’aplatissement et l’étirement de leurs cellules (Fig. 1). Une telle activité ne se manifeste dans aucun expiant prégastruléen alors que des œufs témoins, fixés à la même date que ces expiants, sont en pleine épibolie.
Coupe d’un expiant de blastomères profonds prélevé au stade gastrula jeune et fixé 5 jours après, c, corde; ce, fragments de couche enveloppante ayant subi l’étalement épibolique; s, surface de l’explant formée par les blastomères profonds.
Si nous examinons maintenant les quelques explants qui ont subi des différenciations nous noterons d’abord certaines particularités de leur morphologie générale comparée à celle d’explants complets, différenciés, du même âge. Tandis que l’explant complet se roule, en quelques heures, en une sphère parfaite à surface lisse, par un mouvement dû surtout à l’activité de la couche enveloppante (Devillers, 1951b, l’explant gratté ne subit qu’un lent modelage par remaniement et accroissement des contacts intercellulaires et finalement il esquisse vaguement la forme d’une sphère à surface rugueuse dont les cellules superficielles arrondies ne présentent aucune ordonnance régulière et peuvent même se détacher. De tels explants conservent cette forme jusqu’à la fin de leur survie sans jamais subir l’allongement rencontré si souvent avec les blastodermes complets.
La différenciation la plus nette, obtenue avec les jeunes gastrulas, est celle du tissu cordai (Fig. 1), bien reconnaissable à la forme de ses hautes cellules, empilées, écrasées les unes contre les autres, à contenu plus clair que celui des autres cellules. Le degré de différenciation de ce tissu atteint parfois celui de la corde produite par des blastodermes complets mais plus généralement il est moins poussé; l’aspect est plus embryonnaire et les limites de ces fragments de corde sont moins bien tranchées par rapport au reste de l’expiant. Du point de vue topographique ce matériel cordai présente deux caractéristiques: d’une part il n’a guère subi d’élongation et d’autre part il se rencontre à l’état de noyaux plus ou moins importants, isolés les uns des autres, soit en pleine masse de l’explant, soit en surface, c’est-à-dire avec une localisation tout à fait anormale.
Les somites sont apparus mais avec une différenciation toujours moins bonne que celle de la corde. On peut en reconnaître des séries, assez réduites en longueur, où la métamérie se distingue et où l’ordonnance des cellules est assez caractéristique.
Les meilleurs s’alignent en courtes séries où la métamérie se manifeste assez bien; le groupement des cellules dans chaque somite y est bien caractéristique. Mais d’autre part, dans la masse de l’explant se rencontrent de nombreuses formations, isolées, qui montrent une disposition radiaire des cellules autour d’une zone centrale, pleine ou creusée d’une petite lumière. Dans certains cas il s’agit incontestablement de somites, mais pour nombre d’entre eux la détermination devient beaucoup plus difficile et douteuse.
En ce qui concerne la topographie nous pouvons, comme pour la corde, observer la dispersion de ces différenciations dans toute la masse et la surface de l’explant. D’autre part elles ne présentent pas les relations typiques avec les formations cordales.
Un troisième groupe de différenciations est constitué par des structures neuroïdes (Fig. 2). Ce sont des masses irrégulières à noyaux arrondis, plutôt groupés à la périphérie et laissant vers le centre une zone de cytoplasme clair. Jamais il n’a été rencontré de formations nerveuses embryonnaires typiques, immédiatement reconnaissables.
Même expiant que dans la fig. 1. n, masse neuroïde; som, différenciation de type somitique.
Enfin des formations tubulaires ont été observées à plusieurs reprises. Elles sont en général courtes mais dans un cas, un tel tubule, bien organisé, fermé aux deux extrémités, occupe toute la hauteur de l’explant. La lumière centrale y est bien nette, la paroi composée, sur presque toute sa longueur, d’une seule assise cellulaire. La détermination en est difficile; il pourrait s’agir de formations du type lame latérale.
En surface, les fragments de couche enveloppante subsistant, se sont étirés et présentent les noyaux allongés, caractéristiques de cette structure lorsqu’elle accomplit son mouvement épibolique, mouvement favorisé ici par l’existence d’un substratum.
