Vinblastine was injected into the amniotic cavity of 6·5-day-old chick embryos. Acropods were fixed 0,2, 3·5, 6,12,18,24, 36 and 48 h after treatment and 1 μm thick sections were prepared from the region of digit IV and interdigit III-IV. Cell counts were mainly performed in a distal zone (see Fig. 2) comprising the ectodermal apical ridge, the distal non-ridge ectoderm and the distal underlying mesoderm.

In control non-treated embryos, the mitotic index does not vary significantly in either of the three tissues between 6·5 and 8 days except for a temporary increase at 7 days in the mesoderm. In treated embryos, the mitotic index increases rapidly in the non-ridge ectoderm and in the mesoderm to a maximum of 44 and 35% respectively, 18 h after injection, after which it decreases almost as rapidly to a level of about 15% 36 h after injection. In the apical ridge ectoderm, the increase of the mitotic index is much slower and reaches its maximum value of about 30% only 36 h after injection. This suggests that most of the cells participating in the AER do not arise within the ridge but are generated in more proximal zones of the ectoderm.

Due to mitotic arrest, the number of mesodermal cells is thus decreased to approximately half the normal value within 36 h and the AER disappears earlier than normal. These alterations are the direct cause of the hypophalangy observed at the morphological level.

A particular distribution pattern of arrested mitoses is revealed: in the digital as well as in the interdigital mesoderm, the majority of blocked metaphases is located in a dorsal and a ventral wing-shaped subectodermal 500 μm long area whose thickness is maximal at the level of the marginal sinus and gradually decreases in proximal direction. In the central-part of the mesoderm blocked mitoses are relatively rare.

The present results are discussed in view of the recent literature on the morphogenetic processes of limb development.

Injectée à 6,5 jours d’incubation à l’embryon de poulet, la vinblastine, alcaloïde dérivé de la pervenche (Vinca rosea), engendre en particulier des malformations du pied dont les orteils, quoique généralement griffus, sont hypodéveloppés (Kieny, Pautou & Mugnier, 1973) (Figs. 1 –6). L’hypophalangie frappe plus fréquemment et plus profondément (absence d’un plus grand nombre de phalanges) l’orteil IV que l’orteil III et plus fréquemment et plus profondément ce dernier que l’orteil IT. L’orteil I manifeste une fréquence et une intensité de malformations voisines de celles de l’orteil III. Ce qui montre qu’un orteil est d’autant plus affecté par le traitement qu’il lui reste à accomplir une part plus grande de son programme morphogénétique. Rappelons que la composition squelettique des orteils I, II, Ill et IV est respectivement de 2, 3, 4 et 5 phalanges et qu’au moment de l’injection seule la phalange basale des orteils II, III et IV est en voie de chondrification (Pautou, 1975a) (cf. Fig. 94). Ce mémoire a pour but de rapporter les effets immédiats de la vinblastine sur les tissus acropodiaux. Comme, outre son action toxique générale, la vinblastine bloque temporairement toute activité mitotique, ces expériences fournissent des données nouvelles sur la prolifération cellulaire dans les tissus acropodiaux.

Figure 1–6

Morphologie externe et interne de pieds atteints d’hypomorphose à des degrés divers après traitement à la vinblastine (0,5 μg par embryon à 6,5 jours).

Fig. 1. Vue plantaire d’un pied droit témoin de 14 jours d’incubation. Formule phalangique 2345.

Figs. 2 et 3. Pieds gauche et droit d’un même embryon en vue plantaire. Tous les orteils sont nantis d’une griffe. Celle de l’orteil IV est fortement réduite. Les deux pieds ont la même constitution phalangique (1233) (Fig. 3).

Figs. 4 –6. Pieds gauche et droit d’un même embryon en vue dorsale (Fig. 4) et plantaire (Fig. 5). La griffe des orteils IV ne s’est pas développée. Les membranes interdigitales sont normalement régressées. Les deux pieds ont la même constitution phalangique 1222 (Fig. 6). Noter la forme acuminée des phalanges terminales. (G × 5.)

Figure 1–6

Morphologie externe et interne de pieds atteints d’hypomorphose à des degrés divers après traitement à la vinblastine (0,5 μg par embryon à 6,5 jours).

Fig. 1. Vue plantaire d’un pied droit témoin de 14 jours d’incubation. Formule phalangique 2345.

Figs. 2 et 3. Pieds gauche et droit d’un même embryon en vue plantaire. Tous les orteils sont nantis d’une griffe. Celle de l’orteil IV est fortement réduite. Les deux pieds ont la même constitution phalangique (1233) (Fig. 3).

Figs. 4 –6. Pieds gauche et droit d’un même embryon en vue dorsale (Fig. 4) et plantaire (Fig. 5). La griffe des orteils IV ne s’est pas développée. Les membranes interdigitales sont normalement régressées. Les deux pieds ont la même constitution phalangique 1222 (Fig. 6). Noter la forme acuminée des phalanges terminales. (G × 5.)

Des embryons de poulet de race Leghorn blanche ou issus d’un croisement Wyandotte × Rhode Island Red ont à reçu 6,5 jours d’incubation une injection intra-amniotique de sulfate de vinblastine (VELBE, Ets E. Lilly) (0,5 μg dissous dans 0,05 ml de solution de NaCl à 9 ‰). Quarante-huit pieds droits ont été prélevés entre 2 et 48 h après l’injection, doublement fixés à la glutaraldéhyde et au tétroxyde d’osmium (Pautou & Kieny, 1971a) et inclus dans l’Epon. Pour s’assurer que l’alcaloïde a effectivement atteint les tissus autopodiaux et y a causé les perturbations habituelles de la nécrose morphogène, les pieds gauches contralatéraux ont été colorés supravitalement au bleu de Nil.

Vingt-neuf embryons non injectés ont servi de témoins. Les pieds droits ont été fixés et traités comme les pieds correspondants des embryons injectés. Après coloration au bleu de Nil, les pieds gauches contralatéraux sont classés selon les stades de la nécrose morphogène de Pautou (1975a) (Fig. 9).

