In vitro differentiation of cartilage from cephalic neural crest of Pleurodeles waltlii Michah

Parts of cephalic neural crest of Pleurodeles waltlii have been cultivated in vitro alone or in explants containing other cellular components. It was hoped that these experiments would establish under what conditions cephalic neural crest cells can differentiate into chondroblasts. It has been demonstrated that this differentiation is possible only under the influence of the dorsal mesoderm and foregut endoderm.

It appears that neural crest cells are relatively pluripotent and progressively differentiate in response to local environmental factors.

De nombreux travaux ont, après ceux de Raven réalisés de 1932 à 1937, démontré que la majeure partie du squelette céphalique des Amphibiens, et également d’autres Vertébrés, trouve son origine dans l’ectomésenchyme issu des crêtes neurales céphaliques. Parmi leurs auteurs on peut en particulier citer Hôrstadius & Sellman (1946), Wagner (1949), Okada (1955) et Chibon (1966). La technique utilisée est dans tous les cas la microchirurgie complétée dans le travail le plus récent par des marquages radioactifs.

D’autres auteurs ont cherché à étudier en culture de tissu la destinée d’explants de crête neurale, on peut citer Wilde (1955), Petriconi (1964) ainsi que Drews, Kocher-Becker & Drews (1972). Tous sont parvenus à la conclusion suivant laquelle la différenciation des cellules issues des crêtes neurales céphaliques se fait sous le contrôle d’autres structures qui interviennent dans des mécanismes complexes d’induction. Pour Wilde du cartilage se forme à partir de portions de crête neurale céphalique en présence d’endoderme mais aussi de mésoderme dorsal, au contraire pour Drews et al. seul l’endoderme est capable d’entraîner l’apparition de cartilage dans les cultures de crête neurale céphalique. Ces expériences ont donc été reprises en multipliant les recombinaisons tissulaires et en prélevant les explants chez des neurulas plus ou moins âgées.

Au cours de ces expériences des embryons de Pleurodeles waltlii Michah. aux stades 14 à 17 de la table de Gallien & Durocher (1957) ont été utilisés.

Après avoir été déganguées puis déchorionnées les neurulas sont placées pendant 30 min dans la solution de Holtfreter stérile à laquelle ont été ajoutées 10000 UI de pénicilline-streptomycine pour 100 ml.

Les prélèvements sont réalisés dans la solution de Holtfreter normale, puis les explants sont transportés dans du Holtfreter sans calcium où ils séjournent 8 à 10 min. Pendant ce temps ou isole les différentes catégories tissulaires les unes des autres à l’aide d’aiguilles constituées par un fil de platine.

Le milieu de Wolf & Quimby (1964), spécialement mis au point pour les cellules d’Amphibien, sert de base à la confection du milieu de culture utilisé ici et qui est constitué comme suit: 80% de milieu de Wolf & Quimby, 18% de plasma de Poulet, 2% de pénicilline-streptomycine.

Ce milieu remplit la dépression placée au centre d’une boîte en plastique. Sur cette dépression est posée la grille métallique qui supporte la pastille de papier filtre stérile sur laquelle on dépose la culture (Fig. 1).

Fig. 1

Vue en coupe d’une boîte en plastique utilisée pour la réalisation des cultures.

Fig. 1

Vue en coupe d’une boîte en plastique utilisée pour la réalisation des cultures.

Aux stades choisis les bourrelets médullaires sont bien soulevés dans toute la région céphalique et les portions de crêtes neurales peuvent donc être facilement isolées des tissus sous-jacents. Pour le repérage des zones à prélever j’ai utilisé le système de coordonnées définies par Chibon (1966). Sur chaque neurula j’ai excisé la crête neurale entre 30° et 150° (Fig. 2) c’est-à-dire sur toute la portion participant à l’édification du chondrocrâne de la larve. Suivant les expériences réalisées j’ai ajouté ou non aux portions de crête neurale, de l’ectoderme, du neurectoderme, du chordo-mésoderme ou de l’endoderme prélevés sur la même neurula. A ce stade la taille et la couleur des cellules permettent de repérer sans difficulté à quel feuillet elles appartiennent et donc d’avoir des explants dont la composition cellulaire est parfaitement connue.

Fig. 2

Schéma d’une neurula permettant de localiser la portion des crêtes neurales qui a été mise en culture.

Fig. 2

Schéma d’une neurula permettant de localiser la portion des crêtes neurales qui a été mise en culture.

La taille des cultures ayant une certaine importance pour leur bon développement j’ai pris soin qu’elle soit de même ordre dans tous les cas: pour les crêtes neurales cultivées seules j’ai associé les deux fragments prélevés sur une neurula, tandis que, lorsqu’il y avait recombinaison avec un autre tissu, j’ai utilisé un seul fragment de crête neurale associé à une portion à peu près équivalente d’ectoderme, de mésoderme ou d’endoderme.

