ABSTRACT
Simultaneous inversion of the anteroposterior and dorsoventral axes of the lateral meso-blast in the early toad neurula leads to the total agenesis of the urogenital organs. The experimental results show that the lateral mesoblast is unable to undergo self-differentiation, and that three factors at least are required for the formation of the urogenital blastemata.
The mesoblast must be competent: only the posterior (dorsal, but also ventral) part of the lateral mesoderm is endowed with this competence. It must receive two stimulating influences, from the cordomesoblast on the one hand, and from the dorsocaudal endoblast on the other hand.
INTRODUCTION
Nous avons précédemment démontre (Gipouloux & Hakim, 1977) que 1’on peut étendre à 1’ensemble du mésoblaste latéral l’une des conclusions de Harrison (1921), obtenue sur le territoire du membre, concernant la détermination successive des polaritées antéro-postérieure et dorso-ventrale. La premiére de ces polarités paraît fixée au sein du mésoblaste latéral de la jeune neurula avant celle de l’axe dorso-ventral. De plus, si I’inversion antéro-postérieure de la lame latérale a d’abord montré que cette détermination était particuliérement nette dans la région postérieure et dorsale du mésoblaste latéral, les expériences d’inversion dorso-ventrale nous ont permis de définir le territoire néphrogène comme constitué par la région postérieure dorsale mais aussi ventrale de la lame latérale.
Nous avons pu en outre confirmer que cette détermination était fonction d’au moins un facteur extrinséque au tissu mésoblastique: la préesence de 1’endoblaste dorso-caudal, dont l’action sur le mésoblaste avait déjà été etablie par 1’un de nous (Gipouloux, 1975). Nous suggérions enfin que nos résultats pouvaient être correctement interpétés en invoquant une stimulation éventuelle du mésoblaste latéral par le cordomésoblaste dorsal.
Afin de vérifier cette interprétation de nos résultats précédents et, en parti-culier, pour définir et analyser les facteurs de détermination des différents territoires du mésoblaste latéral de la jeune neurula, nous avons effectué une série expérimentale complémentaire d’inversions simultanées des axes de polarité antéro-postérieure et dorso-ventrale de la lame latérale.
MATERIEL ET TECHNIQUES
Les expériences pratiquées sont des opérations d’autogreffe utilisant de jeunes neurulas de Crapaud commun, Bufo bufo L., au stade II9 (Cambar & Gipouloux, 1956). Quatre incisions, effectuees au niveau des lames laterales du mesoblaste permettent de decouper et de prelever chez Fembryon un fragment ecto-mesodermique. La double inversion des deux axes de polarite antero-posterieure et dorso-ventrale est obtenue en faisant subir au greffon une rotation de 180° avant de le remettre en place (Fig. 1). La cicatrisation est rapide. Les résultats sont examinés au stade IV1,auquel les principals ébauches des appareils urogénital et interrénal sont en cours de différentiation chez les animaux témoins.
Schéma de la technique de transplantation du mésoblaste latéeral aprées inversion des polarités antéro-postérieure et dorso-ventrale. A, antérieur; D, dorsal; P, postérieur; V, ventral.
RESULTATS
Chez 80 % des larves opérées (soit 12 larves), les différentes formations urogénitales sont absentes du côté opéré; elles sont remplacées, mais seulement à un niveau antérieur, par un amas de cellules mésenchymateuses formant un ensemble assez dense rappelant la masse blastématique des cellules méso-néphrogénes et interrénales (Figs. 2 et 3).
Reconstruction graphique de l’appareil urogénital d’une larve opérée. Noter l’absence de formations uro-génitales du côté opere. G, gonade; GL, glomus; IR, tissu interrénal; M, mésonéphros; P, pronéphros; UP, uretère primaire.
Dans les cas restants, soit 20 % (trois larves), on est en présence de résultats identiques à ceux obtenus par une simple inversion antéro-postérieure du mésoblaste latéral, qui entraîne une inversion antéro-postérieure de la disposition du mésonéphros et de la gonade (Gipouloux & Hakim, 1977).
Parmi les larves opérées, dépourvues unilatéralement des dérivés méso-dermiques urogénitaux, huit larves possèdent, du côté opéré, une portion antérieure d’uretére primaire ne dépassant pas une longueur de 300 μm(Fig. 2). Postérieurement, 1’uretére primaire est absent, de même que le mésonéphros et le tissu interrenal. A 1’emplacement de ceux-ci on observe seulement un feuillet coelomique banal parfois légèrement épaissi (Fig. 4).
