ABSTRACT
The development and the origin of the pectoral and pelvic girdles have been studied in bird embryos by homo- or heterotopic transplantations of somitic and somatopleural mesoderm.
Experiments consisted in implanting a piece of somitic or of somitic and somatopleural mesoderm obtained from a 2-to 2 · 5-day quail or chick embryo into a chick host of equal age.
Results showed that the scapula derives from the somitic mesoderm, while clavicle, coracoid, sternum and pelvic girdle originate from the somatopleural mesoderm.
The longitudinal span of the territories of the various skeletal elements, expressed as the number of the corresponding somites, was found to be as follows: scapula 15 – 24, clavicle 10 – 15, coracoid .15 – 17, sternum 12 – 26, and pelvic girdle 26 – 32.
It was also demonstrated that both somitic and somatopleural mesoderm are regionalized as early as 2 days of incubation, prior to somitic segmentation, with respect to their ability to give rise to the skeletal elements of the girdles.
These results were compared to those acquired previously concerning the other morphogenetic potentialities (vertebrae, ribs, limb musculature, dorsal plumage) of the para-axial and lateral mesoderm.
INTRODUCTION
La participation du mésoderme somitique dans le développement des côtes a fait l’objet d’un précédent travail (Chevallier, 1975) dans lequel j’ai prouvé notamment que le segment sternal des côtes était issu du mésoderme somitique uniquement. Dans ce travail, j’ai aussi montré que le mésoderme somitique pouvait être à l’origine d’une partie de la scapula. C’est pourquoi, dans ce mémoire, j’ai voulu tout d’abord préciser l’origine et la mise en place de la scapula.
Par ailleurs, l’origine des autres pièces squeletiques de la ceinture scapulaire, du sternum et de la ceinture pelvienne n’a pas encore été étudiée de façon précise. Jusqu’à présent, on estimait, comme Romanoff (1960), qu’une condensation mésenchymateuse de la somatopleure était à l’origine de la ceinture scapulaire et de l’humérus proximal. Mes expériences précédentes montrent que cette conception ne correspond pas à la réalité, et qu’il est nécessaire d’étudier cette origine avec plus de précision.
Quelques travaux expérimentaux ont apporté des informations complémentaires. Ainsi Spurling (1923) a opéré des embryons de 65 h et a constaté que l’ablation du territoire présomptif du membre provoque une absence non seulement du membre, mais aussi des ceintures attenantes; inversement, Rogulska (1965), opérant à 4 jours, a affirmé que la ceinture se développe parfaitement en l’absence de membre. Enfin Pinot (1969), qui a opéré sur des embryons de 2,5 jours environ, a remarqué que, lorsqu’elle prélève le territoire présomptif du membre, les ceintures se développent mal en greffes coelomiques.
L’étude descriptive de ces différentes pièces squelettiques a fait l’objet d’un certain nombre de publications parmi lesquelles nous pouvons citer les travaux de Knopfli (1919), Lebedinsky (1916), Hommes (1924), Fell & Canti (1934), Muratori & Francheschini (1945) et O’Rahilly & Gardner (1956), mais leur origine n’est pas connue avec toute la précision voulue.
D’autre part, le problème de l’origine et de la mise en place de la clavicule, qui se forme par ossification dermique, n’a pas encore été étudié.
Les principales étapes du développement du sternum ont été particulièrement bien étudiées par Fell (1939) chez la perruche et plus récemment par Chen (1952) chez la souris. Ces deux auteurs montrent que le sternum apparaît sous forme de deux condensations du mésenchyme des lames latérales qui se différencient de façon autonome en s’allongeant et en migrant ventralement pour se souder l’une à l’autre, dans le plan médio-ventral.