Fig. 7

Représentation schématique de l’extension maximale de la région étudiée histologiquement. Les coupes ont été faites dans les zones hachurées à raison d’une vingtaine de coupes dans chacune d’elles. La région étudiée a toujours approximativement la même profondeur proximo-distale (700 –1000 μm), mais sa largeur varie selon les cas de 400 –1000 μm environ. L’autopode représenté ici est au stade F de Pautou (1974, 1975 a).

Fig. 7

Représentation schématique de l’extension maximale de la région étudiée histologiquement. Les coupes ont été faites dans les zones hachurées à raison d’une vingtaine de coupes dans chacune d’elles. La région étudiée a toujours approximativement la même profondeur proximo-distale (700 –1000 μm), mais sa largeur varie selon les cas de 400 –1000 μm environ. L’autopode représenté ici est au stade F de Pautou (1974, 1975 a).

Fig. 8

Schéma d’une coupe semi-fine à travers l’extrémité des tissus acropodiaux sur laquelle est représentée la zone distale où ont été effectués les dénombrements cellulaires. Dans cette zone on distingue le mésoderme distal (Md), l’ectoderme distal banal (non apical) (Ed) et l’ectoderme apical (Ea, en pointillé), d, face dorsale, v, face ventrale; Sm, sinus marginal.

Fig. 8

Schéma d’une coupe semi-fine à travers l’extrémité des tissus acropodiaux sur laquelle est représentée la zone distale où ont été effectués les dénombrements cellulaires. Dans cette zone on distingue le mésoderme distal (Md), l’ectoderme distal banal (non apical) (Ed) et l’ectoderme apical (Ea, en pointillé), d, face dorsale, v, face ventrale; Sm, sinus marginal.

Fig. 9

Représentation schématique de trois stades (A, G et H) du développement normal de l’autopode (Pautou, 1974, 1975a) auxquels il est fait allusion dans le texte. Le stade A, 6,5 jours d’incubation, correspond au moment de l’injection.

Fig. 9

Représentation schématique de trois stades (A, G et H) du développement normal de l’autopode (Pautou, 1974, 1975a) auxquels il est fait allusion dans le texte. Le stade A, 6,5 jours d’incubation, correspond au moment de l’injection.

L’examen histologique porte uniquement sur la partie latérale du pied qui comprend l’orteil IV et l’espace interdigital III-1V. Des coupes semi-fines (1 μm d’épaisseur) parallèles au plan contenant à la fois l’axe dorso-ventral et 1’axe proximo-distal de l’autopode ont été réalisées dans 5 –13 régions espacées de 30 –50 μm, à raison d’une vingtaine de coupes dans chacune d’elles (Fig. 7). Les coupes sont colorées au bleu de méthylène selon Richardson, Jarett & Finke (1960). Elles mesurent de 700 à 1000 μm de long et sont partagées, pour le dénombrement des cellules et la commodité de la description en trois zones: distale, subterminale et proximale (Fig. 8). Les comptages sont effectués à l’intérieur de la zone distale, délimitée par un rectangle de 210 μm de long et 140 μn de large. (Il s’agit du champ photographique du photomicroscope Zeiss au grossissement 40/1, 25/3, 2 = × 160). L’apex de la coupe est placé dans ce champ de façon qu’il soit tangent au grand côté du rectangle en un point situé approximativement au milieu de la longueur (Fig. 8). On dénombre les noyaux des cellules ordinaires et les cellules bloquées en métaphase dans le mésoderme distal, 1’ectoderme banal distal et dans 1’ectoderme apical. Cet ectoderme apical est délimité arbitrairement comme il est indiqué sur la Fig. 8 en utilisant comme repères les diagonales supérieures du champ photographique. Les extrémités libres de ces diagonales, distantes de 40 μm, sont placées sur la membrane basale de façon que l’apex de la crête soit localisé à peu près au milieu de la longueur du champ. Ainsi, l’ectoderme apical comprend la majeure partie, mais non nécessairement la totalité de la crête apicale ectodermique. En règle générale, tout noyau ou métaphase bloqué(e) traversé(e) par les diagonales est compté(e) comme faisant partie de l’ectoderme apical; de même, tout noyau ou métaphase bloqué(e) à cheval sur les limites du champ photographique est compté(e) comme appartenant à la zone distale. La zone subterminale, dans laquelle quelques comptages cellulaires ont aussi été effectués, s’étend proximalement à la zone distale jusqu’à environ 500 μm de l’apex de l’acropode. Sa limite distale coïncide ainsi généralement avec le sinus marginal. Enfin, la zone proximale s’étend en-deçà de la zone subterminale jusqu’à une distance de 800 à 1000 μm de l’apex.

La densité cellulaire a été déterminée en comptant, sur des photographies de la zone distale de coupes histologiques au grossissement × 700, les noyaux à l’intérieur de trois carrés de 35 mm de côté chacun (ce qui correspond à 50 μm réels). Ces trois carrés délimitant une superficie totale de 75.000 μm2 sont placés de manière à inclure la plus grande partie des cellules mésodermiques distales, l’un immédiatement sous la crête apicale ectodermique, les deux autres sous 1’ectoderme dorsal et ventral de part et d’autre du sinus marginal. La densité cellulaire est exprimée par le nombre moyen de noyaux par 1000 μm2.

Ils sont présentés dans l’ordre chronologique des fixations qui ont été effectuées 2, , 6, 12, 18, 24, 36 et 48 h après l’injection de vinblastine. Ils sont fondés, d’une part, sur la description des tissus acropodiaux distaux sur une longueur allant de 700 à 1000 μm de l’extrémité distale du pied, et, d’autre part, sur le dénombrement des cellules dans une petite portion apicale, située grosso modo au-delà du sinus marginal comme il est indiqué sur la Figure 2; ces données numériques sont consignées dans le Tableau 2 et sont à comparer à celles qui concernent les tissus acropodiaux des embryons témoins non traités (Tableau 1).