En outre, la grande majorité des larves opérees sont dépourvues de gonade fertile du côté opéré (Figs. 3 et 4). Dans quelques rares cas (deux larves parmi celles qui sont depourvues de la totalité de leur appareil urogénital du côté opéré), nous avons pu déceler la présence d’un léger plissement de la somato-pleure ressemblant à une petite crête génitale. Celle-ci est d’une longueur très réduite (inférieure à 250 μm), correspondant à 1’ étendue antéro-postérieure de la région pré-génitale stérile d’une gonade normale. En outre, elle reste dépourvue de cellules germinales. Dans un seul cas nous avons pu observer, du côté opéré mais à un niveau très postérieur du tronc, la présence d’une gonade fertile contenant des gonocytes primordiaux.
Coupe transversale à un niveau antérieur du mésonéphros d’une larve ayant subi 1’inversion unilatérale antéro-postérieure et dorso-ventrale du mésoblaste latéral embryonnaire (Bufo bufo, stade IV1). Noter, de ce côté, l’absence de formations urogénitales. C, corde dorsale; G, gonade fertile; M, mésonéphros; S, somites; UP, uretère primaire.
Coupe transversale à un niveau antérieur du mésonéphros d’une larve ayant subi 1’inversion unilatérale antéro-postérieure et dorso-ventrale du mésoblaste latéral embryonnaire (Bufo bufo, stade IV1). Noter, de ce côté, l’absence de formations urogénitales. C, corde dorsale; G, gonade fertile; M, mésonéphros; S, somites; UP, uretère primaire.
Coupe transversale à un niveau postérieur de l’appareil urogénital d’une larve ayant subi 1’inversion unilatérale antéro-posterieure et dorso-ventrale du mésoblaste latéral embryonnaire du côté opéré (Bufo bufo, stade IV1). Noter, du côté témoin, le développement et la transgression latérale de l’appareil urogénital. C, corde dorsale; G, gonade fertile; M, mésonéphros; S, somites; UP, urètere primaire.
Coupe transversale à un niveau postérieur de l’appareil urogénital d’une larve ayant subi 1’inversion unilatérale antéro-posterieure et dorso-ventrale du mésoblaste latéral embryonnaire du côté opéré (Bufo bufo, stade IV1). Noter, du côté témoin, le développement et la transgression latérale de l’appareil urogénital. C, corde dorsale; G, gonade fertile; M, mésonéphros; S, somites; UP, urètere primaire.
Du côté non opéré, I’appareil urogénital est normalement développé. Toute-fois, chez cinq larves parmi les 12 depourvues d’appareil urogénital du côté opéré, on observe des phénomèenes d’hypertrophie et de transgression latérale de l’appareil urogénital situé du côté témoin (Fig. 4). Le mésonéphros est alors très développé et couvre, à lui seul, 1’espace occupé normalement par les deux reins. L’ ébauche gonadique unique présente une richesse anormale en cellules germinales: le nombre moyen de celles-ci est voisin de 50, ce qui correspond au nombre total des cellules germinales contenues dans les deux gonades des larves témoins.
DISCUSSION ET CONCLUSIONS
Le fait qu’un trés court uretère primaire soit édifié confirme des résultats antérieurs (Cambar & Gipouloux, 1973): la migration des cellules de l’ ébauche urétérale est impossible sur un substrat constitué par du mésoderme latéral ventral. La migration s’effectue normalement sur le mésoblaste latéro-dorsal du porte-greffe et s’interrompt au niveau antérieur du greffon.
L’ éxamen de l’ebauche gonadique unique situéee du côté non opéré apporte une confirmation sur le rôle attractif joué par la Crête génitale envers les cellules germinales (Gipouloux, 1970). En effet, 1’unique crête génitale contient non seulement les cellules germinales qui l’auraient normalement colonisée, mais aussi celles qui auraient envahi la crête symétrique, absente du fait de 1’opération. On doit en conclure que les cellules germinales ont été soumises ô la seule attraction de la crête génitale située du côté non opéré et ont done colonisé, dans leur totalité, cette dernière.
Dans le greffon lui-même, l’agénésie totale de l’appareil urogénital observée du côté opéré peut être interprétée en considérant les différents quartiers du mésoblaste latéral greffé et en analysant les influences reçues par chacun d’eux, du fait de sa situation avant et après la greffe (Fig. 5).
Représentation schématique des quatre quartiers du greffon avec l’indication de leur changement respectif de situation après la greffe (explications dans le texte).
Le quart initialement dorso-antérieur (DA) du greffon occupe désormais la situation postéro-ventrale (PV). Cette région avait subi, avant la greffe, I’action stimulante éventuelle du cordomésoderme dorsal. Néanmoins, les expériences d’inversion antéero-postérieure effectuées antérieurement (Gipouloux & Hakim, 1977) 1’ont révélée comme incompétente à édifier les blastèmes urogénitaux. De plus, sa situation avant ou après la greffe ne favorise pas son contact avec 1’endoblaste dorso-caudal dont on sait qu’il joue un rôle important dans l’activation des tissus mésodermiques pour édifier les différents blastèmes urogénitaux (Gipouloux, 1975).