Quant à l’origine du sternum, après les théories ‘costales’ de Lillie (1908), coracoïdienne, valable chez les Amphibiens, la théorie autogène soutenue dès 1852 par Bruch, puis reprise par Patterson (1907), Gladstone & Wakeley (1932), a enfin été démontrée expérimentalement par Fell (1939). En effet, cet auteur, par explantation in vitro de fragments de mésoderme latéral d’embryon de perruche de 4 jours, met en évidence la capacité de développement autonome et l’origine somatopleurale de l’ébauche sternale. Depuis ce travail, d’autres auteurs ont confirmé cette origine somatopleurale: Chen (1952) par des cultures in vitro de fragments de mésoderme latéral d’embryon de souris, Seno (1961) à l’aide de marques de noir animal, Murillo-Ferrol (1963) par la mise en place d’un obstacle entre le mésenchyme somitique et la somatopleure au niveau des somites 19-26, Pinot (1969) par des irradiations aux rayons X.
Quant à la localisation céphalo-caudale précise de ce territoire sternal présomptif, on pense (Fell, 1939; Saunders, 1948; Seno, 1961) qu’il se trouve au niveau des somites 18-22. Mais cette localisation a été établie par Fell pour un embryon de 4 jours. Cependant, à un stade plus précoce, 2,5 jours, l’étendue du territoire présomptif du sternum n’est pas connue.
On ne peut répondre à ces questions que si les tissus de l’hôte peuvent se différencier des tissus du donneur. Ces expériences exigent donc l’utilisation d’un bon marqueur cellulaire. Le noyau des cellules de caille, après coloration avec le réactif de Schiff, montre 1 à 3 granules rouges briques, riches en ADN. Au contraire, F ADN dans le noyau de poulet se répartit régulièrement en un grand nombre de petits granules peu colorés par la même réaction. Quand on utilise des cellules de caille en combinaison avec des cellules de poulet, les noyaux sont toujours facilement reconnaissables (Le Douarin & Barq, 1969) et c’est pour cette raison que des combinaisons xénoplastiques caille-poulet ont été utilisées pour ce travail.
MATERIEL ET METHODES
Les expériences ont été effectuées sur des embryons de poulet de race Leghorn blanche ou provenant d’un croisement entre les races Rhode Island Red × Wyandotte de 2,5 jours d’incubation (12 à 25 paires de somites; stades 11 à 15 de Hamburger & Hamilton, 1951) et sur des embryons de caille (Coturnix coturnix japónica) de stades équivalents (11 à 26 paires de somites).
(A) TECHNIQUES OPERATOIRES
Les expériences ont consisté à exciser un fragment de mésoderme somitique seul ou un fragment constitué par le mésoderme somitique et le mésoderme somatopleural adjacent, et à le remplacer par un tronçon de mésoderme somitique ou par un tronçon somitique et somatopleural de même longueur, prélevé sur un embryon donneur homo-ou hétérospécifique. Les transplantations ont été effectuées de façon orthoou hétérotopique.
(1) Préparation du greffon
Les blastodermes de caille ou de poulet ont été découpés et placés à la température du laboratoire dans une solution de Earle sans calcium ni magnésium pendant environ 30 min. L’embryon donneur a ensuite été débarrassé de son ectoderme et de son endoderme dans la région où le greffon doit être prélevé, à l’aide d’une aiguille de verre noir. La longueur du greffon correspond à six somites ou environ six somites présomptifs. Les prélèvements ont été effectués sur des embryons de caille ou de poulet âgés de 11 à 26 paires de somites dans une zone comprise entre le 5ème somite et le 36ème somite présomptif.
Trois types de greffons ont ainsi été préparés. Le premier type (Fig. 1,a) est constitué de mésoderme somitique pur, la section latérale externe ayant été faite dans la région néphrotomale au ras du territoire somitique. Le deuxième type (Fig. 1,b) comporte, outre le mésoderme somitique, le mésoderme somatopleural adjacent sur une largeur égale à celle du somite; ce greffon de 2ème type a été appelé somitique et somatopleural proximal. Enfin, le troisième type (Fig. le) comporte, outre le mésoderme somitique, la totalité du mésoderme somatopleural prélevé sur une largeur égale ou supérieure à deux fois la largeur du mésoderme somitique. Ce greffon de troisième type a été appelé somitique et somatopleural proximal et distal.