Table 1

Index mitotique des tissus distaux de l’acropode entre 6,5 et 8 jours d’incubation

Index mitotique des tissus distaux de l’acropode entre 6,5 et 8 jours d’incubation
Index mitotique des tissus distaux de l’acropode entre 6,5 et 8 jours d’incubation
Table 2

Index mitotique (métaphases) dans les tissus distaux de l’acropode (Fig. 8) après injection de vinblastine à 6,5 jours d’incubation

Index mitotique (métaphases) dans les tissus distaux de l’acropode (Fig. 8) après injection de vinblastine à 6,5 jours d’incubation
Index mitotique (métaphases) dans les tissus distaux de l’acropode (Fig. 8) après injection de vinblastine à 6,5 jours d’incubation

A Témoins

(1) Etat des tissus au moment de l’injection (stade départ à 6,5 jours d’incubation) (Tableau 1 et Fig. 10). Le mésoderme situé entre le niveau du sinus marginal et la crête apicale ectodermique est constitué de cellules étoilées mésenchymateuses; leur densité moyenne, calculée sur 14 coupes de six embryons différents est de 15,97 ± 1,61 noyaux par 1000 μn2 dans une coupe longitudinale semifine de 1 μm d’épaisseur. Il n’y a pas de différence de densité ni de morphologie cellulaire entre le mésoderme apical du rayon digital IV et celui de l’espace interdigital III-IV. L’ectoderme bistratifié est constitué d’une assise basale aux cellules cuboïdes laissant entre elles de nombreuses lacunes intercellulaires et d’un périderme aux cellules pavimenteuses aplaties. Au niveau de la crête apicale, l’ectoderme est épaissi par l’allongement des cellules de l’assise basale dont les noyaux s’étagent sur trois ou quatre couches. Le périderme, quant à lui, est constitué à l’apex de la crête par des cellules plus hautes et plus serrées qu’ailleurs. L’activité mitotique de l’ectoderme distal banal est légèrement supérieure à celle du mésoderme, mais est beaucoup plus élevée que celle de l’ectoderme apical où les cellules en mitose sont exceptionnelles (Fig. 19 b).

Figure 10–18

Effet de la vinblastine sur les tissus de la zone distale (voir Fig. 8) de l’acropode en fonction du temps écoulé après l’injection. Les coupes sont représentatives d’échantillons fixés 2 h (Fig. 11), 6 h (Fig. 12), 12 h (Fig. 13), 18 h (Fig. 14), 24 h (Fig. 15) et 36 h (Figs. 16 et 17) après l’injection. La figure 10 représente le stade de départ à 6,5 jours et la figure 18 un témoin non injecté à 8 jours d’incubation. Sm, sinus marginal.

Figure 10–18

Effet de la vinblastine sur les tissus de la zone distale (voir Fig. 8) de l’acropode en fonction du temps écoulé après l’injection. Les coupes sont représentatives d’échantillons fixés 2 h (Fig. 11), 6 h (Fig. 12), 12 h (Fig. 13), 18 h (Fig. 14), 24 h (Fig. 15) et 36 h (Figs. 16 et 17) après l’injection. La figure 10 représente le stade de départ à 6,5 jours et la figure 18 un témoin non injecté à 8 jours d’incubation. Sm, sinus marginal.

Fig. 19

Variation du pourcentage de cellules en mitose (metaphase) en fonction de la durée d’incubation, après l’injection de vinblastine (a) et chez les témoins non traités (b). La durée totale d’incubation est indiquée entre parenthèses. Les barres verticales représentent la déviation standard de la moyenne.

Fig. 19

Variation du pourcentage de cellules en mitose (metaphase) en fonction de la durée d’incubation, après l’injection de vinblastine (a) et chez les témoins non traités (b). La durée totale d’incubation est indiquée entre parenthèses. Les barres verticales représentent la déviation standard de la moyenne.

(2) Evolution histologique des témoins au cours des 48 h suivantes (entre 6,5 et 8,5 jours). L’histologie des témoins ne subit aucune modification notable jusqu’à 8 jours d’incubation, c’est-à-dire jusqu’au stade G de Pautou (Pautou, 1974, 1975a) (Fig. 9G et 18) inclus. Jusqu’à 8 jours, c’est-à-dire avant que la nécrose morphogène ne s’installe dans le mésoderme distal, la densité cellulaire de ce dernier ne varie pas, mis à part une augmentation passagère significative à 7,25 jours (17,58 ± 0,90 noyaux/1000 μm2 dénombrés sur 19 coupes de trois embryons). L’ectoderme banal conserve sensiblement le même aspect. La crête apicale ectodermique digitale ou interdigitale garde à peu près la même épaisseur, mais le nombre des cellules apicales diminue en fonction du temps, diminution qui atteint 30% à 8 jours (Tableau 1).

C’est à 48 h (8,5 jours - stades H (Fig. 9H) et I de Pautou) après le stade de départ, qu’apparaissent des modifications importantes. Dans le mésoderme de l’espace interdigital, de nombreuses cellules sont pycnotiques, en voie de nécrose ou déjà nécrosées (Pautou & Kieny, 1971 b; Kieny & Sengel, 1974) (Fig. 27). Il s’agit de la nécrose dite ponctuelle qui atteint au stade H la portion apicale du mésoderme interdigital. Dans l’ectoderme apical, affaissé, on trouve également des cellules nécrotiques, d’abord dans le périderme, ensuite dans l’assise basale, où la disposition caractéristique en éventail s’estompe, puis disparaît. Cette nécrose apicale affecte simultanément plusieurs cellules ecto-dermiques et se distingue ainsi nettement de la nécrose sporadique qu’on observe toujours dans la crête apicale ectodermique à tout stade de son existence (Jurand, 1965). Dans l’ectoderme banal dorsal et ventral de la membrane interdigitale, les signes de dégénérescence cellulaire sont également abondants. De nombreuses cellules péridermiques présentent des noyaux pycnotiques et un cytoplasme en voie de vacuolisation; ces cellules superficielles boursouflées seront rejetées par desquamation. 11 n’est pas rare de rencontrer des cellules superficielles sphéroïdes d’une section 3 –4 fois supérieure à celle d’une cellule normale, contenant sur une même coupe jusqu’à six vacuoles nécrotiques, dont le contenu diffère généralement de l’une à l’autre. Il va d’une cellule en dégénérescence peu étrécie, dans laquelle on reconnaît le noyau pycnotique caractérisé par ses calottes ou flaques osmiophiles, jusqu’à des résidus qui n’emplissent plus la vacuole (Fig. 29). Ces cellules douées d’hétérophagie seront vraisemblablement, à leur tour, éliminées par exfoliation. Cette activité hétéro-phagique a été vérifiée à l’échelle ultrastructurale (Kieny & Pautou, résultats inédits).

