1. At the feeding stage (st. 38), a high percentage (79 %) of Pleurodeles homozygous ac/ac larvae show bent tails after a persistent ascitic blister in the dorsal part of the fin, when embryonic development occurred at 12 °C; about only 25 % of them are affected by abdominal and pericardic ascites; about 40 % can feed and survive. The larval phenotype is very different when embryonic development occurred at 23 °C, in which case tail growth appears to be normal, but 95 % larvae die, due to ascitic fluid collection in the abdominal and heart regions, marked anaemia and microcephaly.

  2. The exchange of posterior neural plates and dorso-lateral epidermis between normal and mutant neurulae has shown that the localization of the blister in the dorsal fin is not dependent on autonomous properties of the mutant dorsal tissues, but should be considered as resulting from general disturbances in the mutant organism.

  3. Experiments were performed, involving a temperature shift from 12 to 23 °C or 23 to 12 °C, occurring at various developmental stages from the end of gastrulation (stage 13) to the stage of spontaneous embryonic muscle contractions (stage 26). When the temperature shift was applied after the end of neurulation (stage 21), the caudal phenotype was statistically similar to that of larvae which had been bred continuously at the first temperature. Thus temperature-sensitive phases can be characterized between neurula stages 15 and 18 (for a 12–23° shift) or 15 and 21 (for a 23–12° shift). Similarly, abdominal ascites can be induced when embryos are kept at 23 °C till stage 23 (early tail-bud) only, and occurs much less frequently when embryos are kept at 12 °C till stage 23 and then transferred to 23 °C.

  4. It could be concluded from these experiments that the caudal mutant phenotype is already temperature-determined during neurulation, before stage 21.

    Nevertheless, double temperature-shift experiments showed that the second shift could modify the results which would be obtained if the first shift only occurred. Paradoxical results were obtained, more than 90 °0 of the tail phenotypes being of the ‘warm type’ when the embryos were first kept at 12 °C, then shifted up to 23 °C between stages 22 and 26, and shifted down again to 12 °C. Such a treatment markedly lowers the percentage of bent tails (‘cold type’) from the percentage which would occur if ac/ac embryos were constantly kept at 23 °C after stage 21, but this longer warm treatment is of no effect of itself as compared to the case when the whole development occurs at 12 °C (bent tails are predominant in this latter case).

    Thus, whereas the early determination of the position of the caudal blister can be considered as a stable phenomenon under given temperature conditions, it is not irreversible.

  5. As compared to cold-bred larvae, thrice as many completely anaemic larvae (66 %) were obtained from ac/ac embryos kept at 23 °C between stages 21 and 26; this offers an opportunity for the experimental study of this anaemia.

  6. Implications of these results for further analysis of temperature-sensitive mutations in cold-blooded vertebrates are suggested.

Chez la Drosophile, les mutations thermosensibles constituent une source de matériel particulièrement intéressante pour déceler les phases du développement au cours desquelles intervient la détermination d’une ébauche embryonnaire: celle-ci n’est plus affectée par le changement de la température à partir d’un stade de développement donné, caractéristique de l’organe considéré. L’emplacement et la durée des phases thermosensibles sont variables (Suzuki, 1970; Foster, 1973).

L’existence de telles mutations thermosensibles chez les Vertébrés poïkilo-thermes devrait de même permettre d’introduire une nouvelle méthode d’approche dans l’analyse expérimentale de leur développement embryonnaire. Mais, bien que le nombre de mutations connues chez les Amphibiens Urodèles, en particulier chez l’Axolotl, soit déjà relativement élevé (Briggs, 1973; Mala-cinski & Brothers, 1974), la plupart ne paraissent pas manifester une thermosensibilité utilisable pour une telle analyse. L’une d’entre elles a cependant été mise en évidence chez Pleurodeles waltlii; la mutation récessive semi-léthale ‘ascite caudale’ ac (Beetschen & Jaylet, 1965) s’est révélée en effet thermosensible : le phénotype des larves issues d’embryons élevés à 23 °C est beaucoup plus anormal que celui des larves issues d’embryons élevés à 12 °C, dont 40 % environ peuvent survivre, et la température de 23 °C entraine ainsi la mort de plus de 95 % des larves mutantes peu après l’éclosion (Beetschen, 1971). En outre, la mutation ac induit l’apparition d’un ‘effet maternel’ dans la descendance des femelles ac/ac (Beetschen, 1970), qu’on peut rapprocher des effets maternels décelés pour les mutations f, v, o et cl de l’Axolotl (Humphrey, 1960, 1962, 1966; Briggs & Humphrey, 1962; Briggs & Cassens, 1966; Briggs, 1972, 1973; Carroll & Van Deusen, 1973).

A partir de ces données, nous avons entrepris une étude approfondie de diverses modifications phénotypiques des larves mutantes ac/ac, sur la base d’un seul changement de température intervenant à tel ou tel stade du développement embryonnaire.

L’application de deux changements successifs de température, qui intercalent une période de développement relativement courte à température élevée entre deux longues périodes à température basse (ou réciproquement), nous a ensuite conduits à des constatations qui montreront la complexité des phénomènes de thermosensibilité existant en réalité chez un organisme supérieur poïkilotherme.

Le présent travail expose l’ensemble des résultats auxquels nous sommes parvenus à l’heure actuelle par ces méthodes de changement de température au cours du développement embryonnaire.

Nous donnerons au préalable une brève analyse expérimentale concernant la genèse du phénotype ‘ascite caudale’ au cours du développement.

Les souches de Pleurodèles utilisées sont élevées au laboratoire depuis plusieurs années, dans des aquariums à eau courante (Gallien, 1952). Les individus ac/ac utilisés pour les expériences de changement de température sont obtenus à l’aide de croisements du type ♀ + /ac × ♂ac/ac ou, à défaut, du type + /ac × +ac. Les pontes obtenues à partir des ♀ ♀ ac/ac donnent une descendance affectée par l’effet maternel, qui a été utilisée seulement dans des expériences de greffes.

Les embryons mutants sont triés dès qu’ils deviennent reconnaissables, à partir du stade 30 de la table chronologique de Gallien & Durocher (1957). Tous les embryons restent dans leur gangue jusqu’au stade 34 (éclosion), tout le développement s’effectuant dans des cristallisoirs ou des cuvettes remplis d’eau phréatique maintenue à température constante (12 ± 0,5 ou 23 ± 0,5 °C selon les cas).

L’examen des caractères phénotypiques choisis a lieu systématiquement sur le vivant aux stades 37–38, qui correspondent à la prise de nourriture chez les individus normaux.

Les opérations au stade neurula (1ère partie) ont été effectuées dans du liquide de Holtfreter opératoire stérile additionné d’elcosine Ciba (0,5 g ‰), dans des coupelles opératoires à fond garni de pâte à modeler; après cicatrisation, les embryons ont été transportés dans du liquide de Holtfreter dilué au 1 /10 et y ont séjourné pendant 24 à 48 h, avant d’être placés dans de l’eau phréatique stérilisée par filtration, où le développement ultérieur s’est poursuivi jusqu’au stade 38.

Les méthodes particulières utilisées pour l’analyse statistique des résultats et pour les changements de température seront exposées dans le texte correspondant.

1. Genèse du phénotype ascitique

Les individus mutants ac/ac sont caractérisés aux stades 28–29 par la présence d’ascite dans la nageoire dorso-caudale (Beetschen & Jaylet, 1965), les individus + /ac étant phénotypiquement normaux.

L’ascite localisée dans la nageoire a-t-elle pour origine un dérèglement d l’activité métabolique des tissus qui donnent naissance à cet organe, ou bien celui-ci n’est-il qu’un lieu d’accumulation du liquide ?

De nombreux travaux (Raven, 1931; Holtfreter, 1933; Du Shane, 1935; Twitty & Bodenstein, 1941; Woerdeman, 1946; Hôrstadius, 1950; Bodenstein, 1952) ont contribué à la compréhension du mécanisme de formation de la nageoire chez les Urodèles; celle-ci comporte deux étapes:

  1. Une induction exercée par les crêtes neurales sur l’ectoderme dorsal sus-jacent, certainement peu de temps après la fermeture du tube nerveux;

  2. L’ectoderme à son tour induit les crêtes neurales à former le mésenchyme qui constitue le soutien de la nageoire.

Ces données étant acquises, nous avons entrepris des greffes de l’ensemble plaque neurale troncale + bourrelets médullaires + ectoderme adjacent, espérant répondre ainsi à la question posée.