(2) Préparation de P embryon hôte
Les embryons hôtes ont toujours été des embryons de poulet. Pour faciliter le repérage des niveaux de l’opération, ils ont été colorés au rouge neutre (Hamburger, 1942). Après résection de la membrane vitelline, les excisions ont été pratiquées unilatéralement à divers niveaux de l’axe céphalo-caudal entre le niveau des 5èmes somites et 36èmes somites présomptifs et ont éliminé soit le mésoderme somitique seul, soit le mésoderme somitique et somatopleural proximal, soit la totalité du mésoderme somitique et somato-pleural.
(3) Transplantation du greffon
L’explant, en orientation orthopolaire, a été implanté sur l’embryon hôte, selon les modalités suivantes:
Greffes hétérospécifiques orthotopiques de mésoderme somitique (type 1).
Série 1 : région cervicale postérieure (somites 12–17).
Série 2: région cervico-thoracique antérieure (somites 15–20).
Série 3: région cervico-thoracique moyenne (somites 17–22).
Série 4: région thoracique (somites 19 – 26).
Série 5: région lombaire (somites 26 – 32).
Greffes hétérospécifiques hétérotopiques de mésoderme somitique (type 1)
Série 6: greffe de mésoderme somitique cervical antérieur (somites 5–10) en position cervico-thoracique (15–20).
Série 7 : greffe de mésoderme somitique lombaire (somites 26–32) en position cervico-thoracique (15–20).
Greffes homospécifiques hétérotopiques de mésoderme somitique (type 1)
Série 8: greffe de mésoderme somitique cervical postérieur (somites 10-15) en position lombaire (somites 26-32).
Série 9: greffe de mésoderme somitique cervico-thoracique antérieur (somites 15 – 20) en position lombaire (somites 26 – 32).
Greffes hétérospécifiques orthotopiques de mésoderme somitique et somatopleural
(a) Mésoderme somitique et somatopleural proximal (type 2)
Série 10: en position cervicale postérieure (somites 12 – 17). Série 11: en position cervicothoracique moyenne (somites 17 – 22). Série 12: en position lombaire (somites 26 – 32).
(b) Mésoderme somitique et somatopleural proximal et distal (type 3)
Série 13: en position cervicale postérieure (somites 10 – 15). Série 14: en position cervico-thoracique antérieure (somites 15 – 20). Série 15: en position cervico-thoracique moyenne (somites 17 – 22). Série 16: en position lombaire (somites 26 – 32).
Greffes hétérospécifiques hétérotopiques de mésoderme somitique et somatopleural proximal et distal
Série 17: en position cervico-thoracique antérieure (somites 15 – 20).
(B) OBSERVATION DES RÉSULTATS
Les embryons ayant subi une greffe homospécifique poulet-poulet ont été fixés 7 jours après l’opération (à 9 jours d’incubation) au liquide de Bouin-Hollande, puis éclaircis selon la méthode de Lundval qui permet la mise en évidence du cartilage dans les embryons in toto. Les embryons ayant subi une greffe hétérospécifique ont été fixés au même âge (7 jours après l’opération) au liquide de Helly, puis coupés histologiquement à 7,5 μm. Ces coupes ont été colorées par la réaction nucléale de Feulgen & Rossenbeck pour la localisation respective des cellules de caille et de poulet.
RESULTATS
Afin de faciliter l’exposé des résultats expérimentaux qui font l’objet de ce travail, il nous a semblé utile au préalable de faire un bref rappel des principales étapes de la morphogenèse du squelette scapulaire et pelvien.
(1) Etude descriptive
Cette étude a été effectuée sur des embryons éclaircis, colorés in toto par la méthode de Lundval qui colore les cartilages en bleu, et par la reconstitution, à l’aide de coupes sériées, d’embryons colorés par la réaction nucléale de Feulgen & Rossenbeck. La Figure 2 résume graphiquement cette évolution.