Dans l’axe digital, les cellules mésodermiques situées immédiatement sous la crête apicale ectodermique, affaissée aussi à cet endroit, s’accolent étroitement les unes aux autres formant ainsi les conglomérats annonciateurs d’une prochaine activité phagocytaire (Fig. 26) (Pautou & Kieny, 1971 a). Dans certains cas d’ailleurs et selon l’endroit où passe la coupe, des phagocytes en activité se trouvent immédiatement sous la crête apicale. Dans celle-ci l’arrangement pseudostratifié disparaît et on observe aussi un début de dégénérescence cellulaire.

Fig. 26–29

Aspect histologique de la zone distale (Figs. 26 –28) et de la membrane interdigitale (Fig. 29), à 8,5 jours, chez les témoins non traités (Figs. 26, 27 et 29) et 48 h après l’injection de vinblastine (Fig. 28).

La Fig. 26 passe par l’axe digital III –IV; noter la conglomération sous-ectodermique apicale des cellules mésodermiques, annonciatrice d’une prochaine activité phagocytaire. Les Fig 27 et 29 passent par l’espace interdigital; noter, Fig 27, la destruction normale de la crête apicale ectodermique par nécrose et vacuolisation des cellules, ainsi que la nécrose ponctuelle mésodermique distale; et, Fig. 29, les figures d’hétérophagie dans l’ectoderme.

La Fig. 28 montre l’éclaircissement du mésoderme apical et la disparition de la crête apicale ectodermique. Noter qu’il subsiste encore, outre des figures de phagocytose et de nécrose ponctuelle, un certain nombre de noyaux bloqués en métaphase.

Fig. 26–29

Aspect histologique de la zone distale (Figs. 26 –28) et de la membrane interdigitale (Fig. 29), à 8,5 jours, chez les témoins non traités (Figs. 26, 27 et 29) et 48 h après l’injection de vinblastine (Fig. 28).

La Fig. 26 passe par l’axe digital III –IV; noter la conglomération sous-ectodermique apicale des cellules mésodermiques, annonciatrice d’une prochaine activité phagocytaire. Les Fig 27 et 29 passent par l’espace interdigital; noter, Fig 27, la destruction normale de la crête apicale ectodermique par nécrose et vacuolisation des cellules, ainsi que la nécrose ponctuelle mésodermique distale; et, Fig. 29, les figures d’hétérophagie dans l’ectoderme.

La Fig. 28 montre l’éclaircissement du mésoderme apical et la disparition de la crête apicale ectodermique. Noter qu’il subsiste encore, outre des figures de phagocytose et de nécrose ponctuelle, un certain nombre de noyaux bloqués en métaphase.

B Embryons traités

Les premiers effets histologiques du traitement sont décelables deux heures après l’injection sous la forme des premières mitoses bloquées en métaphase. Dix-huit heures après l’injection, le nombre des métaphases bloquées atteint un maximum dans le mésoderme et dans l’ectoderme banal. Dans l’ectoderme apical le nombre des métaphases bloquées augmente moins vite en fonction du temps mais continue à croître jusqu’à 36 h après l’injection (Tableau 2; Fig. 19).

(1) 2 et 3,5 h après /’injection (Figs. 9 et 11). Dans le mésoderme distal, comme dans le mésoderme subterminal en-deçà du sinus marginal, la proportion des cellules bloquées en métaphase augmente jusqu’à environ 10% sans que la structure histologique n’en soit perturbée. Dans l’ectoderme banal, on note une augmentation parallèle de la proportion des mitoses bloquées. La crête apicale ectodermique conserve sa structure pseudostratifiée. On note la présence de quelques cellules péridermiques en dégénérescence comme chez les témoins normaux. La proportion de métaphases y reste très faible, de l’ordre de 5%.

(2) 6 h après l’injection. Dans le mésoderme s’annonce une répartition des métaphases bloquées qui deviendra plus nette encore 6 h plus tard. Cette répartition est caractérisée, sur une coupe longitudinale, par une accumulation maximale dans une zone sous-ectodermique dorsale et ventrale dont l’épaisseur augmente dans le sens proximo-distal jusqu’au niveau du sinus marginal où les deux zones se rejoignent dans le plan frontal. Une petite portion du mésoderme apical située entre le sinus marginal et la crête apicale ectodermique se distingue par la relative rareté des mitoses bloquées. Dans l’ectoderme on ne note aucune altération par rapport au stade précédent si ce n’est l’accumulation d’une grande quantité de métaphases bloquées dans l’ectoderme banal dorsal et ventral dans une zone subterminale distante de 300 à 500 μm de l’extrémité distale de l’acropode. Dans cette zone, qui surmonte dorsalement et ventralement la moitié proximale de la région mésodermique à forte prolifération, le pourcentage de mitoses bloquées atteint 33%.

(3) 12 h après l’injection. La proportion de mitoses bloquées dépasse 20% dans le mésoderme distal, atteint presque 30% dans l’ectoderme distal banal et 15% dans l’ectoderme apical (Tableau 2).

