Autoradiographic study of early stages of the anterior limb-bud in two species of chelonian embryos

Embryos of two chelonian species (Testudo graeca L., Emys orbicularis L.) from 20-somites stage to 34-somites stage, fixed 2–4 h after an injection of tritiated thymidine or uridine or leucine, then emulsion-exposed 12–14 days, showed the following results:

  1. When the labelling index was determined in the mesoderm of the somatopleure, the labelling index in the flank region (S15–S16) remained at about 0·3 but the labelling index in the prospective anterior limb region rose to 0·4–0·5 when the processes of the somites S6–S13reached the somatopleure. The somites seem to induce the proliferation of the somatopleure and the transformation of the somatopleural cells in mesoblastic basophilic cells.

  2. The dilated extremities of the processes of somites S6–S12 proliferate cells which become free from the somite and multiply. Thus, the somites S6S12 participate materially in the constitution of the mesoblastic blastema of the limb-bud.

  3. In the mesoblast, regionalizations appear in transverse histological sections-in the cranial-caudal direction.

  4. An apical epiblastic crest develops, at 26–27-somites stage, in the area where the mesoblastic cells are the most abundant and the most active (between somites S8 and S 11). At 28–29-somites stage, this crest Anlage synthesizes very little DNA; and at 34-somites stage the synthesis of RNA and proteins also decreases.

These results are compared with results obtained in other reptiles and chick embryos, in the light of the theories on the role of the somites and of the apical crest in the development of the anterior limb-bud.

L’étude histologique des premiers stades du développement du membre antérieur chez l’embryon de Tortue mauresque (Testudo graeca L.) (Vasse & Pieau, 1970) avait mis en évidence une hétérogénéité de l’ébauche à ces stades (structure différente du mésoblaste et de l’épiblaste suivant les niveaux somitiques) et avait décrit les étapes de la formation de la crête apicale à partir d’un épaississement localisé de l’épiblaste. L’étude autoradiographique présente, effectuée chez les embryons de Tortue mauresque et de Cistude d’Europe (Eniys orbicularis L.), a pour but de savoir comment se comportent les différentes zones mises en évidence dans le mésoblaste et l’épiblaste (crête apicale en particulier) en ce qui concerne les synthèses d’ADN, d’ARN et de protéines et de suivre, si possible, l’évolution de ces synthèses.

La description se rapportera aux deux espèces, les résultats étant très comparables; dans le cas où il existe des différences, l’espèce sera mentionnée.

Deux espèces de Tortue ont été utilisées: la Tortue mauresque (Testudo graeca L.) originaire de Tunisie, élevée au laboratoire, et la Cistude d’Europe (Emys orbicularis L.) provenant des étangs de Brenne (France). Les œufs ont été pondus en juin-juillet dans les terrariums extérieurs avec des abris vitrés servant de refuge aux animaux la nuit ou par mauvais temps. Une ponte naturelle de Cistude trouvée dans le sol a été également utilisée (aucune différence avec les autres pontes n’a été observée). Les œufs ont été mis en incubation sur du coton remplissant un cristallisoir presque entièrement recouvert d’une plaque de verre de manière à ne laisser qu’un petit espace pour les œufs entre le coton et la plaque de verre. Le coton est légèrement humecté d’eau distillée dans la partie inférieure du cristallisoir. Les températures d’incubation ont été 25 et 30 °C. La vitesse du développement varie avec la température d’incubation: l’embryon de Cistude par exemple forme en 24 h 5–6 somites supplémentaires à 30 °C, 4 somites à 25 °C. Les stades seront exprimés en nombres de paires de somites. Cinq stades seront distingués en ce qui concerne l’ébauche du membre antérieur. Le développement des embryons des stades 1 à 3 est comparable à celui du stade 10 donné par Yntema (1968) pour Chelydra serpentina: embryons rectilignes, de 6–7 mm de longueur; œil non pigmenté; placode olfactive déprimée en une cavité; bourgeon maxillaire supérieur très court; bourgeon allanto ïdien non apparent extérieurement. Le développement des embryons des stades 4 et 5 est comparable à celui du stade 11 d’Yntema: embryons à légère courbure cervicale, de 7 mm de longueur; œil pigmenté; bourgeon maxillaire s’étendant jusqu’au bord de l’œil; bourgeon allantoïdien non apparent extérieurement.