La ceinture scapulaire
L’ébauche de la ceinture scapulaire apparaît à 4,5 jours d’incubation (stade 25 de Hamburger & Hamilton), sous la forme d’une condensation mésen-chymateuse située dans la région dorso-latérale de l’embryon au niveau du territoire présomptif de l’aile et dont les divers éléments se transforment en cartilage à partir de 6 jours. Cette chondrification est synchrone pour la scapula, le coracoïde et l’humérus contrairement à ce que l’on peut voir pour le membre postérieur où la chondrification du bassin marque toujours un léger retard sur celle du fémur. La scapula présente une vitesse de croissance plus grande que celle du coracoïde et s’allonge rapidement de sorte que son extrémité postérieure atteint le niveau définitif de la 4e côte dès 8 jours (Fig. 2 b). C’est également vers 8 jours qu’apparaît la clavicule, à partir d’un massif mésenchymateux qui s’ossifie directement sans passer par une matrice cartilagineuse.
Le sternum
Son développement est plus tardif que celui de la ceinture scapulaire. En effet, il apparaît vers 7 jours comme une condensation mésenchymateuse qui ne commence à se chondrifier légèrement qu’à 8 jours. Tout d’abord de forme cuboïde (Fig. 2 b), il va progressivement prendre la forme d’une enclume par allongement de ses bords supérieurs et inférieurs. Sur la face supérieure s’articulent les segments sternaux des côtes tandis que le coracoïde s’appuie sur la face antérieure et inférieure du sternum. Puis le sternum continue à s’allonger vers l’arrière. Son bord supérieur, en arrière de la zone d’articulation des éléments sternaux des côtes, se différencie en apophyse xiphoïde plus courte que celle qui est produite par sa région postérieure et qui forme le corps du sternum.
Parallèlement à cette modification de forme, les deux ébauches latérales du sternum subissent un mouvement qui les entraîne vers la ligne médioventrale, le long de laquelle elles se soudent l’une à l’autre vers 9 jours (Fig. 2 c). Deux jours plus tard, le bréchet est édifié et le sternum acquiert sa forme définitive (Fig. 2d).
La ceinture pelvienne
L’ébauche de la ceinture pelvienne se présente à 5 jours comme une condensation mésenchymateuse dont les premiers centres de chondrification apparaissent vers 6 jours, mais c’est à partir de 8 jours (Fig. 2b) que les trois futures pièces squelettiques du bassin (ilion, ischion et pubis) sont individualisées.
La chondrification de ces pièces est donc plus tardive que celle du fémur puisque, chez ce dernier, elle commence dès 6 jours. Ensuite, entre 7 et 9 jours (Fig. 2a-c), le bassin s’allonge progressivement vers l’arrière, l’ischion se soude à l’ilion par son extrémité postérieure et forme le foramen ischiatique. A 10 jours, la forme définitive (Fig. 2d) est quasiment réalisée.
(2) Résultats expérimentaux
Les résultats obtenus ont été regroupés en deux tableaux. Le premier tableau traite de l’origine de la scapula; le deuxième tableau regroupe les autres résultats qui concernent, d’une part, l’origine des deux autres pièces squelet-tiques de la ceinture scapulaire (coracoïde et clavicule) et du sternum, et, d’autre part, l’origine de la ceinture pelvienne et de la patte.
(1) Origine de la scapula
Pour simplifier et schématiser l’exposé des résultats, la longueur de la scapula a été arbitrairement divisée en trois régions: antérieure, moyenne et postérieure, d’égale longueur. La constitution cellulaire spécifique de chacune de ces trois régions est dite de caille ou de poulet, si elle comprend en grande majorité (environ 80 %) ou en totalité respectivement des cellules de caille ou des cellules de poulet.