La répartition des métaphases bloquées dans le mésoderme est conforme à celle qui s’annonçait dès 6 h après l’injection. En effet, dans une coupe longitudinale passant dans l’axe digital (Figs. 20 et 22) ou dans la membrane interdigitale (Figs. 20 et 23), la majorité des métaphases est localisée du côté dorsal et du côté ventral en deux zones allant en s’épaississant dans le sens proximodistal et délimitant entre elles une région triangulaire large du côté proximal et devenant étroite en direction distale, où les métaphases sont rares. Si l’on examine des coupes longitudinales proches du bord latéral du doigt IV, on s’aperçoit que les métaphases bloquées occupent ici la totalité de l’épaisseur dorso-ventrale du mésoderme, ce qui montre que dans cette zone bordante, dans laquelle court le sinus marginal, les zones dorsale et ventrale à forte activité mitotique se rejoignent (Fig. 21). Ainsi, le mésoderme de la palette acropodiale comporte essentiellement deux parties emboîtées l’une dans l’autre: l’une, périphérique, sous-ectodermique, longue de 400 à 500 μm, à forte activité mitotique, occupant une proportion d’autant plus grande de l’épaisseur du tissu qu’elle est plus proche du sinus marginal; l’autre, centrale, à faible activité mitotique et plus étroite à son apex qu’à sa base. Il convient de préciser qu’audelà du sinus marginal on trouve d’abord une zone à forte densité de cellules bloquées, puis en position apicale, immédiatement sous la crête apicale ectodermique une zone où, au contraire, les mitoses sont relativement rares (Fig. 13).

Fig. 20

Répartition des cellules bloquées en métaphase dans une coupe de la zone digitale (orteil IV) et de la zone interdigitale (espace III-IV) 12 h après l’injection de vinblastine. Dessin réalisé d’après photographies au grossissement × 700. Remarquer la concentration des métaphases dans deux zones sous-ectodermiques, dorsales et ventrales, en forme d’aileron. La Fig. 13 représente photographiquement la zone distale d’une coupe voisine de celle du schéma de gauche, dont par ailleurs, la zone subterminale est illustrée par la Fig. 22. La zone subterminale du schéma de droite se retrouve sur la photographie de la Fig. 23. d, face dorsale; v, face ventrale.

Fig. 20

Répartition des cellules bloquées en métaphase dans une coupe de la zone digitale (orteil IV) et de la zone interdigitale (espace III-IV) 12 h après l’injection de vinblastine. Dessin réalisé d’après photographies au grossissement × 700. Remarquer la concentration des métaphases dans deux zones sous-ectodermiques, dorsales et ventrales, en forme d’aileron. La Fig. 13 représente photographiquement la zone distale d’une coupe voisine de celle du schéma de gauche, dont par ailleurs, la zone subterminale est illustrée par la Fig. 22. La zone subterminale du schéma de droite se retrouve sur la photographie de la Fig. 23. d, face dorsale; v, face ventrale.

Figure 21–25

Aspect histologique de la zone subterminale 12 h (Figs. 21 –23) et 24 h (Figs. 24 et 25) après l’injection de vinblastine. La Figure 21 passe à travers la zone marginale, latéralement par rapport à l’axe digital de l’orteil IV; dans cette zone des cellules mésodermiques sont bloquées en métaphase, dans toute l’épaisseur du tissu. La Fig. 22, qui est une partie du schéma de gauche de la Fig. 20, passe à travers l’axe précartilagineux de l’orteil IV. La Fig. 23, qui est une partie du schéma de droite de la Fig. 20, passe à travers la membrane interdigitale de l’espace III-IV. Dans ces deux dernières régions les mitoses bloquées sont concentrées essentiellement dans deux zones sous-ectodermiques dorsale et ventrale plus épaisses du côté apical que du côté basal de l’acropode.

Les Figs. 24 et 25 illustrent les empilements chaotiques des cellules ectodermiques dans la zone subterminale.

Sm, sinus marginal.

Figure 21–25

Aspect histologique de la zone subterminale 12 h (Figs. 21 –23) et 24 h (Figs. 24 et 25) après l’injection de vinblastine. La Figure 21 passe à travers la zone marginale, latéralement par rapport à l’axe digital de l’orteil IV; dans cette zone des cellules mésodermiques sont bloquées en métaphase, dans toute l’épaisseur du tissu. La Fig. 22, qui est une partie du schéma de gauche de la Fig. 20, passe à travers l’axe précartilagineux de l’orteil IV. La Fig. 23, qui est une partie du schéma de droite de la Fig. 20, passe à travers la membrane interdigitale de l’espace III-IV. Dans ces deux dernières régions les mitoses bloquées sont concentrées essentiellement dans deux zones sous-ectodermiques dorsale et ventrale plus épaisses du côté apical que du côté basal de l’acropode.

Les Figs. 24 et 25 illustrent les empilements chaotiques des cellules ectodermiques dans la zone subterminale.

Sm, sinus marginal.

Si l’on partage géométriquement les coupes d’environ 1000 μm de long en deux moitiés dorsale et ventrale, on constate que le nombre de mitoses bloquées est plus élevé du côté ventral que du côté dorsal d’environ 25% (un dénombrement effectué sur 8 coupes prises au hasard chez trois embryons différents a fourni les moyennes suivantes: 107,5 mitoses du côté dorsal et 132,0 du côté ventral; cette différence est statistiquement très significative: t = 8,84; P = 4,79 × 10−5).

Dans l’ectoderme banal, la majorité des métaphases bloquées est située au-dessus des zones mésodermiques à forte activité mitotique. En-deçà et audelà de ces régions dorsales et ventrales la proportion en est plus faible; les mitoses restent relativement rares, en particulier, dans l’ectoderme banal distal (29%) ainsi que dans l’ectoderme apical proprement dit (14%) (Fig. 19a). Celui-ci comporte un nombre de cellules inférieur à celui du stade précédent. La crête apicale ectodermique montre encore une structure pseudostratifiée, mais son épaisseur est moindre en raison de la diminution de la hauteur et du nombre de ses cellules.

Outre l’accumulation des mitoses bloquées que la vinblastine commence à produire dans l’assise basale de l’ectoderme et surtout dans le périderme, on observe des altérations morphologiques dues vraisemblablement, en partie, à son action modificatrice (par destruction du cytosquelette) de la motilité des cellules (Bhisey & Freed, 1971), et, en partie, au fait que les cellules en métaphase par manque d’activité pseudopodiale sont incapables de se déplacer le long de la membrane basale. On constate, en effet, que dans les zones à forte activité prolifératrice, les cellules basales ectodermiques s’entassent les unes sur les autres, ce qui conduit à des décollements et occasionnellement des déchirures du périderme. Ce phénomène est perceptible plus précocément du côté ventral que du côté dorsal. Dans les zones à moindre activité prolifératrice, qu’elles soient distales (au-delà du niveau du sinus marginal) ou proximales, l’ectoderme conserve un aspect bistratifié.