(2) Couche enveloppante
Très rapidement l’explant de couche enveloppante se roule en une sphère parfaite qui subsiste sous cet état un certain temps, puis, à un moment qui doit correspondre, dans l’histoire de l’œuf normal, à la mise en route de l’épibolie, la forme commence à se modifier; l’explant s’allonge et sa surface se hérisse de plissements (Fig. 3) qui sont le témoignage d’un étalement de la couche enveloppante, correspondant au processus épibolique, incomplètement réalisé ici, par suite de l’absence de substratum sur lequel les cellules puissent adhérer et ramper. Ces dernières conservent alors une forme plus arrondie.
Coupe d’un expiant de couche enveloppante prélevé sur une très jeune gastrula et fixé 6 jours après; il contient dans sa partie gauche un peu de matériel profond, c, corde; ce, couche enveloppante; n, différenciation neurale.
Les coupes ne montrent aucune différenciation dans ces expiants, qui pourtant comportent une portion de zone marginale. Peut-être la quantité de ce matériel est-elle trop faible ou bien les cellules constitutives de cette région ont-elles abandonné la couche, réalisant, in vivo, le processus d’ingression observé sur l’œuf normal (Devillers, 195 μz). Il n’est pas possible d’en décider.
Une observation intéressante concerne les explants de couche enveloppante qui ont entraîné avec eux une petite quantité de matériel profond (Fig. 3). La couche enveloppante forme alors un sac enveloppant complètement un noyau de cellules profondes qui s’est parfaitement différencié en corde, somites, moelle, dans un état comparable aux formations rencontrées dans des blastodermes complets, malgré la faible quantité de matériel cellulaire disponible.
DISCUSSION
Les résultats de ces expériences, bien qu’ils apparaissent assez maigres, permettent cependant de tirer quelques conclusions sur les rôles respectifs des deux constituants du blastoderme dans la mécanique gastruléenne.
Toutes les constatations précédentes soulignent le rôle de premier plan joué par la couche enveloppante dans la vie du blastoderme.
Par sa situation superficielle la couche enveloppante contient le cortex de l’œuf indivis, cortex dont nous savons qu’il présente les mêmes propriétés que celui de l’œuf d’Amphibien. Mais alors que chez l’Amphibien il est possible aux stades cellularisés de détacher le ‘coat’ des cellules périphériques, une telle opération est impossible chez le Poisson. Nous homologuerons alors tout l’ensemble de la couche enveloppante, héritière cellularisée, du cortex de l’œuf indivis, au moins au ‘coat’ de l’œuf d’Amphibien. Le cortex d’abord, puis la couche enveloppante, se présentent alors comme une véritable différenciation primaire du blastoderme, différenciation qui, une fois formée, n’est plus capable de régénérer (p. 266); ce n’est donc pas une simple modification superficielle du blastoderme, résultant d’une action du milieu sur la surface protoplasmique; c’est une véritable structure organisée (‘champ cortical’ de Dalcq et de Pasteels) et pendant longtemps c’est même la seule structure organisée de l’œuf. Comme telle elle doit jouer un rôle essentiel aux premières étapes du développement.
Si nous comparons les différenciations obtenues avec des explants complets ou avec les groupes de blastomeres profonds enfermés dans la couche enveloppante d’une part et celles réalisées par les explants grattés d’autre part nous constatons que le degré de différenciation est plus poussé dans les explants de première catégorie que dans ceux de deuxième espèce.
Ce fait doit être mis en relation avec la présence ou l’absence de couche enveloppante et peut être compris avec l’aide des expériences de Niu & Twitty (1953). Ces auteurs ont observé que des explants de mésoblaste axial d’amphi-bien, surtout lorsqu’ils ne sont pas protégés par le ‘coat’, laissent diffuser dans le milieu de culture des substances capables de provoquer la différenciation de fragments ectoblastiques. Une telle diffusion est empêchée, dans l’œuf complet, par le revêtement imperméable du ‘coat’.
Or chez le Poisson il est bien connu que le cortex présente ces mêmes propriétés d’imperméabilité relative qui, normalement, interviennent dans la régulation osmotique. Elles doivent jouer aussi lors des cultures de blastodermes complets qui, une fois roulés en boule, sont complètement isolés du milieu par la couche enveloppante. Si nous admettons qu’avant l’explantation le disque embryonnaire a eu le temps d’accumuler à partir du vitellus les réserves nécessaires à l’élaboration de ‘substances morphogénétiques’,1 1celles-ci seront conservées dans l’explant complet alors qu’en l’absence de revêtement imperméable elles diffuseraient dans le milieu, cette diffusion étant favorisée par le manque de cohésion cellulaire. Donc, dès le début de l’explantation, le germe gratté commence à s’appauvrir. Que se passe-t-il alors à l’époque où devrait débuter la différenciation?