Dans un premier ensemble d’expériences, du mésoderme somitique cervical, thoracique ou lombaire de caille (somites 12 – 32) a été implanté dans un hôte poulet de façon orthotopique. Les résultats diffèrent selon le niveau de prélèvement du greffon.
Ainsi, dans la première série (Tableau 1, série 1) où le niveau de prélèvement et d’implantation a été celui des somites 12 – 17, le greffon de caille a donné naissance à la partie antérieure de la scapula dans un petit nombre de cas (2/5). Dans la 2ème série (niveau des somites 15 – 20, Tableau 1, série 2), dans tous les cas, la scapula antérieure et moyenne est constituée de cellules de caille, alors que la scapula postérieure est formée de cellules de poulet. Dans la série 3 (niveau des somites 17 – 22, Tableau 1, série 3), c’est la région antérieure qui est constituée de cellules de poulet alors que les deux tiers postérieurs de la scapula sont formés de cellules de caille. Dans la série 4 (niveau des somites 19 – 26, Tableau 1, série 4), seule la scapula moyenne et postérieure est constituée de cellules de caille, la région antérieure étant formée de cellules de poulet (ces résultats ont fait l’objet d’une publication préliminaire, Chevallier & Sengel, 1973). Dans la série 5 (niveau de prélèvement des somites 26-32, Tableau 1, série 5), le greffon n’a pas participé à l’édification de la scapula.
Ce premier ensemble de résultats montre que le remplacement orthotopique de mésoderme somitique de poulet par du mésoderme somitique de caille prélevé au niveau des somites 12 à 26 donne naissance à une scapula de constitution mixte formée de cellules de caille ou de cellules de poulet, mais en proportion et en position variables suivant le niveau de prélèvement à l’intérieur de cette zone présomptive.
Un deuxième ensemble d’expériences a consisté à faire des implantations hétérotopiques homoou hétérospécifiques de mésoderme somitique pour préciser les limites antérieures et postérieures de la zone somitique capable de donner naissance à la scapula.
Ainsi, dans la série 6, du mésoderme hétérotopique de caille (niveau des somites 5 – 10) a été greffé au niveau du membre antérieur d’un hôte poulet. Les résultats montrent (Tableau 1, série 6) non seulement que le greffon de caille ne participe pas à l’édification de la scapula, mais encore qu’il a empêché la formation d’une partie de la scapula de l’hôte dans quatre cas sur sept. Celle-ci présente alors, dans trois cas, une lacune intercalaire dans la région moyenne et, dans un cas, un absence complète de ses deux tiers postérieurs. La lacune ou la zone correspondant aux deux tiers postérieurs est alors occupée par des cellules mésenchymateuses et musculaires de caille.
Un résultat analogue se retrouve dans la série 7 du Tableau 1 où du méso-derme somitique lombaire de caille (niveau des somites 26 – 32) a été greffé au niveau de l’aile de l’hôte: les cellules de caille n’ont pas participé à la formation de la scapula et une lacune intercalaire dans la région moyenne a été obtenue dans l’un des deux cas (Fig. 3).
Dans les séries 8 et 9, non intégrées dans le Tableau 1, c’est respectivement du mésoderme somitique homospécifique de poulet du niveau cervical postérieur (niveau des somites 10 – 15), d’une part, et du niveau aile (somites 15 – 20), d’autre part, qui a été implanté au niveau de la patte (voir chapitre Matériel et Méthodes). Dans la série 8, aucun nodule cartilagineux ne s’est jamais développé à l’emplacement de la greffe, tandis que, dans la série 9, le greffon a donné naissance, au niveau de la patte, à des nodules cartilagineux assez courts, parallèles à la colonne vertébrale, s’étendant au maximum sur une longueur de deux somites, qui représentent vraisemblablement un rudiment de la scapula.
Ce deuxième ensemble d’expériences permet donc de préciser que seul le mésoderme somitique du niveau des somites 15 – 24 est capable de donner naissance à une scapula et que son remplacement par du mésoderme somitique de tout autre niveau peut conduire à l’absence de chondrification scapulaire au niveau opéré.