A partir de ce stade, des cellules nécrosées et une activité phagocytaire deviennent décelables dans le mésoderme interdigital. Des cellules en voie de dégénérescence, sans phagocytes, s’observent dans le mésoderme digital paraaxial (non en voie de chondrification) et dans l’ectoderme surtout au niveau du périderme.

(4) 18 h après l’injection. La proportion des mitoses bloquées atteint un maximum dans le mésoderme et dans l’ectoderme distal banal (Tableau 2 et Fig. 19fl); elle a augmenté respectivement de 69 et de 54% en 6 h. Dans l’ectoderme apical, elle a augmenté moins vite (21%) par rapport au stade précédent; de plus, la proportion atteinte à 18 h ne constitue pas un maximum dans cette zone apicale ectodermique.

La répartition des métaphases bloquées est sensiblement la même qu’au stade précédent; cependant la zone mésodermique sous-apicale, où les métaphases bloquées étaient relativement rares aux stades précédents, est maintenant occupée, elle aussi, par un grand nombre de noyaux métaphasiques. Dans l’ecto derme banal, les boursouflures et les entassements de cellules en mitose se sont accentués et se localisent maintenant, de préférence, plus près de l’apex de l’acropode qu’au stade précédent. Ces altérations ectodermiques sont toujours plus étendues du côté ventral; elles sont fréquemment marquées par l’accumulation de grains pycnotiques. Dans le mésoderme distal également, une certaine proportion des métaphases bloquées entre en dégénérescence, ce qui est attesté par l’aspect pycnotique des chromosomes qui finissent par se condenser en une seule masse osmiophile. De telles masses osmiophiles peuvent aussi se trouver à l’intérieur de vacuoles lytiques de cellules saines de nature phagocytaire. Par ailleurs, il n’est pas exclu que certains des granules nécrotiques que l’on observe proviennent aussi de la mort de cellules non bloquées en métaphase; bien qu’à ce stade, chez les témoins, la nécrose morphogène interdigitale n’ait pas encore atteint cette portion apicale du mésoderme.

La crête apicale ectodermique est désorganisée, aplatie; la disposition des cellules basales en éventail est souvent perturbée par la présence de noyaux métaphasiques (Fig. 14). Là aussi, certaines cellules péridermiques et basales sont en dégénérescence.

De toute manière, le nombre de cellules en dégénérescence a considérablement augmenté par rapport au stade précédent, d’une part, dans les zones mésodermiques digitale et interdigitale à forte activité mitotique (il s’agit là principalement de l’accumulation de granules pycnotiques et de cellules métaphasiques à cytoplasme vacuolaire), d’autre part, dans les régions mésodermiques interdigitales plus proximales où la nécrose morphogène normale fait son apparition sous la forme de phagocytes et de granules nécrotiques typiques. De sorte que, dans la membrane interdigitale III –IV, la nécrose distale due au traitement s’ajoutant à la nécrose proximale normale, la totalité du mésoderme sousectodermique (à l’exclusion du mésoderme central) est le siège d’une intense dégénérescence cellulaire qui emplit ainsi avant l’heure tout l’espace interdigital. Au niveau de l’orteil IV, seules les zones à forte activité mitotique présentent une forte proportion de cellules en dégénérescence. L’axe cartilagineux quant à lui en est toujours dépourvu.

(5) 24 h après P injection. Dans le mésoderme et dans l’ectoderme distal banal, la proportion de figures métaphasiques bloquées a subi une diminution de l’ordre de 41 et de 14% respectivement par rapport à celle du stade précédent. Au contraire, dans l’ectoderme apical, la proportion des mitoses bloquées continue de croître et dépasse le niveau du stade précédent de 25%. En fait, si l’on classe les cas individuels fixés 24 h après l’injection dans l’ordre croissant de la proportion de mitoses bloquées dans le mésoderme, on s’aperçoit qu’ils se partagent en deux groupes distincts; le premier, comportant trois embryons, est caractérisé par un pourcentage de mitoses bloquées très faible, particulièrement dans le mésoderme, mais aussi dans l’ectoderme; dans le second, qui compte cinq embryons, le pourcentage de mitoses est encore très élevé, semblable sinon supérieur à celui du stade précédent. Comme cette hétérogénéité ne fait son apparition que 24 h après l’injection, elle doit être interprétée comme reflétant le fait que certains embryons éliminent plus rapidement que d’autres les cellules bloquées en métaphase et se trouvent ainsi dès ce moment-là en voie de guérison. Comme l’action de la vinblastine est relativement homogène dans la totalité de la population des embryons traités jusqu’à 18 h après le traitement, l’hétérogénéité qui apparaît à 24 h n’est donc pas due au fait que certains embryons sont insensibles au traitement.

Dans l’ectoderme banal subterminal de ces derniers cas, l’entassement sur place de mitoses bloquées, de cellules moribondes et de granules nécrotiques aboutit à une configuration extrêmement chaotique de l’épithélium (Figs. 24 et 25). Par endroit, il est réduit à une fine pellicule cytoplasmique péridermique (?); ailleurs, jusqu’à cinq ou six couches de cellules ectodermiques se sont empilées les unes sur les autres. On n’observe pas de phagocytes dans l’ectoderme. L’élimination des cellules mortes et des débris cellulaires s’effectue par desquamation. L’ectoderme apical a perdu son organisation caractéristique; il comprend, d’une part, des petites cellules serrées les unes contre les autres, d’autre part, de grosses cellules bloquées en métaphase et, enfin, d’autres en voie de nécrose (Fig. 15).