Les explants prégastruléens n’avaient, d’une part, accumulé que peu de réserve, et d’autre part étaient restés plusieurs jours en contact avec le milieu de culture.2 Ils sont donc certainement très pauvres en substances morphogénétiques et leur morphogenèse se limite à des essais, avortés, de ségrégation cellulaire par modification des propriétés de surface; leur différenciation s’arrête à ce tout premier stade d’apparition de l’adhésivité sélective. Dans les explants gastruléens la quantité de substances de réserve était suffisante pour que puisse s’édifier les premiers systèmes enzymatiques, Spiegelman (1948) (?) responsables de l’autodifférenciation cordale. Ce tissu serait alors à considérer comme la différenciation nécessitant le ‘pattern’ enzymatique le plus simple, ‘pattern’ qui irait ensuite en se transformant et en se compliquant pour pouvoir provoquer l’apparition des autres systèmes organiques de l’embryon. Un tel perfectionnement du ‘pattern’ exige un apport continu de matériaux que l’embryon normal puise dans le vitellus. Dans le cas d’un germe explanté, les réserves, limitées, doivent être appauvries, tant en quantité qu’en qualité, pour la genèse de la corde, ce qui n’autorise qu’une esquisse de différenciation somitique et neurectoblastique qui ne dépasse pas le niveau neuroïde. A propos des structures dérivées du neurecto-blaste se pose d’ailleurs encore une fois (voir Tung & Tung, 1944; Devillers, 1948b) le problème de leur origine par induction ou par autodifférenciation. Leur contact avec des fragments cordaux, ce qui n’est pas toujours le cas, ne provoque pas d’amélioration de leur degré de différenciation. Il est certain que le système inducteur/réacteur est loin de posséder tout ce que nécessite son fonctionnement normal.
Si nous examinons maintenant le rôle de la couche enveloppante dans les mouvements morphogénétiques, nous trouvons dans nos expériences une confirmation de son intervention décisive, sinon même exclusive, dans le processus d’épibolie du blastoderme. Les explants de couche enveloppante pure présentent une augmentation très nette de leur surface à partir d’une certaine époque, ce qui montre le caractère intrinsèque de cette transformation. Les explants complets s’allongent très généralement, même si leur masse interne ne se différencie pas, tandis que les explants grattés ne subissent aucun allongement. Dans le développement normal les matériaux constitutifs de l’embryon sont donc passivement étalés par les mouvements de la couche enveloppante, l’élongation de la corde ne jouant qu’un rôle accessoire dans l’étirement de l’embryon (Devillers, 19486).
Reste la question des mouvements d’invagination. Nous ne savons pas grandchose de leur déterminisme. Tout au plus connaissons-nous l’existence des mouvements d’ingression du matériel cellulaire de la couche enveloppante appartenant à la zone marginale (Devillers, 195 la). Mais il s’agit là d’un apport cellulaire réduit dont le mouvement joue peut-être un rôle dans l’invagination générale en dirigeant la course du matériel profond (?). Mais il n’y a pas de mouvement d’invagination d’ensemble du cortex comme cela s’observe chez les Amphibiens (Holtfreter, 1943). C’est essentiellement le matériel profond qui est intéressé par l’invagination et l’on pourrait penser que la présence d’un support solide, adhésif, constitué par la surface du syncytium vitellin est nécessaire à sa réalisation. Qu’advient-il alors des mouvements d’invagination dans les explants séparés du vitellus?
Luther (1936) (greffes en coelome vitellin de blastodermes de Salmo) et Tung & Tung (1944) (sur Carassius) admettent, qu’au moins dans certains cas, la mise en place des matériaux n’a pas eu lieu et qu’ils se sont différenciés in situ.