A. Protocole expérimental

Sur de jeunes neurulas de Pleurodèle (stades 14–15), déganguées et déchor-ionnées, on prélève les greffons comme suit: sur la neurula donneuse, on pratique au moyen d’un fil de platine des incisions intéressant uniquement le feuillet le plus superficiel, autour du fragment que l’on veut extirper.

Le greffon ainsi délimité contient la quasi-totalité de la plaque neurale tróncale, les bourrelets médullaires ainsi que deux lambeaux d’ectoderme dorso latéral. On détache ensuite délicatement le greffon en prenant soin de ne pas léser les tissus sous-jacents. Une intervention analogue est réalisée sur la neurula receveuse (Fig. 1). Le greffon transporté dans la plaie est maintenu en place par un petit cavalier de verre. La cicatrisation achevée, les embryons opérés sont transportés dans des coupelles contenant une solution de Holtfreter diluée au 1/10 et y séjournent pendant 24 à 48 h. Ils sont ensuite placés dans de l’eau phréatique.

Fig. 1.

Echange de la plaque neurale tróncale, des bourrelets médullaires et d’ectoderme dorso-latéral adjacent entre deux jeunes neurulas de Pleurodèle aux stades 14—15, l’une acjac, l’autre +/+ ou + /ac.

Fig. 1.

Echange de la plaque neurale tróncale, des bourrelets médullaires et d’ectoderme dorso-latéral adjacent entre deux jeunes neurulas de Pleurodèle aux stades 14—15, l’une acjac, l’autre +/+ ou + /ac.

B. Résultats

Deux types d’expériences ont été effectués selon la provenance des neurulas donneuses et receveuses.

  1. Les embryons donneurs sont issus d’une ponte provenant d’un croisement ♀ + /ac × ♂ac/ac et les embryons receveurs proviennent soit de la même ponte, soit d’une ponte normale (♀ + / + × ♂ +/+)

    Dans ces conditions nous avons réalisé des échanges réciproques qui aboutissent à de meilleurs résultats (Fig. 1).

    En effet, dans le cas où la greffe n’est pas réciproque, très souvent la neurula donneuse ne se cicatrise pas à cause de l’ampleur de la blessure, et de ce fait se cytolyse. Il devient dès lors impossible de déterminer le génotype du greffon prélevé.

  2. Les embryons donneurs sont issus d’une ponte provenant d’un croisement ♀ ac/ac × ♂ ac/ac. Ces individus présentent les anomalies liées à l’effet maternel (Beetschen, 1970). Les embryons receveurs sont alors choisis dans une ponte entièrement normale. Dans ce cas, seules les combinaisons ‘porte-greffe normal + greffon mutant’ sont réalisées. La combinaison inverse ne présente en effet aucun intérêt, étant donné que très rares sont les individus ac/ac nés de mère elle-même ac/ac qui achèvent la neurulation, a fortiori lorsqu’ils sont opérés.

Au total, 55 individus ont poursuivi normalement leur développement. Ils se répartissent comme suit:

1. Associations ‘embryon normal + greffon normar

La morphologie générale et la circulation sanguine étaient normales chez tous les porte-greffes. Cependant il est intéressant de noter que l’un d’eux a présenté une cloque d’ascite en position dorsale sub-terminale. La queue s’est courbée vers le haut reproduisant ainsi, en un point précis, le phénotype caudal d’un mutant ac/ac élevé à 12 °C (phénocopie).

2. Associations ‘embryon mutant+greffon normal’

Parmi les sept cas observés, cinq d’entre eux ont présenté, outre l’ascite caudale, des cloques d’ascite dans la nageoire dorsale formée à partir de tissus normaux. Chez les deux autres, bien que les cloques ne fussent pas nettement individualisées, l’ascite était présente dans l’épaisseur du repli dorsal. Le génotype des tissus du greffon n’est donc pas responsable de l’apparition et de la persistance du phénotype mutant au niveau de ces tissus.

3. Associations ‘embryon normal+greffon mutant’

Pour 23 porte-greffes sur 27, nous n’avons relevé aucune anomalie. Dans deux autres cas une cloque est apparue dans le repli dorsal. Celle-ci s’est trouvée reportée vers l’avant et était presque entièrement résorbée aux stades 37-38. Les deux autres individus ont présenté une toute petite cloque d’ascite dans la nageoire ventrale entre les stades 32–34 et 32–36.

4. Associations ‘embryon mutant + greffon mutant’

Les cinq individus, très ascitiques et totalement anémiques, sont morts entre les stades 34 et 36.

C. Discussion

Les résultats précédents permettent d’affirmer que la présence de l’ascite dans la nageoire dorsale n’est pas liée au génotype des tissus formateurs de l’organe. L’apparition de l’ascite dans le repli dorsal doit être due, chez les mutants, à un dérèglement physiologique intrinsèque de l’organisme entier. Les tissus mutants impliqués dans la formation de la nageoire dorsale peuvent manifester ce dérèglement de manière autonome, mais il n’est alors que temporaire et disparaît avant le stade 38 sur un porte-greffe normal.

Un dérèglement passager se manifestant de manière analogue, peut être provoqué expérimentalement de façon accidentelle. Cette hypothèse permettrait d’expliquer la phénocopie obtenue.

(1) Matériel et méthodes

(a) Séries témoins

Les pontes obtenues sont synchronisées et les individus sont maintenus à température constante (12, 18 ou 23 °C selon les séries) jusqu’au stade de l’observation (stades 37–38, prise de nourriture).

(b) Changement de la température d’élevage

(1) De 12 à 23 °C

Après synchronisation, aux premiers stades de la segmentation, les embryons sont élevés à 12 °C jusqu’à un stade donné du développement. Ils sont alors transférés à l’aide d’une pipette dans une autre cuvette contenant de l’eau à 23 °C. Ainsi les germes ne subissent pas une augmentation progressive de la température, mais sont soumis à un choc thermique, adouci cependant par la présence de la gangue qu’il est préférable de laisser en place pour assurer un développement normal.

Aux stades 29–30, les embryons mutants ac/ac, morphologiquement reconnaissables, sont séparés de leurs frères ( + /+ ou + /ac) qui servent de témoins. Les deux cuvettes contenant, l’une les mutants, l’autre les témoins ainsi définis, sont replacées dans l’étuve à 23 °C, température à laquelle les germes évoluent jusqu’au stade de l’observation.

La séparation précoce des individus ac/ac et normaux ( + /ac ou + / + ), a pour but d’éviter une confusion éventuelle entre ces deux types d’individus. En effet, il s’avère que quelques rares mutants arrivent parfois à résorber, au cours des stades ultérieurs, la totalité ou la quasi-totalité de l’ascite contenue dans la nageoire. Ces mutants deviennent dès lors très difficiles à distinguer des embryons normaux.

Enfin, aux stades 37–38, les jeunes larves ac/ac anesthésiées avec du MS 222 à 1 g/l sont observées sous la loupe binoculaire et comparées avec les larves-sœurs témoins ayant subi le même traitement thermique.

Nous désignerons le changement de la température d’élevage de 12 à 23 °C à un stade x, par: 12°—st. x →23°.

(2) De 23 à 12 °C

Le protocole expérimental est identique à celui que nous venons de décrire pour les changements de 12 à 23 °C.

(c) Double changement de la température (de 12 à 23 °C puis à 12 °C; ou de 23 à 12 °C puis à 23 °C)

Après synchronisation, les embryons sont d’abord élevés à 12 ou à 23 °C, selon l’expérience, jusqu’à un stade x1 (stade 20 par exemple). Ils sont alors transférés dans des cuvettes contenant de l’eau à 23 °C (ou à 12 °C) et y évoluent jusqu’à un stade x2 (stade 26 par exemple) auquel intervient le deuxième changement de température. En d’autres termes, une période de développement à température élevée est comprise entre deux périodes de développement à basse température, ou l’inverse.