La région primitivement dorso-postérieure (DP) normalement compétente pour former du blastème mésonéphrogène et de la Crête génitale est incapable, dans sa nouvelle situation antéro-ventrale (AV), de fournir ces prestations morphogénétiques. Pourtant, cette région (DP) a étéinitialement en contact avec 1’endoblaste dorso-caudal, mais sa nouvelle situation (AV) 1’ éloigne de facteurs complémentaires qui permettraient sa détermination complète et sa différentiation subséquente. Tout porte à croire que ces facteurs sont repré-sentées par le cordomésoderme dont I’action inductrice a déjà été démontrée en ce qui concerne la Crête genitale (Nieuwkoop, 1946; Gipouloux, 1970). Tous les facteurs stimulants n’ étant pas réunis, la détermination de cette région reste inachevée et, par conséquent, la formation du blastème mésonéphrogéne et de la crête génitale ne peut s’accomplir.
La région mésodermique primitivement postéro-ventrale (PV) est située après la greffe dans la région dorso-anterieure (DA) du tronc. Cette région, compétente pour édifier les blastèmes mésonéphrogène et interrénal (Gipouloux & Hakim, 1977), n’a pas été activée par 1’endoblaste dorso-caudal, ni avant sa transplantation (situation PV), ni aprèes celle-ci (situation DA); elle est done ‘insensible’ à la stimulation du cordomesoblaste et demeure depourvue de capacite a fournir les différents blastèmes urogénitaux.
Enfin, le mésoblaste primitivement antérieur et ventral (AV) se retrouve, après l’opération, en situation postérieure et dorsale (DP), done au voisi-nage immédiat de 1’endoblaste dorso-caudal et du cordomésoblaste. Le fait qu’il est alors incapable de fournir les prestations urogénitales étudiées nous incline à penser qu’il est incompétent à subir l’action stimulante de ces tissus.
En somme, les résultats de nos expériences d’inversion simultanée des polaritées antéro-postérieure et dorso-ventrale du mésoblaste latéral apportent une confirmation supplémentaire aux conclusions tiréees des deux types d’inversion séparée antéro-postérieure et dorso-ventrale (Gipouloux & Hakim, 1977). La détermination progressive des ébauches du mésonéphros, des tissus interrénal et médullaire, de la crête génitale n’est pas le résultat d’un état intrinséque fondamental (autodifférenciation du mésoblaste latéral), mais elle est sub-ordonnée à la conjugaison de trois facteurs indispensables:
-compétence des différents territoires du mésoblaste latéral à fournir les prestations urogénitales correspondantes. Cette compétence est nulle dans la réegion antéro-ventrale.
-activation précoce du territoire compétent par 1’endoblaste dorso-caudal. Cette action a déjà été mise en évidence par l’un de nous (Gipouloux, 1975). Nos présents résultats en sont une confirmation supplémentaire.
-stimulation par le cordomésoblaste dorsal du territoire jouissant d’un état de compétence et, de plus, préalablement activé par 1’endoblaste dorso-caudal. Cette action avait déjà été démontrée en ce qui concerne 1’ édification des crêtes génitales (Nieuwkoop, 1946; Gipouloux, 1970).
Pour étayer les conclusions avancéees et étudier d’une façon plus précise la chronologic des différentes actions mises en jeu, ainsi que la nature des interactions tissulaires et cellulaires évoquees, il nous paraît nécessaire d’entreprendre d’autres types d’expériences. Nous projetons, en particulier, d’effectuer des expériences de culture in vitro des différents tissus (mésoblaste latéral, endo-blaste, cordo-mésoblaste) impliqués dans la détermination et la morphogenése des ébauches mésonéphrogéne, interrénale et médullaire chez les Amphibiens.
RESUME
Les expériences d’inversion simultanée des deux polarités antéro-postéerieure et dorso-ventrale du mésoblaste latéral ont pour conséquence l’agénésie totale de l’appareil urogénital du côté opéré. L’analyse des résultats expérimentaux permet d’ établir que la présence de trois facteurs est indispensable à la prolifération de la région dorsale des lames latérales, à la ségrégation consécutive des blastèmes urogénitaux et à la formation des crêtes génitales. L’ état de compétence est le premier de ces facteurs. Il apparaît que seule la région postérieure du mésoblaste latéral est apte à édifier les blastémes. Toutefois, cette édification n’est possible que si les deux autres facteurs interviennent pour stimuler le feuillet mésodermique: ces facteurs sont issus de 1’endoblaste dorso-caudal d’une part, du cordomésoblaste d’autre part. La formation des diverses ébauches urogénitales ne peut done être assimilée à une autodifférenciation du mésoblaste latéral puisqu’elle est soumise à l’action de facteurs stimulant la prolifération du mésoderme générateur de ces ébauches.