Pour Oppenheimer (1936), les explants de Fundulus ont subi une invagination normale ou subnormale et c’est certainement ce qui se produit aussi dans les explants complets de Salmo cultivés in vitro: la corde y est toujours en position profonde, détachée de la surface, comme le sont aussi les somites, et malgré les bouleversements topographiques observés dans les embryons ainsi obtenus, les relations mutuelles des diverses structures axiales sont proches de la normale.
Dans nos explants grattés, au contraire, nous trouvons fréquemment la corde et les somites en surface, tout comme dans certains embryons figurés par Tung & Tung (voir fig. 14 de leur mémoire de 1944). Par comparaison avec la topographie réalisée par les explants complets, il est certain que dans l’expiant gratté l’invagination n’a pas eu lieu et que les ébauches se sont différenciées in situ, après avoir subi une désorganisation due aux remaniements cellulaires.
Si le syncytium vitellin joue peut-être un rôle dans la gastrulation normale (?) ce rôle n’est certainement pas décisif (voir aussi Oppenheimer, 1936) puisque les explants complets, roulés en boule, subissent les mouvements d’invagination dans des conditions différentes, plutôt comparables à celles réalisées dans un œuf d’Amphibien où les cellules de la zone marginale, et de l’endoderme, glissent les unes sur les autres sans l’intervention d’un support immobile.
D’autre part nous aboutissons à ce résultat paradoxal qu’en l’absence de couche enveloppante l’invagination ne se produit pas alors que cette structure ne paraît pas intervenir directement dans ce mouvement au cours du développement normal. Faut-il faire intervenir la couche enveloppante comme élément coordinateur des mouvements individuels des blastomères profonds, mouvements qui peut-être subsisteraient partiellement dans les explants grattés, puisque des noyaux de corde sont en position centrale, mais se développeraient de manière incohérente? Faut-il voir une liaison entre cet affaiblissement extrême des mouvements d’invagination et la diffusion des substances morphogénétiques? Nous ne pouvons actuellement donner de réponse à cette question.
RÉSUMÉ
Des disques embryonnaires de 5. irideus, séparés de leur vitellus et dépouillés de leur couche enveloppante, ont été cultivés en milieu synthétiques. Ils ont différencié de la corde, des somites et des formations neuroïdes.
Les différenciations obtenues sont beaucoup moins parfaites que celles obtenues dans les mêmes conditions avec des blastodermes pourvus de leur couche enveloppante. Cette différence dans l’état de développement est attribué à la diffusion, dans le milieu de culture, de ‘substances morphogénétiques’ élaborées par le disque embryonnaire. Une telle diffusion ne peut se produire lorsque le blastoderme est pourvu de sa couche enveloppante, imperméable.
D’autre part l’étude de la localisation des différenciations montre que les ébauches présomptives de la gastrula se sont différenciées in situ sans subir l’invagination alors que ce mouvement se produit dans les explants pourvus de couche enveloppante.
Le rôle de la couche enveloppante dans la réalisation du mouvement d’épibolie est mis en évidence par ces expériences et par des cultures in vitro de couche enveloppante séparées de la masse des blastomères sous-jacents.
SUMMARY
Blastoderms of Salmo irideus, separated from their yolk and with their covering layer (Deckschicht) removed, were cultured in a synthetic medium. Notochord, somites, and neural structures differentiated.
The differentiation obtained was much less perfect than that obtained in the same conditions in blastoderms provided with their covering layer. This difference in the degree of development is attributed to the diffusion into the culture medium of ‘morphogenetic substances’ elaborated by the embryonic disc. Such diffusion cannot occur when the blastoderm is provided with its impermeable covering layer.
A study of the localization of the differentiations shows that the presumptive rudiments of the gastrula have differentiated in situ without undergoing invagination, although this movement takes place in explants possessing their covering layer.
The role of the covering layer in the occurrence of epibolic movement is demonstrated by these experiments, and by in vitro cultures of the covering layer alone, without the mass of underlying blastomeres.
TRAVAUX CITÉS
En l’absence de données biochimiques précises nous donnerons à ce terme de ‘substances morphogénétiques’, volontairement, une acceptation très vague. Il peut tout aussi bien s’agir de substances directement utilisées pour la production d’énergie, que de systèmes enzymatiques responsables de la différenciation et de la croissance.
Enfin il leur manque une partie importante du cytoplasme périblastique qui intervient dans la détermination de la zone marginale (Oppenheimer, 1936; Tung & Tung, 1944; Devillers, 1951 b).