Les exemples que nous avons donnés seront ainsi notés :
(d) Analyse statistique des résultats

Les résultats obtenus ontété exprimés en pourcentages exprimant la fréquence du nombre de larves ac/ac présentant un caractère donné, par rapport au nombre total de larves ac/ac de la série considérée (chaque série correspond à une ponte ou une fraction de ponte). Pour chaque série, nous avons calculé les pourcentages de six anomalies différentes.

Pour faciliter l’analyse statistique, toutes les séries-témoins ont été groupées selon la température (23, 18, 12 °C). On a de même constitué des groupes de séries ayant subi un même traitement thermique à un même stade.

La méthode d’analyse utilisée (Lazar & Schwartz, 1967; Heller, 1968) permet de comparer des pourcentages deux à deux: (a) en se basant sur leurs intervalles de confiance (2σ) respectifs; (b) en considérant l’hypothèse nulle (Ho) dans le cas où les deux intervalles de confiance se chevauchent. La différence observée entre deux pourcentages considérés n’est pas significative quand ε < 2, est significative si ε⩾ 2 et hautement significative pourε⩾2,6.

(2) Résultats

Les différents types d’expériences effectuées sont reportés dans le Tableau 1. L’étude a porté sur les caractères suivants: 1, microcéphalie; 2, absence d’érythrocytes branchiaux; 3, ascite caudale; 4, croissance anormale de la queue; 5, ascite cardiaque; 6, ascite abdominale.

Tableau 1.

Ensemble des expériences faisant intervenir des changements de température

Ensemble des expériences faisant intervenir des changements de température
Ensemble des expériences faisant intervenir des changements de température

(A) Groupes-témoins de mutants élevés à température constante

Les résultats (Tableau 2) confirment ceux de Beetschen (1971) établis sur un plus grand nombre d’individus; c’est pourquoi ces séries témoins sont considérées comme suffisantes pour les comparaisons établies ensuite. Le terme de ‘témoins’ se rapportera par la suite aux mutants ainsi élevés à température constante.

Tableau 2.

Etude des groupes-témoins

Etude des groupes-témoins
Etude des groupes-témoins

La plupart des larves mutantes élevées à 12 °C présentent aux stades 37–38 une grosse cloque d’ascite dorsale dans la nageoire caudale, ce qui a perturbé la croissance de cette dernière et lui donne un aspect crochu, la queue étant recourbée vers le haut. Au contraire, dans la grande majorité des cas, chez les larves élevées à 23 °C et qui, au stade 30, présentaient le même phénotype caractéristique que les embryons élevés à 12 °C, la croissance rectiligne de la queue n’a pas été perturbée par la suite, bien que des cloques d’ascite beaucoup moins importantes se rencontrent encore assez souvent dans la partie dorsale de la nageoire caudale. Mais, à cette température plus élevée, l’ascite n’a pas tendance à se localiser dans la queue au cours du développement; l’accumulation de liquide est en revanche beaucoup plus importante dans l’abdomen et la région cardiaque, s’accentuant au cours des stades tardifs du développement (Fig. 2).

Fig. 2.

(A). Larve ac/ac au stade 36, élevée à 12 °C et présentant le phénotype prédominant à cette température. La morphologie céphalique est normale ou subnormale. Noter la position dorsale de la cloque d’ascite et la courbure caractéristique de la queue (G × 8). (B). Larve acjac au stade 36, élevée à 23 °C, présentant le phénotype prédominant à cette température. Microcéphalie, branchies réduites, ascite abdominale et cardiaque très importantes, mais queue rectiligne (G × 8).

Fig. 2.

(A). Larve ac/ac au stade 36, élevée à 12 °C et présentant le phénotype prédominant à cette température. La morphologie céphalique est normale ou subnormale. Noter la position dorsale de la cloque d’ascite et la courbure caractéristique de la queue (G × 8). (B). Larve acjac au stade 36, élevée à 23 °C, présentant le phénotype prédominant à cette température. Microcéphalie, branchies réduites, ascite abdominale et cardiaque très importantes, mais queue rectiligne (G × 8).

(B) Expériences faisant intervenir un seul changement de la température d’élevage

Les résultats peuvent être consultés dans les Tableaux 3 et 4; le pourcentage trouvé (pour chaque caractère et chaque stade de changement) est accompagné de la valeur ± 2σ ce qui nous permet d’obtenir rapidement les limites inférieure et supérieure de son intervalle de confiance au seuil de risque P 0,05.

Tableau 3.

Résultats des expériences de changement de la température d’élevage de 12 à 23 °C

Résultats des expériences de changement de la température d’élevage de 12 à 23 °C
Résultats des expériences de changement de la température d’élevage de 12 à 23 °C

Rappelons que les pourcentages inscrits dans ces tableaux ont été comparés aux pourcentages obtenus chez les groupes-témoins. Ces comparaisons nous ont permis de faire une analyse globale du phénotype de chaque groupe, ainsi qu’une analyse des différents caractères.

(1) Changements de 12° à 23 °C
(a) Analyse globale du phénotype

Lorsqu’un changement de ce type est effectué aux stades 13, 15 ou 16 (début de la neurulation), le phénotype des larves aux stades 37–38 est identique à celui des témoins élevés à 23 °C, excepté parfois pour la nageoire caudale lorsque le choc thermique intervient aux stades 15 ou 16, stades pour lesquels la fréquence des individus à queue recourbée est plus élevée que chez lesdits témoins.

Au contraire, le phénotype des larves exposées à la température de 23 °C à partir du stade 26, correspond à celui des témoins élevés à 12 °C; seul, le nombre de larves ne présentant pas d’érythrocytes branchiaux diffère significativement: on remarque en effet que, dans ces conditions, deux fois plus de larves sont totalement anémiques (36,5 % au lieu de 18, 2 %).

Enfin, les embryons soumis au transfert entre les stades 16 et 26, présentent un phénotype ne pouvant être assimilé globalement, par l’ensemble des caractères considérés, à aucun des groupes-témoins.

(b) Analyse des différents caractères
(α) Microcéphalie (1) et absence d’érythrocytes branchiaux (2)

Ces caractères évoluent de façon parallèle si l’on considère les stades successifs de changement. Si ce dernier intervient:

  • Avant le stade 18:1a quasi-totalité des larves sont fortement microcéphales et les érythrocytes au niveau des branchies sont presque toujours absents, comme chez les témoins élevés à 23 °C.

  • Au stade 18:les pourcentages des anomalies précitées, 1 (77,1 %) et 2 (66 %), sont inférieurs à ceux du groupe-témoin élevé à 23 °C.

  • Aux stades 20 et 21 (achèvement de la neurulation) : les fréquences redeviennent comparables à celles des témoins élevés à 23 °C.

  • Aux stades 22 et 23 (jeune bourgeon caudal) : les jeunes larves ne sont semblables ni à la population des témoins élevés à 23 °C ni à celle des témoins élevés à 12 °C. Le pourcentage d’animaux présentant les anomalies étudiées est intermédiaire entre ceux des populations citées.

  • Au stade 24:1a moitié des individus environ présentent des anomalies céphaliques, tels des témoins élevés à 18 °C; ces anomalies sont toutefois moins accentuées que dans les cas précédents. La fréquence des larves anémiques (38,6 %) a diminué également par rapport aux expériences précédentes: elle est inférieure à celle de la population des témoins élevés à 18 °C (54,8 %), mais supérieure toutefois à celle du groupe-témoin élevé à 12 °C (18,2 %).

  • Au stade 26 (contractions musculaires): la morphologie céphalique est alors normale dans 82,3 % des cas, comme chez le groupe-témoin élevé à 12 °C. Par contre, la fréquence des individus chez lesquels on n’observe pas d’érythrocytes branchiaux est double de celle observée chez lesdits témoins.

    Ainsi, si la durée du séjour à température basse a été suffisante pour empêcher l’aggravation des anomalies céphaliques, il n’en a pas été de même pour l’anémie.