Les radioéléments utilisés sont la [3H]methyl thymidine (activités spécifiques: 18 ou 25 Ci/mM), [5-3H]uridine (activités spécifiques: 20 ou 6 Ci/mM), [4,5-3H]-L-leucine (activité spécifique: 15 Ci/mM), à la dose de 5 à 10μ Ci environ par œuf, pour chacun des radioéléments. L’injection a été faite en une seule fois, près du bord de l’aire vasculaire que l’on repère facilement par transparence à travers la coquille en mirant l’œuf; la quantité de liquide injectée est de 1/100 à 1/50 ml par œuf. Les embryons traités à la thymidine tritiée ont été sacrifiés 4 h après l’injection (température d’incubation : 30 °C) ; ceux traités à la leucine tritiée, 2 h après l’injection (température d’incubation 25 °C); avec l’uridine tritiée, la fixation des embryons a été faite le plus souvent 2 h après l’injection (température d’incubation: 25 °C), pour quelques uns 4 h après (température d’incubation 30 °C). Le mélange de Bouin a servi de fixateur. Les coupes, en série à 5 //m, ont été trempées dans l’émulsion K 5 (Ilford) diluée de moitié et l’exposition a duré 12 à 14 jours. Après développement au Microdol X, une coloration de fond a été faite à l’hémalun-éosine. L’indice de marquage est obtenu en faisant le rapport du nombre de noyaux marqués à la thymidine tritiée au nombre total de noyaux. Les comptages ont été effectués, en général, sur la moitié des coupes c’est-à-dire tous les 10μm. L’indice de marquage est la moyenne des comptages effectués à chaque niveau somitique. L’intensité du marquage à l’uridine et à la leucine tritiée est appréciée par le nombre moyen de grains d’argent par noyau (uridine) ou par cellule (leucine).

Stade 1 (embryons de 21 à 23 paires de somites)

Du somite S6 au somite S10 (S1 désignant le 1er somite post-otique) et dan le sens cranio-caudal, chaque somite envoie un prolongement ventral qui passe entre l’épiblaste et le rein embryonnaire et vient au contact du feuillet mésodermique somatopleural à sa base. L’extrémité du prolongement ventral du somite touche l’angle latérodorsal de la cavité coelomique puis, s’en détachant et se dirigeant vers l’épiblaste, il pénètre à l’intérieur du feuillet mésodermique somatopleural légèrement épaissi, en poussant les cellules somatopleurales devant lui (Fig. 1A); chez l’embryon d’Emys, cette extrémité du prolongement somitique est une vésicule dilatée qui soulève l’épiblaste localement âvant de pénétrer dans le feuillet mésodermique somatopleural ; elle est bordée de plusieurs couches de cellules du côté de la future ébauche du membre, d’une seule couche de cellules sur la face opposée; c’est une partie paraissant indifférenciée alors que, à ce stade, la partie dorsale du somite est différenciée en dermatome et myotome. Aux extrémités des prolongements des somites S6 à S9, des cellules somitiques se dissocient sans se séparer encore du prolongement.

FIGURE 1.

(A) Coupe transversale, passant par le 6ème somite (S6), d’un embryon d’Emys de 22 paires de somites. Thymidine tritiée: l’extrémité du somite (ex. S.) pénètre dans le mésoderme somatopleural (m.s.). Le feuillet mésodermique somatopleural (m.s.) est nettement épaissi, bien marqué. A l’extrémité du somite, des cellules se dissocient sans se séparer encore du somite, ep. : épiblaste; r. : rein embryonnaire. (B) Coupe transversale, passant par le 9ème somite (SV), d’un embryon d’Emys de 26 paires de somites. Thymidine tritiée: trois zones sont visibles dans le mésoblaste: le mésenchyme lâche (m.l) peu marqué; le feuillet basal du mésoderme somatopleural (b.m.s.) et le mésoblaste basophile (m.b.) bien marqués. Des cellules somitiques (c.S.) se détachent de l’extrémité du prolongement du somite (ex.S.). (C) Coupe transversale, passant par le lOème somite, d’un embryon de Testudo de 34 paires de somites. Uridine tritiée; fixation 4 h après l’injection. Les assises internes de la crête apicale (c.a.) ne présentent plus qu’un très léger marquage malgré la durée de l’exposition, ep. : épiblaste. (D) Coupe transversale, passant par le 8ème somite, d’un embryon d’Emys de 30 paires de somites. Thymidine tritiée. Dans l’épiblaste (ep.), faible marquage des assises internes de la crête (c.a. : crête apicale). Dans le mésoblaste, nombreuses cellules marquées dans le feuillet basal du mésoderme somatopleural (b.m.s), près de l’extrémité du prolongement somitique (ex.S.). (E) Coupe transversale, passant par le 9ème somite, d’un embryon d’Emys de 31 paires de somites. Uridine tritiée. La crête apicale (c.a.) est nettement moins marquée que le reste de l’épiblaste (ep.d. : épiblaste dorsal : ep.v. : épiblaste ventral).