Dans un troisième ensemble d’expériences (Tableau 1, séries 10 à 16), j’ai implanté des greffons comportant outre le mésoderme somitique, du méso-derme somatopleural proximal ou du mésoderme somatopleural proximal et distal. Je ne détaillerai pas ici chacune des séries, car les résultats, qui sont résumés dans le Tableau 1, sont tout-à-fait concordants avec ceux qui ont été obtenus dans le cas des greffes de mésoderme somitique seul.
(2) Origine de la clavicule, du coracoïde et du sternum
Les résultats sont regroupés dans le Tableau 2.
(a) La clavicule
Dans la série 10, où le greffon, formé par du matériel somitique et somatopleural proximal, a été prélevé au niveau des somites 12 – 17, la clavicule a été constituée entièrement de cellules de caille dans quatre cas sur cinq. De même, dans la série 13, le matériel somitique et somatopleural proximal et distal, prélevé au niveau des somites 10 – 15, a fourni une clavicule formée de cellules de caille dans 11 cas sur 12. Comme, par ailleurs, dans la série 14, où le greffon est constitué de mésoderme somitique et somatopleural proximal et distal du niveau 15 – 20, et, dans nulle autre série où seul le mésoderme somitique a été prélevé et greffé, aucune cellule de caille n’a été retrouvée dans la clavicule, on peut en conclure que cette dernière dérive du mésoderme somatopleural, vraisemblablement proximal, d’un niveau antérieur à celui du somite 15.
(b) Le coracoïde
Les séries 10 et 14 ont conduit à la formation de coracoïdes contenant des cellules de caille. Dans la série 14, où le prélèvement a été fait au niveau des somites 15 – 20 et avec toute la largeur du mésoderme somato-pleural, le coracoïde se révèle être entièrement formé de cellules de caille dans tous Jes cas sauf un, où il est constitué de cellules de poulet, tandis que dans la série 10, dans laquelle le greffon ne contient outre le mésoderme somitique que le mésoderme somatopleural proximal, le coracoïde présente soit une constitution mixte comportant à la fois des cellules de caille et de poulet (trois cas), soit une constitution homogène ne comportant que des cellules de poulet (deux cas). D’autre part, dans la série 13 et dans la série 11, où le prélèvement et la greffe ont été faits respectivement au niveau des somites 10 – 15 et celui des somites 17 – 22, le coracoïde était constitué entièrement de cellules de l’hôte poulet. Le coracoïde semble donc bien provenir uniquement du mésoderme somatopleural du niveau 15 – 17.
(c) Le sternum
Lorsque le mésoderme somitique et somatopleural proximal a été prélevé au niveau des somites 12 – 17 (série 10) et 17 – 22 (série 11), le sternum qui s’est développé avait une constitution mixte (Fig. 4), formée de cellules de caille et de cellules de poulet (dans 6 cas sur 9). Lorsqu’en plus, le mésoderme somatopleural distal a été prélevé au niveau des somites 10 – 15 (série 13), des somites 15 – 20 (série 14), des somites 17 – 22 (série 15), le plus souvent le sternum était formé en grande partie de cellules de caille. Par contre, un greffon prélevé au niveau des somites 26 – 36 ne permet pas d’obtenir un sternum formé de cellules de caille. En outre, il faut rappeler ici les expériences de greffes homospécifiques hétérotopiques de territoire somitique et somato-pleural des niveaux 22 – 26 effectuées lors d’une précédente expérimentation et qui avaient permis l’obtention d’une demi-cage thoracique ectopique presque complète avec formation d’un sternum parfaitement normal (Chevallier, 1975, et série 17). De ces résultats, on peut conclure que le territoire présomptif du sternum s’étend dans le mésoderme somatopleural du niveau du 12ème à celui du 26ème somite.