(β) Ascite caudale (3) et croissance anormale de la queue (4)

(Fig. 3). Nous avons déjà mentionné la relation qui existe entre ces deux caractères lors de la description des groupes-témoins (Beetschen, 1971). Rappelons brièvement que la (ou les) cloque(s) d’ascite se localise(nt) dans la negeoire caudale, en position dorsale sub-terminale; la taille de la (ou des) cloque(s) n’a qu’une importance relative.

Fig. 3.

Pourcentages (en ordonnées) de queues anormales observés, lors des transferts de 12 à 23 °C (courbe T) et de 23 à 12 °C (courbe TT), aux différents stades de changement (en abcisses). • et ▵, Valeurs obtenues avec leur intervalle de confiance 1 ; les limites supérieures des différents intervalles de confiance ont été reliées, de même que les limites inférieures. Les limites inférieure et supérieure de l’intervalle de confiance de chacun des trois pourcentages des groupes-témoins à 23, 18 et 12 °Csont représentées par deux traits continus horizontaux.

Fig. 3.

Pourcentages (en ordonnées) de queues anormales observés, lors des transferts de 12 à 23 °C (courbe T) et de 23 à 12 °C (courbe TT), aux différents stades de changement (en abcisses). • et ▵, Valeurs obtenues avec leur intervalle de confiance 1 ; les limites supérieures des différents intervalles de confiance ont été reliées, de même que les limites inférieures. Les limites inférieure et supérieure de l’intervalle de confiance de chacun des trois pourcentages des groupes-témoins à 23, 18 et 12 °Csont représentées par deux traits continus horizontaux.

Nous allons donc analyser l’évolution de ces deux caractères de pair, étant donné que le second est la conséquence du premier.

Lorsque le transfert à 23 °C est effectué :

  • Au stade 13: les individus réagissent comme des témoins élevés à 23 °C en ce qui concerne la morphologie caudale; 19,5 % d’entre eux seulement ont une queue recourbée.

  • Aux stades 15 ou 16: l’analyse statistique, d’après le groupage effectué, identifie les larves à la population des témoins élevés à 18 °C.

    En réalité, le pourcentage d’individus présentant une queue anormale varie selon la série considérée.

    Ainsi, pour cinq séries étudiées, deux d’entre elles (soit 121 larves) ont réagi comme le groupe-témoin élevé à 23 °C; deux autres (121 larves également) comme le groupe-témoin élevé à 18 °C et la dernière (63 larves) comme le groupe-témoin élevé à 12 °C.

    Ces résultats s’expliquent par une sensibilité plus ou moins précoce selon les individus des differentes séries et cette différence d’expressivité est caractéristique d’une phase sensible.

  • Au stade 18 ou à un stade ultérieur: la fréquence des larves à queue anormale est semblable à celle des témoins élevés à 12 °C.

(γ) Ascite cardiaque (5) et ascite abdominale (6) (Fig. 4). Quand le choc thermique intervient

  • Aux stades 13 ou 15: le pourcentage des larves qui manifestent des troubles physiologiques responsables des anomalies citées, est comparable à celui des témoins élevés à 23 °C.

  • Au stade 16: la fréquence des germes fortement ascitiques dans la région abdominale est même supérieure (98,8 %) à celle trouvée pour les témoins élevés à 23 °C (Ho rejetée, ε = 2,76).

  • Au stade 18: la proportion de mutants dont l’abdomen est empli de liquide est alors inférieure (85,4 %) à celle que l’on observe lorsque le développement se déroule constamment à 23 °C (Ho rejetée, ε = 3,25).

  • Au stade 20 : ce pourcentage redevient comparable à celui du groupe-témoin élevé à 23 °C, ce qui implique l’existence de fluctuations entre les stades 15 et 20 de la neurulation, comme pour les caractères 1 et 2.

  • Aux stades 21, 22 ou 23: les larves ne sont semblables ni à la population des témoins élevés à 18 °C, ni à celle des témoins élevés à 23 °C (voir Fig. 3).

  • Au stade 24: les résultats obtenus ne sont pas homogènes; les pourcentages relatifs à l’ascite cardiaque et à l’ascite abdominale, trouvés pour deux séries (soit 104 larves) sont analogues à ceux que l’on observe chez le groupe-témoin élevé à 12 °C; les deux autres séries ont réagi comme des témoins élevés à 18 °C. Rappelons que sur la Fig. 4, seule la moyenne pondérée correspondant au groupe étudié (12°—st. 24→23°) a été reportée.

    Nous pensons donc que le stade 24 est un stade critique pour la détermination de l’ascite cardiaque et abdominale au même titre que les stades 15 ou 16 le sont pour la morphologie caudale.

  • Au stade 26 : un mutant sur cinq environ manifeste les anomalies 5 et 6, mais la quantité de liquide est généralement faible.

    On note par ailleurs un phénomène curieux : la fréquence des larves présentant de l’ascite dans l’abdomen est significativement plus faible que celle observée chez les témoins les moins anormaux, ceux élevés constamment à 12 °C (Ho rejetée, ε = 2,98).

Fig. 4.

Pourcentages d’ascite abdominale observés aux différents stades de changement. Mêmes conventions que pour la Fig. 3.

Fig. 4.

Pourcentages d’ascite abdominale observés aux différents stades de changement. Mêmes conventions que pour la Fig. 3.

Ainsi le passage à 23 °C, température qui aggrave normalement le syndrome, semble rétablir chez la plupart des individus une physiologie quasi-normale ; ce phénomène est particulièrement surprenant.

(2) Changements de 23 à 12 °C
(a) Analyse globale du phénotype

Lorsque les embryons sont soumis à l’action du froid avant le stade 17 (convergence des bourrelets neuraux), le phénotype des larves au stade 38 est similaire à celui des témoins élevés à 12 °C. II faut noter toutefois que la fréquence des individus présentant l’anomalie caudale est plus faible que chez lesdits témoins. Nous retrouvons là un phénomène complémentaire de celui que l’on observe dans les expériences faisant intervenir un changement de 12 à 23 °C aux mêmes stades. Si nous faisons intervenir le choc thermique à partir du stade 17, les larves présentent un phénotype ne pouvant être assimilé globalement à celui d’aucune des populations-témoins.

(b) Analyse des différents caractères
(α) Microcéphalie (1) Lorsque le changement à 23 °C intervient
  • Avant le stade 18:1a microcéphalie se manifeste avec une fréquence analogue à celle des témoins élevés à 12 °C.

  • Entre les stades 17 et 26: les pourcentages respectifs de larves microcéphales observés, ne permettent pas d’assimiler les individus de ces divers groupes à l’une destrois populations-témoins. On remarque (voir Tableaux 2 et 3) que ces fréquences sont intermédiaires entre celles des populations-témoins élevées à 18 et à 12 °C (exception faite pour la série 23°—st. 23→12° qui a été particulièrement sensible à l’effet de la chaleur).

  • Au stade 26: 48,8 % des larves sont microcéphales. Les individus ont donc réagi comme si leur développement s’était constamment déroulé à 18 °C.

(β) Absence d’érythrocytes branchiaux (2)

Comparée à celle des populations-témoins, l’évolution de cette anomalie est sensiblement identique à celle de la microcéphalie.

Il est intéressant de noter que la fréquence des larves totalement anémiques observée pour le groupe 23°—st. 26→12°, est semblable à celle du groupe-témoin élevé à 23 °C. En d’autres termes, tout se passe pour ce caractère comme si le transfert à basse température n’avait pas eu lieu.

(γ) Ascite caudale (3) et croissance anormale de la queue (4) (Fig. 3). Si le choc thermique intervient
  • Au stade 13 : la fréquence des larves à queue recourbée est identique à celle des témoins élevés à 12 °C.

  • Aux stades 15, 16 ou 17: le phénotype caudal varie selon le stade et la série considérés. Le pourcentage d’individus à queue anormale est inférieur à celui que l’on observe lorsque les germes effectuent tout leur développement à 12 °C.

  • Aux stades 18, 19 ou 20: le nombre de larves présentant de l’ascite dans la nageoire caudale est semblable à celui des témoins élevés à 23 °C.