Le plus souvent les cultures sont poursuivies 12 à 15 jours, cependant à titre expérimental quelques-unes ont été conservées plus de 3 semaines en parfait état.

Elles sont ensuite fixées dans le liquide de Rossmann et colorées soit par le bleu de toluidine à pH 4,2 soit par le PAS accompagné d’une coloration de fond par l’hémalun et le picro-indigo-carmin.

(1) Crête neurale céphalique seule (20 cultures)

Lorsque les portions de crête neurale céphalique sont cultivées seules, le prélèvement étant fait à n’importe quel moment entre les stades 14 et 17, on observe uniquement la présence dans la culture de cellules pigmentaires et de cellules mésenchymateuses indifférenciées d’aspect fibroblastique (Fig. 3).

Fig. 3

Coupe d’une culture comportant uniquement des cellules issues des crêtes neurales: seul du mésenchyme indifférencié (me) s’est formé, × 500.

Fig. 3

Coupe d’une culture comportant uniquement des cellules issues des crêtes neurales: seul du mésenchyme indifférencié (me) s’est formé, × 500.

(2) Crête neurale céphalique et ectoderme banal (10 cultures)

L’aspect de ces cultures diffère uniquement de celui des précédentes par la présence d’une assise de cellules épithéliales entourant le tissu mésenchymateux et les cellules pigmentaires.

(3) Crête neurale céphalique et neurectoderme de la plaque médullaire (10 cultures)

Dans ce type de culture on voit apparaître des formations nerveuses typiques en même temps que l’on retrouve des cellules pigmentaires et des cellules mésenchymateuses indifférenciées (Fig. 4).

Fig. 4

Coupe d’une culture associant à la crête neurale du neurectoderme de la plaque médullaire: outre du mésenchyme indifférencié (me) on observe des structures nerveuses (n). × 500.

Fig. 4

Coupe d’une culture associant à la crête neurale du neurectoderme de la plaque médullaire: outre du mésenchyme indifférencié (me) on observe des structures nerveuses (n). × 500.

Dans ces trois premiers types de combinaison il n’apparaît en aucun cas de formation précartilagineuse ou cartilagineuse.

(4) Crête neurale céphalique et endoderme pharyngien (16 cultures)

Outre des cellules pigmentaires, des cellules mésenchymateuses indifférenciées et de l’épithelium digestif il apparaît dans ce type de culture des amas denses formés par des cellules au contour beaucoup plus régulier, presque rondes, ne présentant jamais de prolongement de type fibroblastique. Ces groupes de cellules ont toutes les caractéristiques du pro-cartilage (Fig. 5).

Fig. 5

Coupe d’une culture associant de l’endoderme pharyngien à une portion de crête neurale céphalique: il s’est constitué de l’épithelium digestif (ed) et du procartilage (pc). × 500.

Fig. 5

Coupe d’une culture associant de l’endoderme pharyngien à une portion de crête neurale céphalique: il s’est constitué de l’épithelium digestif (ed) et du procartilage (pc). × 500.

(5) Crête neurale céphalique et mésoderme dorsal (25 cultures)

Dans ce type de recombinaison 2 types de résultats sont obtenus suivant que les crêtes neurales sont prélevées au tout début du stade neurula (stade 14) ou bien lorsque la neurulation s’achève et que les bourrelets médullaires commencent à s’affronter dans la région tróncale de l’embryon (stade 17-18).

  • Si les tissus mis en culture sont prélevés au stade 14 il se développe dans la culture uniquement du mésenchyme indifférencié, des cellules pigmentaires et des fibres musculaires (Fig. 6).

  • Par contre si on attend les stades 17–18 pour réaliser les prélèvements on constate l’apparition de nodules cartilagineux très nets, nodules qui sont constitués par des cellules arrondies entourées d’une substance extracellulaire dense colorable par le PAS (Fig. 7).

Fig. 6

Coupe dans une culture associant du mésoderme de la voûte archentérique aux crêtes neurales céphaliques, le prélèvement étant réalisé au stade 14: outre du mésenchyme indifférencié (me) on observe la formation de fibres musculaires (ni). × 500.

Fig. 6

Coupe dans une culture associant du mésoderme de la voûte archentérique aux crêtes neurales céphaliques, le prélèvement étant réalisé au stade 14: outre du mésenchyme indifférencié (me) on observe la formation de fibres musculaires (ni). × 500.

Fig. 7

Coupe d’une culture associant les mêmes constituants que précédemment (mésoderme+crête neurale) mais ici le prélèvement a été réalisé au stade 17: du cartilage typique (c) s’est différencié, × 500.

Fig. 7

Coupe d’une culture associant les mêmes constituants que précédemment (mésoderme+crête neurale) mais ici le prélèvement a été réalisé au stade 17: du cartilage typique (c) s’est différencié, × 500.