(6) 36 h après Pinjection. La proportion des mitoses bloquées dans le mésoderme et l’ectoderme distal banal continue à diminuer, mais augmente considérablement (de 37%) dans l’ectoderme apical. Comme dans le cas précédent, la population des cas examinés est hétérogène: certains acropodes (trois cas) (Fig. 17) présentent des tissus où la proportion des métaphases bloquées est tombée très bas, même dans l’ectoderme apical. Le tissu mésodermique a alors une apparence très clairsemée. D’autres acropodes (cinq cas) (Fig. 16) présentent encore une forte proportion de cellules mésodermiques bloquées en métaphase. Ce sont ces cas qui possèdent un ectoderme apical artificiellement épaissi par l’accumulation des mitoses bloquées. Ce gonflement déborde souvent les limites arbitraires fixées pour la zone ectodermique apicale.

Dans l’ectoderme banal distal et subterminal, les altérations morphologiques (boursouflures, décollement, empilement) s’atténuent et disparaissent avec l’élimination des cellules bloquées en mitose.

La nécrose et l’activité phagocytaire sont donc moins denses qu’au stade précédent. D’une façon générale, les débris cellulaires ont en grande partie disparu, ce qui confère au tissu son aspect aéré. Le dénombrement montre que le mésoderme apical compte environ moitié moins (53%) de cellules que le mésoderme normal de même stade (Tableau 2 et Figs. 17, 18 et 19).

(7) 48 h après Vinjection. Ce stade est caractérisé par l’atténuation progressive des effets de l’alcaloïde et par la guérison des tissus. Dans le mésoderme et dans l’ectoderme banal les figures de mitoses bloquées sont devenues très rares (les comptages n’ont pas été effectués à ce stade). Au niveau de l’ectoderme apical, on recontre tantôt une accumulation de mitoses bloquées débordant la zone apicale proprement dite comme au stade précédent, tantôt un ectoderme aplati de type banal à deux assises entièrement guéries mais ne présentant aucune trace de crête apicale ectodermique (Fig. 28).

L’administration de vinblastine à l’embryon de poulet de 6,5 jours d’incubation conduit à des malformations de l’acropode qui ont été décrites précédemment (Kieny et al. 1973; Kieny, Pautou & Sengel, 1975) et qui sont caractérisées par une hypophalangie des orteils II, III et IV, plus fréquente et plus profonde dans les orteils latéraux que dans les orteils médians. L’orteil I est également affecté, mais à un degré qui est semblable à celui de l’orteil III. On avait conclu de cette sensibilité différentielle latéro-médiane que les ébauches digitales étaient d’autant plus affectées par l’alcaloïde que la part de leur programme morphogénétique restant à accomplir était plus grande au moment de l’injection.

L’analyse histologique des effets de la vinblastine montre que l’arrêt de développement distal des orteils est dû à deux causes principales. La première est l’inhibition mitotique qui atteint dans le mésoderme distal et dans l’ectoderme distal banal une valeur maximale 18 h après l’injection et dans l’ectoderme apical 36 h après l’injection. Ce blocage mitotique aboutit à une déficience cellulaire grave, de l’ordre de 50%. L’autre cause est la destruction précoce de la crête apicale ectodermique: en effet, sous l’effet de la vinblastine celle-ci s’involue environ 24 h avant le délai normal. Cette involution est vraisemblablement elle-même provoquée, d’une part, par le fait que le mésoderme apical sous-jacent est devenu déficient au point de vue du nombre de cellules qui le constituent et, d’autre part, par l’arrêt de la migration proximo-distale des cellules ectodermiques dorsales et ventrales qui alimentent normalement la crête apicale ectodermique. En effet, les images d’accumulation de cellules ectodermiques à un niveau subterminal attestent que la vinblastine, outre qu’elle bloque la prolifération de l’ectoderme, inhibe aussi la motilité des cellules ectodermiques et arrête ainsi leur déplacement distal.

La vinblastine n’a guère d’effet sur la nécrose morphogène interdigitale si ce n’est qu’elle l’accélère quelque peu, vraisemblablement par son effet toxique généralisé. De ce fait, elle n’a pas d’influence sur la régression normale des membranes interdigitales si ce n’est, dans certains cas, une légère accentuation du phénomène (Kieny et al., 1975). Il en résulte des orteils hypophalangiques mais normalement ou quelquefois exagérément libérés.

Si l’on compare la courbe d’évolution du pourcentage de cellules en mitose dans les trois tissus considérés (ectoderme distal banal, ectoderme apical et mésoderme distal (Fig. 19 a)), on ne peut manquer d’être frappé par le fait que seules celles se rapportant à l’ectoderme distal banal et au mésoderme distal présentent un maximum 18 h après l’injection de vinblastine. Ce fait signifie probablement que le cycle cellulaire est plus court dans l’ectoderme distal banal et dans le mésoderme distal qu’il ne l’est dans la crête apicale ectodermique.

La répartition des cellules bloquées en métaphase dans l’ectoderme mérite une mention particulière, bien qu’un dénombrement localisé systématique n’ait pas été effectué. En effet, les métaphases bloquées ne sont pas réparties uniformément le long de l’axe proximo-distal de l’ectoderme dorsal et ventral: au contraire, on peut généralement reconnaître une petite portion ectodermique où elles sont plus nombreuses et plus denses qu’ailleurs. Cette portion se déplace dans le sens proximo-distal en proportion du temps écoulé après l’injection, à partir d’une distance d’environ 500 μm de l’extrémité apicale. Cette répartition suggère que la durée du cycle cellulaire est minimale dorsalement et ventralement à la base de la zone subterminale et est d’autant plus longue que l’on se rapproche de la crête apicale ectodermique, où elle atteint un maximum. Ce qui revient à dire que la majorité des cellules qui participeront au revêtement apical ectodermique de l’acropode est engendrée dans l’ectoderme subterminal à environ 500 μm de l’apex de l’acropode. De nombreuses observations suggèrent que l’ectoderme dorsal et l’ectoderme ventral du bourgeon de membre glissent en direction proximodistale, leur convergence contribuant à la formation et au maintien de l’épaississement ectodermique apical (Amprino & Camosso, 1958; Milaire, 1973). Le blocage expérimental de ce glissement provoque, d’une part un empilement anormal des cellules ectodermiques proximalement à l’obstacle (Roncali, 1973), d’autre part, un affaissement, voire la disparition de la crête apicale ectodermique, ce qui engendre des déficiences distales (Amprino & Ambrosi, 1973). Mais ce glissement proximo-distal de l’ectoderme est conditionné par la présence sous-jacente de mésoderme de bourgeon de membre (Searls & Zwilling, 1964). Après ablation microchirurgicale de l’ectoderme apical sur une largeur de 50 à 100 μm, une nouvelle crête apicale est ‘régénérée’, à condition que (1) les bords de l’ectoderme sectionné soient maintenus réunis; (2) que l’ectoderme soit mis en contact avec du mésoderme de bourgeon de membre. Le mésoderme somitique est incapable d’assurer la reconstruction d’une nouvelle crête apicale, comme il est incapable de maintenir une crête apicale déjà formée.