Cela ne veut pas dire que la position des cloques est forcément la même; c’est ce qui explique d’ailleurs que l’anomalie morphologique de la queue soit dans l’ensemble plus fréquente, lorsque les embryons sont transférés à basse température aux stades 18, 19 ou 20, que lorsque les individus se développent constamment à 23 °C. Le résultat détaillé des expériences va permettre de mieux préciser ces données.

Le changement 23°—st. 18→12° a concerné six séries: deux d’entre elles, soit 149 larves, ont réagi comme le groupe-témoin élevé à 23 °C (voir Tableau 2), deux autres (151 larves) comme le groupe-témoin élevé à 18 °C; pour les deux dernières (152 larves), les fréquences obtenues sont intermédiaires entre celles des deux groupes-témoins précités. Si l’expérience a lieu au stade 19 ou au stade 20, les résultats sont exactement les mêmes.

Rappelons que lors d’un changement de 12 à 23 °C, aux stades 18, 19 ou 20, la fréquence des larves à queue anormale obtenues était analogue à celle du groupe-témoin correspondant à la première température d’élevage.

Ici, le phénomène est plus complexe, et les individus à queue recourbée sont plus nombreux que dans le groupe-témoin élevé à 23 °C. Le froid peut donc encore agir sur la croissance caudale après le stade 20, alors que la chaleur n’avait pas d’effet correcteur sur cette croissance quand le développement s’était poursuivi au froid jusqu’à ce stade.

  • Après le stade 20: la fréquence des larves à morphologie caudale anormale est très faible et très inférieure (sauf quand le choc a lieu au stade 22) à celle du groupe-témoin à 23 °C. Ce fait est particulièrement surprenant puisque, en d’autres termes, le changement de température permet d’obtenir une croissance caudale beaucoup plus normale que si le développement s’était déroulé constamment à 23 °C.

Il en est de même pour l’ascite localisée dans la nageoire caudale: la majorité des larves (83 %) n’en présentent pas.

(δ) Ascite cardiaque (5) et ascite abdominale (6) (Fig. 4)

Que le développement se poursuive à 23° jusqu’aux stades 13, 15 ou 22, la fréquence de ces anomalies est semblable à celle du groupe-témoin élevé à 12 °C, excepté pour le caractère 6 lorsque le choc a lieu au stade 17 (ε = 2,61) et pour le caractère 5 quand le choc a lieu au stade 22 (ε = 2,85). Quand les germes évoluent à température élevée jusqu’aux stades 23, 24 ou 26, la valeur d’e nous indique que les larves ne peuvent être assimilées ni à la population des témoins élevés à 18 °C ni à celle des témoins élevés à 23 °C. Certaines d’entre elles subissent donc un effet tardif de la température la plus basse, que l’on peut qualifier de curatif.

Notons, ici encore, que pour le groupe 12°—st. 26→23°, nous avions observé un ‘phénotype 12°’, la chaleur n’ayant plus d’effet tardif sur les caractères considérés.

(3) Analyse des résultats obtenus avec les pontes d’une femelle donnée (cf. Tableau 5)

Nous analysons plus particulièrement ici les résultats trouvés pour les caractères 4, 5 et 6, l’expression de ces anomalies étant très différente à 12 et à 23 °C.

Tableau 5.

Résultats des diverses expériences faites avec les pontes d’une même femelle ( ♀ H-68-9)

Résultats des diverses expériences faites avec les pontes d’une même femelle ( ♀ H-68-9)
Résultats des diverses expériences faites avec les pontes d’une même femelle ( ♀ H-68-9)

Les fréquences obtenues dans les expériences faisant intervenir un choc thermique, sont comparées avec celles observées:

  • d’une part, chez les séries-témoins de ladite femelle (N3 et LO1) ;

  • d’autre part, chez les groupes-témoins (Tableau 2) ;

  • enfin, chez les groupes 12°→23° (Tableau 3) et 23°→12° (Tableau 4) aux stades correspondants.

Tableau 4.

Résultats des expériences de changement de la température de 23 à 12 °C

Résultats des expériences de changement de la température de 23 à 12 °C
Résultats des expériences de changement de la température de 23 à 12 °C

Ces séries de pontes d’une même femelle permettent d’étudier sur un matériel génétiquement aussi homogène que possible, les variations dues aux diverses expériences et de montrer leur réalité en dehors de tout groupage de séries issues de femelles différentes.

(a) Changements de 12 à 23 °C

(α) Croissance anormale de la queue (4)

La fréquence des larves à queue recourbée obtenues pour la série I3–1 est analogue à celle observée d’une part pour la série LO1 (témoins élevés à 23 °C), d’autre part pour le groupe-témoin élevé à 23 °C (Table 2) ainsi que pour le groupe 12°—st. 13 →23° (Table 3). Pour le changement 12°—st. 16→23°, les résultats de la série N3–1 sont semblables à ceux de la série I3–1. Mais nous avons noté qu’une autre série issue d’une autre femelle et soumise à un traitement identique a réagi comme le groupe-témoin élevé à 12 °C. Nous avons interprété cette différence d’expressivité comme étant caractéristique d’un stade critique.

Au contraire, si les embryons se développent au froid jusqu’au stade 22 ou 23, le pourcentage d’individus à morphologie caudale anormale est analogue à celui de la série N3 ainsi qu’à celui du groupe-témoin élevé à 12° (Table 2, voir aussi Table 3).

Enfin, si nous considérons le pourcentage de larves à queue recourbée de la série O3, nous constatons qu’il est supérieur à celui de la série-témoin N3(12 °C). La même remarque peut être faite après comparaison du groupe complet 12°—st. 24→23° avec le groupe-témoin élevé à 12 °C, bien que la différence soit, dans ce cas, moins importante.

(β) Ascite cardiaque (5) et ascite abdominale (6)

Que le développement à 12 °C se poursuive jusqu’au stade 13, 16, 22 ou 23, la fréquence des larves fortement ascitiques dans les régions cardiaque et abdominale est analogue à celle de la série-témoin LOi (23 °C) ainsi qu’à celle du groupe-témoin élevé à 23 °C; elle est cependant quelque peu différente de celle obtenue pour les groupes 12°—st. 22 ou 23→23°.

Par contre si les germes évoluent à 12 °C jusqu’au stade 24 (O3–1) les pourcentages des anomalies 5 et 6 sont identiques à ceux de la série N3 de même qu’à ceux du groupe-témoin élevé à 12 °C.

Nous avons déjà signalé que le groupe 12°—st. 24→23° est hétérogène, et que deux séries sur les quatre analysées ont réagi comme le groupe-témoin élevé à 12 °C.

(b) Changement de 23 à 12 °C

(α) Croissance anormale de la queue (4)

La fréquence de cette anomalie dans la série est significativement différente de celle des séries N3 (12 °C) et LO1(23 °C) ainsi que de celle des groupes-témoins élevés à 12 °C et à 23 °C.

Lorsque nous avons analysé les résultats du groupe 23°—st. 19→12°, nous avons mentionné que l’anomalie caudale se manifeste avec des fréquences variables selon la série considérée, et que parmi les trois séries analysées, deux d’entre elles ne peuvent être assimilées ni à la population des témoins élevés à 12 °C ni à celle des témoins élevés à 23 °C.

Pour la série L3–1, le nombre de larves ne présentant pas d’anomalie caudale est très supérieur à celui de la série témoin LO1 (23 °C). Une remarque analogue a été faite lors de la comparaison du groupe 23°—st. 24→12° avec le groupe-témoin à 23 °C.

(β) Ascite cardiaque (5) et abdominale (6)

La série l1–3 a réagi d’une part comme la série-témoin N3 (12 °C), d’autre part, comme le groupe-témoin élevé à 12 °C, ainsi que comme le groupe 23°—st. 19→12°.

Les résultats de la série L1–3, concordent avec ceux obtenus pour le groupe 23°—st. 24→12°.

Ici encore, au même titre que le groupe 23°—st. 24→12° diffère des groupes-témoins à 12 °C et à 23 °C, la série L1–3 diffère également des séries-témoins à 12 °C (N3) et à 23 °C (LO1) provenant de la même femelle.