(6) Crête neurale céphalique, endoderme pharyngien et mésoderme dorsal (15 cultures)

Que la mise en culture soit réalisée au stade 14 ou aux stades 1718 on obtient dans tous les cas la formation de nodules de cartilage parfaitement typique accompagnant les autres types de tissus déjà signalés, muscle, cellules pigmentaires, fibroblastes, épithélium digestif (Fig. 8).

Fig. 8

Coupe d’une culture associant aux crêtes neurales à la fois de l’endoderme et du mésoderme: ici aussi il s’est différencié du cartilage (c). × 500.

Fig. 8

Coupe d’une culture associant aux crêtes neurales à la fois de l’endoderme et du mésoderme: ici aussi il s’est différencié du cartilage (c). × 500.

L’ensemble de ces résultats met en évidence la complexité des phénomènes qui aboutissent à l’édification des cartilages crâniens à partir de cellules issues des crêtes neurales céphaliques. La différenciation de ces cellules apparaît comme le résultat de l’interaction de leurs potentialités propres -d’origine génétique -et de l’influence de leur environnement.

Lorsqu’elles sont cultivées seules les crêtes neurales céphaliques s’avèrent incapables de différencier des chondroblastes et forment uniquement des cellules pigmentaires et du mésenchyme indifférencié.

La culture en présence d’endoderme seul aboutit à la différenciation de procartilage: si les cellules ont bien l’aspect qui est normalement celui de futurs chondroblastes, la substance extracellulaire manque presque totalement. Il semble donc que l’endoderme pharyngien puisse modifier l’apparence des cellules de la crête neurale qui perdent leur aspect fibroblastique et acquièrent la forme arrondie et régulière des chondroblastes.

Si aux crêtes neurales et à l’endoderme on ajoute du mésoderme dorsal on obtient dans la culture des nodules de cartilage typique aussi bien par la forme des cellules que par la substance extracellulaire qui les entoure. Il semble donc que le mésoderme soit responsable de la sécrétion de cette substance extra-cellulaire, du moins au début de la chondrogenèse.

D’autre part les résultats différents obtenus, en associant du mésoderme dorsal à une portion de crête neurale, suivant que la mise en culture est réalisée au début ou fin de la neurulation, ne peuvent s’expliquer que si on admet qu’entre les stades 14 et 18 l’endoderme a modifié soit les cellules de la crête neurale, soit les cellules mésodermiques.

Les actions du mésoderme dorsal et de l’endoderme pharyngien se complètent donc pour contrôler la différenciation de cartilages à partir du mésenchyme issu des crêtes neurales. Ceci permet d’expliquer en partie au moins les résultats différents, voir opposés, obtenus par les auteurs. Raven (1933, 1935), après avoir réalisé des greffes de portions de crête neurale céphalique sur le flanc, a observé la formation de nodules cartilagineux. Ces résultats sont en contradiction aussi bien avec ceux obtenus par Hôrstadius & Sellman (1946) et Newth (1954) qu’avec les miens puisque, cultivée seule la crête neurale céphalique ne différencie jamais de cellules cartilagineuses.

L’isolement total des portions de crête neurale des structures environnantes est souvent difficile à réaliser et peut-être dans ses expériences Raven a-t-il greffé, en même temps que les cellules ectodermiques des crêtes neurales, quelques cellules endodermiques ou mésodermiques. Ceci pourrait alors suffire à expliquer l’apparition de chondroblastes dans les greffons. Pour Wilde (1955), qui utilise l’Axolotl de la fin de la gastrulation au bourgeon caudal, le méso-derme comme l’endoderme sont capables d’induire du cartilage; au contraire pour Drews et al. (1972), qui utilisent le Triton alpestre au tout début de la neurulation, seul l’endoderme peut provoquer la différenciation du cartilage. Ces derniers auteurs semblent d’ailleurs prélever en même temps que les crêtes neurales et l’endoderme la mince couche de mésoderme qui les sépare.

L’évolution chondrogénétique des cellules de la crête neurale céphalique se réalise donc à la suite de phénomènes d’induction qui, trouvent leur origine dans les catégories cellulaires qui les entourent. Ceci vient à l’appui de la thèse de Weston (1970) suivant laquelle avant leur migration les cellules des crêtes neurales sont plus ou moins totipotentes et subissent une régulation phéno-typique progressive sous l’influence des tissus qui les entourent. Cette conclusion rejoint également celle de Le Douarin & Teillet (1973) qui ont montré que la direction de migration des cellules des crêtes neurales troncales dépend de leur environnement et non d’une détermination intrinsèque.

Des portions de crête neurale céphalique de Pleurodeles waltlii ont été cultivées seules ou en recombinaison avec des cellules prélevées dans les divers feuillets constituant la neurula. Il s’est avéré que la différenciation de chondroblastes à partir de l’ectomésenchyme issu des crêtes neurales céphaliques se réalise sous l’influence conjuguée du mésoderme dorsal et de l’endoderme.

Il est apparu que les cellules des crêtes neurales céphaliques sont relativement totipotentes et subissent une régulation phénotypique progressive sous l’influence des tissus qui les entourent.

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