(3) Origine de la ceinture pelvienne
Lorsque le mésoderme somitique seul a été prélevé au niveau des somites 26 – 32 et a été implanté à un niveau orthotopique (Tableau 2, série 5) ou hétérotopique (Tableau 2, série 7), la ceinture pelvienne est entièrement constituée de cellules de l’hôte poulet. Le résultat est identique pour tous les explants dans lesquels seul le mésoderme somitique a été excisé quel que soit le niveau de prélèvement. Ceci démontre que les somites ne participent en rien à la formation de la ceinture pelvienne.
Par contre, les transplantations orthotopiques de mésoderme somitique et somatopleural proximal (série 12) et de mésoderme somitique et somatopleural proximal et distal (série 16) ont conduit respectivement à une participation partielle, ou totale, à la formation de la ceinture et du membre, lorsque les greffons ont été prélevés au niveau des somites 26 – 32. Enfin, les autres explants, constitués de mésoderme somitique et somatopleural, prélevés à des niveaux différents le long de l’axe céphalo-caudal (séries 10, 11, 14 et 15) n’ont jamais participé ni à la ceinture pelvienne, ni au membre. On peut donc en conclure que la ceinture pelvienne et le squelette du membre postérieur proviennent uniquement du mésoderme somatopleural des niveaux 26 – 32.
DISCUSSION ET CONCLUSION
Chez les oiseaux, le mésoderme somitique et le mésoderme somatopleural contribuent à la formation de la cage thoracique, des ceintures et des membres. Les expériences de transplantation orthotopique ou hétérotopique de ces deux catégories de mésoderme ont permis d’élucider la participation précise de chacun d’entre eux.
Le mésoderme somitique fournit la totalité des côtes (segment vertébral et segment sternal) comme cela a été démontré précédemment (Chevallier, 1975). Tl est aussi à l’origine de la scapula. En effet cette pièce squelettique, appartenant à la ceinture scapulaire, et qui s’étend dorsalement le long des vertèbres, a pour origine le mésoderme somitique situé au niveau des somites 15-24. Les transplantations orthotopiques ont montré que lorsqu’un greffon, de longueur inférieure à celle de la zone présomptive de la scapula est implanté dans cette zone, les cellules de la scapula sont originaires du greffon dans la seule région greffée, tandis qu’elles sont issues de l’hôte aux niveaux situés en-deçà et/ou au-delà de cette région.
On peut en conclure que chaque somite du territoire scapulaire fournit la partie de la scapula qui se trouve à son niveau de l’axe céphalo-caudal. En d’autres termes, il n’y a pas allongement progressif vers l’arrière à partir d’une ébauche antérieure, mais formation et différenciation niveau par niveau de chaque partie de la scapula à partir de chaque somite. De plus chaque portion de scapula est capable de se développer indépendamment des autres comme l’atteste la formation d’une lacune intercalaire en-deçà et au-delà de laquelle la différenciation cartilagineuse et la morphogenèse se déroulent normalement.
L’implantation hétérotopique du mésoderme somitique du territoire pré-somptif de scapula ne conduit pas à la formation d’une véritable scapula. Tout ce que l’on obtient, ce sont des nodules cartilagineux de forme indéterminée (série 9). La différenciation de la scapula est donc limitée à une région très précise de l’axe céphalo-caudal et les capacités morphogénétiques du mésoderme somitique scapulaire requièrent apparemment pour s’exprimer normalement un environnement somatopleural orthotopique. Cette stricte régionalisation du territoire scapulaire dans l’axe somitique céphalo-caudal est fixée avant la segmentation, comme l’attestent aussi d’autres expériences (Kieny, Mauger & Sengel, 1972) de transplantation hétérotopique de mésoderme somitique non encore segmenté dans le territoire scapulaire.
Nous verrons par ailleurs (en préparation) que le mésoderme somitique contribue aussi à la formation de la musculature du tronc et des appendices. Le mésoderme somatopleural, pour sa part, participe à l’édification des autres pièces squelettiques des ceintures et des membres. Dans la ceinture scapulaire, c’est lui qui donne naissance à la clavicule et au coracoïde.