(c) Conclusion

Les séries réalisées à partir des pontes de la $ H-68-9 ont fourni des résultats comparables à ceux qui se dégagent de l’étude faite sur l’ensemble des femelles (18 ♀ ♀ au total). Une analyse semblable a été entreprise pour chacune de ces femelles. Elle nous a montré que, si les pourcentages des phénotypes observés après un traitement thermique donné, peuvent varier d’une femelle à l’autre (indépendamment de la lignée à laquelle elles appartiennent, qu’elle soit consanguine ou non) et d’une ponte à l’autre (même quand celles-ci sont issues d’une même femelle), les variations observées ne sont cependant pas quelconques: on obtient toujours, par exemple, une majorité d’individus ayant soit une queue recourbée après élevage en eau froide, soit une queue rectiligne après élevage en eau plus chaude.

(4) Discussion

Les expériences de changement de la température d’élevage à des stades variés du développement embryonnaire nous ont ainsi permis de montrer qu’il existe des stades au cours desquels un changement de température entraîne des modifications du phénotype chez les mutants ac/ac, et des stades critiques après lesquels ces modifications n’interviennent plus.

Ainsi, lorsque un transfert de 12 à 23 °C intervient au stade 18 ou à un stade ultérieur, il n’est plus possible de modifier la morphologie ultérieure de la queue, qui sera courbée vers le haut. Nous avons également mis en évidence une différence d’expressivité de la mutation lorsque le choc thermique a lieu aux stades 15 et 16.

La détermination de la position plus ou moins antérieure des cloques d’ascite, responsable d’une croissance normale ou anormale de la queue, varie suivant les individus entre le stade 15 et le stade 18 de la neurulation.

Cependant, dans les expériences complémentaires, c’est-à-dire pour les changements de 23 à 12 °C, la période thermosensible semble plus allongée et se situer entre les stades 15 et 21. Insistons sur le fait que l’anomalie de la queue s’exprime dans les conditions naturelles, et que pour ce caractère la température élevée à un effet curatif. On peut dès lors concevoir que la guérison des germes soit un phénomène plus lent à obtenir.

En ce qui concerne les troubles physiologiques, aboutissant notamment à l’accumulation de liquide dans la région cardiaque et dans l’abdomen, nous avons montré que ces derniers surviennent quand les embryons sont soumis à la température la plus élevée jusqu’aux stades 24 ou 26.

Ainsi, avant même que l’organogenèse ne soit achevée, sont réalisées les conditions déterminant des perturbations de la physiologie ultérieure de l’animal, même si celui-ci vit désormais à température basse.

L’ensemble des résultats obtenus nous permet, en outre, de supposer que la température la plus basse a une action prépondérante précoce, non seulement sur la morphologie de la queue, mais aussi sur la morphologie céphalique. En effet, si la chaleur paraît n’avoir aucune action correctrice sur le futur phénotype caudal à partir du stade 18 (voir 12°—st. 18 à st. 26→23°), il semble par contre que le froid puisse encore modifier le phénotype ultérieur de certains mutants au stade 20 (voir 23°—st. 20→12°). De même, si les futures anomalies 7, 5 et 6 (microcéphalie, ascite cardiaque et ascite abdominale) ne sont plus accentuées par la chaleur après le stade 26 (voir 12°—st. 26→23°, le pourcentage de larves présentant ces anomalies est analogue à celui du groupe-témoin à 12°), le froid semble encore avoir une action bénéfique après ce stade : la fréquence des larves manifestant les anomalies citées est inférieure à celle du groupe-témoin maintenu à 23 °C (voir 23°—st. 26→12°).

Au contraire, la température la plus élevée (23 °C) semble avoir un rôle plus important que celui de la température la plus basse, en ce qui concerne les anomalies circulatoires. Nous avons vu en effet (23°—st. 26→12°) qu’après le stade 26, le froid ne peut plus empêcher la future anémie de se manifester; la chaleur semble, par contre, avoir une action nocive après ce stade (se référer au groupe 12°—st. 26→23°, où la fréquence des individus totalement anémiques est le double de celle observée chez le groupe-témoin élevé à 12 °C).

(1) Changements de 12 à 23 °C et à 12 °C

Ces résultats sont résumés dans le Tableau 6.

Tableau 6.

Résultats des expériences de double changement de température de 12 à 23 °C et à 12 °C

Résultats des expériences de double changement de température de 12 à 23 °C et à 12 °C
Résultats des expériences de double changement de température de 12 à 23 °C et à 12 °C

(a) Première expérience: 12°—st. 20→23°—st. 24→12°

Les larves observées présentent le plus souvent une morphologie céphalique normale, leurs branchies ne sont que très rarement atrophiées (3 %) et sont même normales ou subnormales chez 40 % d’entre elles. Généralement l’ascite ne perturbe pas la morphologie des animaux car, lorsqu’elle est présente dans la région cardiaque et l’abdomen (15 % des cas), l’accumulation de liquide y est faible. Quant au phénotype de la queue, il est normal pour la quasi-totalité des individus. Précisons enfin que l’ascite se restreint à de toutes petites cloques ou de simples traces dans la nageoire.

Cette série s’avère donc particulièrement intéressante : les caractères spécifiques de la mutation ont disparu, après l’éclosion, dans la majorité des cas et, dans l’ensemble, les individus sont moins anormaux que les témoins les moins anormaux (ceux du groupe élevé à 12 °C).

(b) Deuxième expérience: 12°—st. 21 →23°—st. 26→12°

Les individus ayant subi un tel traitement ne sont assimilables à aucune des populations-témoins.

En fait, si le pourcentage de larves microcéphales n’est pas significativement différent de celui du groupe-témoin élevé à 12 °C (ε = 1,24), les larves totalement anémiques sont beaucoup plus nombreuses (deux-tiers des cas). Par contre la morphologie caudale est normale chez la majorité des individus, comme chez le groupe-témoin élevé à 23 °C (ε = 1,78). Notons enfin que la fréquence des mutants présentant de l’ascite dans la région ventrale est intermédiaire entre celles des deux populations-témoins élevées à 12 et à 23 °C.

(c) Troisième expérience: 12°—st. 22—>23°—st. 26->12°

Il est intéressant de constater que la proportion de larves totalement anémiques, chez lesquelles aucun érythrocyte ne circule dans les branchies, est semblable à celle relevée pour le groupe 12°—st. 22→23°. Tout se passe donc comme si le retour à 12 °C n’avait pas eu lieu ou, en d’autres termes, comme si le froid n’exerçait aucune action correctrice vis-à-vis de cette anomalie après le stade 26. Ceci est tout-à-fait en accord avec ce que nous avons remarqué précédemment pour les expériences ne faisant intervenir qu’un seul choc thermique.

Les cloques présentes dans la nageoire sont de petite taille et les anomalies caudales sont moins fréquentes que chez les témoins les moins anormaux (9,6 % contre 18,4 % chez le groupe-témoin élevé à 23 °C).

(d) Quatrième expérience: 12°—st. 23 →23°—st. 26→12°

La fréquence des larves anémiques (46 %) est significativement plus faible que celle de la série 12°—st. 21→23°—st. 26→12° (66 %), où le séjour à 23 °C commençait plus tôt (ε= 2,5).

11 faut remarquer, ici encore, que la morphologie caudale n’a pas été affectée par le séjour initial à 12 °C. C’est pourquoi le résultat obtenu (16 % de larves à queue anormale) est paradoxal comparé à celui du groupe 12°—st. 23→23° où 79,2 % des individus présentaient l’anomalie.

(2) Changements de 23 à 12 °C et à 23 °C

Quatre expériences de ce type ont été réalisées: le transfert de 23 à 12 °C a été effectué au stade 19, 20, 21 ou 22 selon la série, mais le deuxième choc thermique a toujours eu lieu au stade 26.

Les résultats obtenus sont plus homogènes que ceux des expériences précédentes, bien que le nombre de larves observées dans chaque série soit peu élevé. Nous avons constaté que, quelle que soit la durée du séjour à 12 °C, les animaux observés au stade de la prise de nourriture, se présentent globalement comme s’ils avaient constamment évolué à 18 °C, ce qui exprime l’action temporaire du froid sur un développement se déroulant dans l’ensemble à 23 °C.