Les changements de la morphologie de la crête apicale dépendent plutôt de modifications du rythme du glissement ectodermique que de variations de l’activité mitotique des cellules de la crête apicale elle-même. De nombreux auteurs s’accordent pour attester la rareté des figures mitotiques (poulet, Camosso, Jacobelli & Pappalettera, 1960) ou le faible taux d’incorporation, de thymidine tritiée (canard, Kieny & Sengel (résultats inédits); tortue, Vasse, 1973; lézard, Vasse & Raynaud, 1971; truite, Bouvet (résultats inédits)) dans la crête apicale ectodermique. Cependant, chez le rat, malgré la migration massive des cellules péridermiques vers la crête apicale, les figures mitotiques sont abondantes dans les cellules basales de celle-ci (Milaire, 1973).

D’innombrables données expérimentales assignent à la crête apicale ectodermique un rôle stimulant de la croissance du mésoderme et par là de la poursuite de la progression proximo-distale des différenciations mésodermiques, en particulier des différenciations squelettiques et tégumentaires. (Les différenciations musculaires ont été passées sous silence par tous les auteurs) (cf. Zwilling, 1961). Tout au long de son existence l’ectoderme apical conserve qualitativement le même pouvoir inducteur (Pautou, 1972; Rubin & Saunders, 1972), n’intervient pas dans la détermination spécifique de l’acropode (Pautou, 1968, 1972) et arrête son activité morphogène selon un programme qui lui est inhérent (Pautou, 1972; Rubin & Saunders, 1972). Mais dans le développement normal, l’aspect pseudostratifié de la crête apicale est conservé jusqu’à ce que la morphogenèse du pied soit achevée. La vinblastine modifie les conditions de la structuration de la crête comme le fait le vert Janus (Pautou & Kieny, 1971 b; Pautou, 1975 b, c). L’une et l’autre substance, certes selon des modalités différentes, aboutissent, environ 24 h avant le temps normal, à un affaissement de l’ectoderme de la crête apicale et à sa transformation en un ectoderme banal bistratifié. La perte de la configuration pseudostratifiée de la crête apicale semble définitive.

Si la configuration pseudostratifiée de la crête apicale a été jusqu’ici, assez strictement associée à l’exercice de son activité, il semble que cette structure physique ne soit plus une condition aussi impérative. Chez Xenopus laevis, (Tschumi, 1957) l’ectoderme apical exerce une fonction morphogène semblable à celle généralement admise chez le poulet (voir Zwilling, 1961 pour revue), bien qu’il ne soit pas différencié en “crête’ typique (Dober & Tschumi, 1969) mais que son épaississement discret implique uniquement trois couches cellulaires (Tarin & Sturdee, 1971). Après retournement en doigt de gant du revêtement ectodermique, l’ectoderme apical passe transitoirement par une forme chaotique confuse avant de se réorganiser morphologiquement en crête, sans que la différenciation proximo-distale ultérieure du membre n’en soit affectée (Errick & Saunders, 1974).

Les auteurs qui ont étudié la croissance du bourgeon de membre de poulet en comptant les mitoses (Camosso et al. 1960; Hornbruch & Wolpert, 1970; Kelley 1970) sont d’accord pour dire qu’il existe des différences de taux de prolifération entre région distale et région proximale du mésoderme du bourgeon de membre. Elles sont faibles et, en tout cas, insuffisantes pour expliquer la croissance distale rapide, démontrée à l’aide des expériences de marquage (Amprino & Camosso, 1958; Hampé, 1959). De plus, la présence d’une région à activité mitotique élevée sous la crête apicale a été supputée (Saunders, 1948; Camosso et al. 1960; Cairns, 1966; Janners & Searls, 1970) mais non prouvée.

Grâce à l’emploi de la vinblastine, la présence d’une telle zone à activité prolifératrice élevée a pu être mise en évidence. Sur les coupes, elle se présente sous la forme de deux ailerons l’un dorsal, l’autre ventral, reliés l’un à l’autre de part et d’autre du sinus marginal, où elle atteint son épaisseur maximale. En direction proximale, son épaisseur diminue jusqu’à s’annuler presque complètement à environ 400 –500 μm de l’apex de l’acropode. En fait, la reconstitution tridimensionnelle d’après les coupes sériées montre qu’il s’agit d’une couche périphérique sous-ectodermique d’autant plus épaisse qu’on s’approche du sinus marginal à partir d’un niveau situé à environ 400 –500 μm de l’extrémité distale du pied. Il est important de préciser que cette répartition particulière des mitoses n’est pas propre à l’axe digital dont les cellules centrales sont de toute façon en voie de chondrogenèse (Fig. 22), mais se retrouve également dans la membrane interdigitale (Fig. 23).

Il reste à montrer que les mécanismes morphogénétiques de prolifération cellulaire localisée que l’emploi de la vinblastine a révélés dans l’ébauche du pied à un stade relativement avancé de son développement (7 –8 jours d’incubation) interviennent également dans le bourgeon de membre aux stades précoces de sa formation et de sa croissance (3 –5 jours d’incubation).

Ce travail a été effectué avec l’aide de la DGRST (Action complémentaire coordonnée: Biologie de la reproduction et du développement, conventions n° 71-7-3024 et 73-7-1661).

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