La clavicule est d’origine purement somatopleurale. Elle se différencie in situ dans le mésenchyme et s’ossifie directement sans passer par un stade carti-lagineux. Au cours du 3e jour, son territoire présomptif se situe au niveau des somites 10 – 15. C’est la plus antérieure des pièces du squelette de la ceinture.
Le coracoïde est lui aussi d’origine purement somatopleurale et la localisation de son territoire présomptif correspond à la zone préaxiale du membre antérieur (niveau des somites 15 – 17).
En ce qui concerne le sternum, son origine somatopleurale ne fait plus de doute pour personne, mais la localisation précise de son territoire présomptif à un stade précoce (2,5 jours) n’était pas connue. On sait cependant qu’à 4 jours d’incubation son territoire présomptif est limité au niveau des somites 18-22 (Fell, 1939). Mes expériences montrent qu’à 2,5 jours le territoire présomptif du sternum est beaucoup plus étendu, puisqu’il englobe le niveau des somites 12 à 26. Donc, entre 2,5 jours et 4 jours, le territoire présomptif du sternum se restreint fortement. Par ailleurs seul le mésoderme somato-pleural participe à l’élaboration de la ceinture pelvienne. En effet, par analogie avec la ceinture scapulaire, on aurait pu penser que l’ilion, se trouvant en position dorsale comme la scapula, aurait une origine somitique, mais en fait il n’en est rien, et l’on peut dire que la condensation mésenchymateuse qui est à l’origine de la ceinture pelvienne est exclusivement formée par le mésoderme somatopleural du niveau des somites 26 – 32, puisque jamais le mésoderme somitique, de ce niveau ou d’un autre niveau, n’a permis d’obtenir un bassin possédant des cellules de caille.
En conclusion, la régionalisation qui caractérise le dermatome (Mauger, 1972) et le sclérotome (vertèbres (Kieny et al. 1972), côtes (Kieny et al. 1972; Chevallier, 1975; Chevallier & Sengel, 1973), scapula) affecte aussi le méso-derme somatopleural en ce qui concerne ses potentialités squelettogènes. Par contre, le matériel myotomal n’est pas encore régionalisé à ce stade, puisque les potentialités myogènes de cage thoracique, de ceinture, et surtout de membre sont encore identiques tout au long de l’axe céphalo-caudal de l’embryon (travaux en cours et Chevallier, Kieny & Mauger, 1978).
Ce mémoire constitue une partie de la thèse de doctorat d’Etat qui sera soutenue devant l’Université scientifique et médicale de Grenoble.
RESUME
Le développement et l’origine des ceintures scapulaires et pelviennes ont été étudiés chez l’embryon d’oiseau à l’aide de transplantations homoou hétérotopiques de mésoderme somitique et somatopleural.
Les expériences ont consisté à implanter un tronçon de mésoderme somitique ou de mésoderme somitique et somatopleural prélevé sur un embryon de caille ou de poulet de 2 à 2,5 jours dans un hôte poulet de même âge.
Les résultats montrent que la scapula dérive du mésoderme somitique, tandis que la clavicule, le coracoïde, le sternum et la ceinture pelvienne sont issus du mésoderme somatopleural. L’étendue longitudinale du territoire des différentes pièces squelettiques, exprimée par le numéro des somites correspondants, est la suivante: scapula 15 – 24, clavicule 10 – 15, coracoïde 15 – 17, sternum 12 – 26 et ceinture pelvienne 26 – 32.
On démontre en outre que le mésoderme somitique et le mésoderme somatopleural sont déjà régionalisés à 2 jours d’incubation, avant la segmentation somitique, en ce qui concerne leur capacité à fournir les pièces squelettiques des ceintures.
Ces résultats sont comparés à ceux qui ont été acquis précédemment concernant les autres potentialités morphogènes (vertèbres, côtes, musculature des membres, plumage dorsal) du mésoderme para-axial et latéral.