Ainsi un séjour à 12 °C entre les stades 19 et 26 suffit pour accroître considérablement le pourcentage d’anomalies de la croissance caudale par rapport au groupe-témoin élevé à 23 °C. La fréquence des individus à queue recourbée (50 % des cas environ) est également supérieure à celles observées chez des embryons qui subissent uniquement le premier choc thermique (voir les résultats des groupes 23°—st. 19 à 22→12°, Table 4). Tout se passe donc comme si le retour à 23 °C au stade 26 renforçait les effets du froid au lieu de les atténuer.

Mentionnons d’autre part que le pourcentage d’animaux présentant les anomalies 5 et 6 est supérieur à celui que l’on obtient quand le deuxième changement de la température n’intervient pas. L’ascite cardiaque et abdominale est toutefois moins fréquente que chez les germes élevés en permanence à 23 °C. Le séjour à 12 °C présente donc à cet égard une action préventive sur un certain nombre d’individus.

L’anémie est également moins fréquente que dans le groupe-témoin élevé à 23 °C, mais elle reste significativement plus élevée que dans les groupes 23°—st. 19 à 22→12°.

Ici encore, les premiers stades postérieurs à la neurulation semblent donc thermosensibles, ce qui rejoint les observations faites à l’occasion des doubles changements 12°→23°→12°.

(3) Discussion

Lorsque nous avons entrepris les expériences de double changement de la température d’élevage, notre but était de savoir si chaque choc a des effets indépendants (ou non) de celui qui le suit ou qui l’a précédé.

Pour essayer d’élucider ce problème, nous nous sommes basés sur les résultats des expériences faisant intervenir un seul choc thermique, et avons choisi les stades de changement en conséquence.

Rappelons que la période thermosensible pour la morphologie caudale se situe pendant la neurulation, entre les stades 15 et 18 (cf. expériences 12°->23°) ou 15 et 21 (cf. 23°→12°) selon le type de traitement; en ce qui concerne le fonctionnement physiologique global apprécié par la présence d’ascite, la période comprise entre les stades 24 et 26 s’avère également critique.

Ainsi, le premier choc thermique devait nous permettre de vérifier si la position de la cloque d’ascite était réellement déterminée, et le deuxième, si la détermination de l’apparition de l’ascite cardiaque et abdominale était définitive.

L’interprétation des résultats a été faite par comparaison avec les groupes-témoins et avec les expériences faisant intervenir un seul changement de la température d’élevage à un stade correspondant.

(a) Morphologie caudale

Pour les changements 12° →23°→12°, le premier choc a toujours eu lieu à un stade postérieur à la période sensible précédemment mise en évidence. Dès lors, nous nous attendions à trouver un phénotype caudal correspondant au premier choc thermique, comme pour les groupes 12°—st. 20 à 23→23°. Les résultats obtenus sont tout-à-fait différents. Dans tous les cas, le traitement initial à 12 °C ne paraît avoir eu aucun effet sur la morphologie ultérieure. La croissance caudale est en réalité beaucoup moins anormale; la chaleur exerce donc un effet curatif.

Ainsi, les mutants de la première série (Table 6) réagissent comme ceux du groupe 23°—st. 24→12° (second choc thermique), et pour les germes ac/ac des deuxième, troisième et quatrième séries, tout se passe même comme si leur développement s’était déroulé constamment à 23 °C.

Pour les changements 23°→12° →23°, les phénotypes de la queue correspondent à ceux que l’on observe lorsque les individus évoluent constamment à 18 °C. Ici encore, les résultats semblent contradictoires avec ceux des groupes 23°→12° aux stades correspondants (premier choc thermique), comme nous l’avons dit précédemment.

Si on effectue un seul changement de température, les effets de la deuxième température paraissent nuis après un certain stade, que nous pouvons fixer approximativement autour du stade 20. Mais si on revient à la température initiale vers les stades 24–26, tout se passe comme si ce deuxième traitement annulait les effets du premier. On constate alors que, pour des germes se développant à 12 °C puis à 23 °C, le retour au froid permet aux effets de la chaleur de se manifester et même de se renforcer. Inversement, pour des germes qui se développent à 23 °C puis à 12 °C, le retour à 23 °C permet aux effets du froid de se manifester. Rappelons que les effets respectifs du froid et de la chaleur sont définis par le phénotype caudal largement dominant soit chez les témoins maintenus constamment à 12 °C, soit chez ceux élevés en permanence à 23 °C.

Cet ensemble de résultats nous permet seulement de supposer que si la détermination de la position de la cloque d’ascite dans la nageoire est stabilisée à un stade précoce (en fonction de la température d’élevage initiale), elle n’est pas pour autant irréversible, jusqu’à un stade un peu plus avancé où le bourgeon caudal est déjà nettement formé.

Cependant, cette constatation ne nous permet pas de comprendre pourquoi, lorsque nous effectuons un changement de la température d’élevage de 23 à 12 °C au stade 26, stade où le phénomène est le plus frappant, la fréquence des larves à queue normale (99,1 %) est très supérieure à celle que l’on observe chez les témoins élevés à 23 °C (81,6 %). On retrouve ici un phénomène paradoxal : le passage au froid régularise mieux la croissance caudale que ne peut le faire la chaleur seule, alors que, agissant plus tôt ou exclusivement, le froid entraîne au contraire des effets diamétralement opposés. Cette action s’exerce évidemment en premier lieu sur l’accumulation d’ascite dans l’épiderme caudal, mais ce phénomène physiologique obéit manifestement à un déterminisme d’allure assez déroutante.

Nous pouvons comparer une telle complexité à celle qui paraît présider au déterminisme de la différenciation des gonades chez les Drosophiles triploïdes intersexuées, étudiées par Laugé (1969). Des traitements à 30 °C pendant 24 h provoquent une féminisation des gonades lorsqu’ils sont appliqués au moment de la vie embryonnaire et, pour l’une des deux souches utilisées (la souche principale) également à la fin de la vie pupale. L’auteur n’avance pas d’hypothèse permettant d’interpréter l’augmentation de la fréquence des individus à ovaires au cours de la phase pupale, puisque ‘la détermination des gonades semble très tôt définitive (premières divisions nucléaires)’. Ici aussi une détermination précoce semble sujette à des exceptions.

(b) Ascite caudale

Elle est le caractère le plus spécifique de la mutation, et nous venons de voir que son accumulation obéit à un déterminisme très complexe.

Nous avons noté qu’il n’existe pas de rapport étroit entre l’aspect de la queue et l’importance quantitative des cloques ; c’est la position de ces dernières qui semble avoir le rôle le plus important et qui est modifiée par la température. Nous avons cependant remarqué que le caractère est presque inexistant chez les 19 % de larves qui en sont atteintes dans la série 12°—st. 20→23°—st. 24→12°, de même que chez les 17 % de larves du groupe 23°—st. 26→12°.

La physiologie des mutants semble donc pouvoir subir des effets correcteurs poussés de la part des changements de température.

(c) Microcéphalie, anémie, ascite cardiaque et ascite abdominale

Ces caractères s’avèrent n’être que des conséquences secondaires de la mutation. On observe d’ailleurs de tels syndromes chez les mutants r/r et cjc d’Axolotl (Humphrey, 1964, 1972).

La fréquence des larves totalement anémiques augmente lorsque la durée du séjour à 23 °C après la neurulation s’accroît. La différence observée est en effet significative si l’on compare les résultats des séries
Il en est de même dans les expériences complémentaires:
Ces observations sont également valables pour les anomalies céphaliques.

En ce qui concerne l’ascite cardiaque et abdominale, les fréquences obtenues lors des expériences 23° →12°→23° sont supérieures à celle des groupes 23°—st. 19 à 22→12° et 12°—st. 26→23° mais inférieures à celle des témoins à 23 °C. Le séjour à température basse entre les stades 19 et 26 diminue donc la gravité de l’ascite ultérieure.

Corrélativement, les pourcentages de ces anomalies dans les expériences complémentaires 12° →23°→12° sont inférieurs à ceux que l’on observe pour les groupes 12°—st. 20 à 23→23° et 23°—st. 24 ou 26 →12°, mais supérieurs à ceux des témoins maintenus constamment à 12 °C, sauf pour la première série. La chaleur joue donc un rôle entre les stades 20 et 26 en favorisant l’apparition ultérieure d’ascite.

Ainsi, la conclusion que nous avons tirée après les expériences 23°→12° et 12°→23° se trouve donc précisée.

Il faut souligner que les résultats de la série 12°—st. 20→23°—st. 24→12° sont particulièrement intéressants, car les caractéristiques essentielles de la mutation ont disparu chez la majorité des larves.

Dès lors, l’idée d’une guérison possible des germes par un traitement thermique approprié (par exemple 12°—st. 18→23°—st. 24→12°) n’est pas à écarter.

Le phénotype des mutants ac/ac varie selon le type de traitement thermique qu’ils ont subi et le stade de développement auquel il est appliqué.

Dans un premier temps, nous avons montré qu’il existe des phases thermosensibles entraînant des modifications du phénotype, grâce aux expériences faisant intervenir un seul changement de la température d’élevage, de 12 à 23 °C ou de 23 à 12 °C. La période au cours de laquelle il est possible de déterminer la morphologie ultérieure de la queue correspond à une grande partie de la neurulation (stades 15 à 18 ou 15 à 21 selon la température appliquée). Quand les germes sont soumis au changement de température après la neurulation, ils présentent aux stades 37–38 un phénotype caudal correspondant à celui qu’on observerait si on avait maintenu les embryons à la première température d’élevage pendant toute la durée de leur développement. La fréquence des larves à queue rectiligne dans le groupe transféré de 23 à 12 °C au stade 26, est même très supérieure à celle qu’on trouve pour les mutants témoins élevés ‘constamment à 23 °C: ce phénomène apparaît comme assez paradoxal, la température la plus basse ayant un effet inverse lorsqu’elle agit seule pendant tout le développement.

La localisation ou l’absence finales de la cloque d’ascite dans la nageoire caudale, responsables de la morphologie observée, semblent donc définitivement déterminées pendant la phase terminale de la neurulation. L’accumulation ou l’absence d’accumulation de liquide ascitique dans la cavité péricardique et l’abdomen paraissent de même être soumises à un déterminisme précoce, bien que plus tardif que le précédent, et ne pas dépendre de la température à laquelle vit l’embryon aux stades où le fonctionnement des appareils circulatoire et excréteur est pleinement assuré.

Mais, dans un deuxième temps, les résultats des expériences de double changement de température, qui avaient pour but d’éprouver l’indépendance des effets des deux chocs thermiques, ont démenti en partie ces conclusions. Nous sommes dès lors amenés à penser que, si la détermination précoce de la position de la cloque d’ascite est stable dans des conditions de température données, elle n’est pas pour autant irréversible. On observe ici des effets qu’on peut qualifier de paradoxaux, en attendant de leur trouver une explication satisfaisante.

Si la méthode des chocs thermiques appliqués à des mutants thermosensibles ‘permet de provoquer ou d’enrayer à volonté les effets de gènes léthaux et de dresser éventuellement la chronologie de leurs périodes d’action et de leurs conséquences sur le développement’, chez les microorganismes et la Drosophile (Fraser, 1970), les problèmes posés semblent donc moins faciles à résoudre quand on considère une mutation thermosensible semi-léthale chez un Vertébré.

La détermination embryonnaire, quand elle implique des processus d’ordre essentiellement physiologique, apparaît comme très complexe. Il reste en tout cas acquis que l’expression de diverses anomalies physiologiques chez les mutants ac/ac, à un stade avancé du développement, se trouve sous la dépendance de phénomènes qui se déroulent beaucoup plus tôt chez l’embryon et qu’on peut influencer de manière durable en modifiant la température à laquelle se développe celui-ci pendant une phase donnée.

Les effets anémiants d’une température élevée agissant aux premiers stades qui suivent la neurulation, c’est-à-dire lors de la formation de l’îlot sanguin, pourront en particulier faciliter l’étude expérimentale des manifestations de ce caractère. Des recherches antérieures ont déjà montré que cette anémie est transmissible par parabiose à des embryons normaux, soit de la même espèce, soit d’Axolotl, et qu’un facteur diffusible anti-érythrocytaire existe probablement chez les embryons mutants (Jaylet, Beetschen & Deparis, 1970; Fernandez & Beetschen, 1973).

  1. Chez le Pleurodèle, un fort pourcentage (79 %) de larves homozygotes ac/ac présentent au stade 38 (prise de nourriture) une queue recourbée par suite de la présence d’une cloque d’ascite dans la région dorsale de la nageoire, quand le développement embryonnaire s’est déroulé à 12 °C; 25 % environ d’entre elles sont affectées par de l’ascite abdominale et péricardique et environ 40 % peuvent se nourrir et survivre. Le phénotype larvaire est très différent quand le développement s’est effectué à 23 °C; dans ce cas, la croissance de la queue est normale, mais 95 % des larves sont léthales, en raison de l’accumulation de liquide ascitique dans la cavité abdominale et la région cardiaque, d’une forte anémie et de microcéphalie.

  2. L’échange de la plaque neurale postérieure et de l’épiderme dorso-latéral entre des neurulas normales et mutantes a montré que la localisation de la cloque dans la nageoire dorsale n’est pas la conséquence de propriétés intrinsèques des tissus mutants dorsaux, mais doit être considérée comme le résultat de troubles physiologiques généraux affectant l’organisme des mutants.

  3. On a effectué des expériences impliquant l’intervention d’un changement de température, de 12 à 23 °C ou de 23 à 12 °C, à divers stades du développement, de la fin de la gastrulation (st. 13) à l’apparition des contractions musculaires spontanées (st. 26). Quand le changement intervient après la fin de la neurulation (st. 21), le phénotype caudal est statistiquement semblable à celui de larves qui avaient été élevées en permanence à la première température utilisée. On a pu ainsi caractériser des phases thermosensibles, entre les stades 15 et 18 de la neurula (pour un passage de 12 à 23 °C) ou entre les stades 15 et 21 (pour un passage de 23 à 12 °C). De même, on peut induire l’apparition d’ascite abdominale quand on maintient les embryons à 23 °C jusqu’au stade 23 seulement (jeune bourgeon caudal); cette ascite survient au contraire beaucoup moins fréquemment quand on maintient les embryons à 12 °C jusqu’au stade 23 avant de les transférer à 23 °C.

  4. On a pu conclure de ces expériences que le phénotype caudal des mutants est déjà déterminé par la température pendant la neurulation, avant le stade 21. Néanmoins, des expériences de double changement de la température d’élevage ont démontré que le deuxième changement modifie les résultats que l’on devrait obtenir si le premier changement seulement avait été effectué. On a ainsi obtenu des résultats paradoxaux, plus de 90 % des phénotypes caudaux étant du type ‘chaud’ quand les embryons avaient d’abord été maintenus à 12 °C, puis à 23 °C entre les stades 22 et 26, puis de nouveau à 12 °C. Un tel traitement abaisse fortement le pourcentage de queues recourbées (‘type froid’) qui devrait être obtenu si les embryons ac/ac étaient maintenus en permanence à 23 °C après le stade 21, ce traitement plus long par la chaleur restant lui-même sans effet par comparaison avec les résultats obtenus quand le développement se déroule entièrement à 12 °C (queues recourbées prédominantes dans ce dernier cas).

    Donc, si on peut considérer que la détermination précoce de la position de la cloque caudale est un phénomène stable dans des conditions données de température, elle n’est pas pour autant irréversible.

  5. Par comparaison avec les larves élevées au froid, on a obtenu trois fois plus de larves ac/ac complètement anémiques (66 %) à partir d’embryons maintenus à 23 °C entre les stades 21 et 26, ce qui offre un moyen d’étude expérimentale de cette anémie.

  6. On suggère diverses implications de ces résultats pour l’analyse ultérieure de mutations thermosensibles chez les Vertébrés poïkilothermes.

Nous remercions vivement M. Le Professeur L. Bonnet, du Laboratoire de Biologie quantitative de l’Université Paul Sabatier, pour les conseils qu’il nous a aimablement fournis dans le choix des méthodes statistiques utilisées.

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