FIGURE 1.

(A) Coupe transversale, passant par le 6ème somite (S6), d’un embryon d’Emys de 22 paires de somites. Thymidine tritiée: l’extrémité du somite (ex. S.) pénètre dans le mésoderme somatopleural (m.s.). Le feuillet mésodermique somatopleural (m.s.) est nettement épaissi, bien marqué. A l’extrémité du somite, des cellules se dissocient sans se séparer encore du somite, ep. : épiblaste; r. : rein embryonnaire. (B) Coupe transversale, passant par le 9ème somite (SV), d’un embryon d’Emys de 26 paires de somites. Thymidine tritiée: trois zones sont visibles dans le mésoblaste: le mésenchyme lâche (m.l) peu marqué; le feuillet basal du mésoderme somatopleural (b.m.s.) et le mésoblaste basophile (m.b.) bien marqués. Des cellules somitiques (c.S.) se détachent de l’extrémité du prolongement du somite (ex.S.). (C) Coupe transversale, passant par le lOème somite, d’un embryon de Testudo de 34 paires de somites. Uridine tritiée; fixation 4 h après l’injection. Les assises internes de la crête apicale (c.a.) ne présentent plus qu’un très léger marquage malgré la durée de l’exposition, ep. : épiblaste. (D) Coupe transversale, passant par le 8ème somite, d’un embryon d’Emys de 30 paires de somites. Thymidine tritiée. Dans l’épiblaste (ep.), faible marquage des assises internes de la crête (c.a. : crête apicale). Dans le mésoblaste, nombreuses cellules marquées dans le feuillet basal du mésoderme somatopleural (b.m.s), près de l’extrémité du prolongement somitique (ex.S.). (E) Coupe transversale, passant par le 9ème somite, d’un embryon d’Emys de 31 paires de somites. Uridine tritiée. La crête apicale (c.a.) est nettement moins marquée que le reste de l’épiblaste (ep.d. : épiblaste dorsal : ep.v. : épiblaste ventral).

Le feuillet mésodermique somatopleural n’est épaissi qu’à la hauteur des somites S6 à Slo qui sont seuls, à ce stade, à former des prolongements ventraux. Ceci est vrai aux stades 22–23 paires de somites. Au stade 21 paires de somites, cette description n’est valable que pour les somites S6 à S9 et l’épaississement de la somatopleure ne se trouve qu’à ce niveau. Cet épaississement représente la partie craniale du futur territoire de l’ébauche du membre; plus caudalement, le feuillet mésodermique somatopleural, est resté constitué par un mince feuillet de 2–3 couches de cellules.

Quelques différences régionales apparaissent à la fin de ce stade 1 : au niveau S6–S7, des cellules somatopleurales se sont tassées sous l’épiblaste; elles se sont détachées du feuillet basal du mésoderme somatopleural; sous elles, lemésoderme somatopleural est plus lâche. Ces phénomènes ne font que commencer aux niveaux postérieurs. D’autre part la densité cellulaire est plus faible dans la région S6–S7 que plus caudalement.

Marquage par la thymidine tritiée (Fig. 1A)

D’une façon générale, l’extrémité des prolongements somitiques et le feuillet mésodermique somatopleural sont beaucoup plus actifs (indices de marquage: 0,4 à 0,6) que l’épiblaste du territoire de la future ébauche du membre (indice de marquage: 0,2 à 0,3). Les chiffres les plus élevés pour les indices de marquage sont relevés au niveau des somites S9–S10; le nombre limité d’embryons à ce stade ne permet pas de savoir si cette différence est significative. Dans le feuillet mésodermique somatopleural, sur un même niveau transversal, on observe les noyaux marqués aussi bien dans le feuillet basal que juste au dessous de l’épiblaste ou entre l’épiblaste et le feuillet basal du mésoderme somatopleural (mêmes localisations que pour les mitoses).

D’autre part, on n’observe pas de différence significative, en ce qui concerne les indices de marquage, entre l’épiblaste de la future ébauche de membre et le reste de l’épiblaste embryonnaire, aux niveaux S6 à S10.

Marquage par Vuridine tritiée

Le marquage, dans le cas d’une fixation de l’embryon deux heures après l’injection, est localisé au niveau du noyau de la cellule marquée; pratiquement tous les noyaux des cellules de tous les tissus de la future ébauche de membre sont marqués.

Dans l’épiblaste on ne peut observer de régions marquées différentiellement.

L’extrémité des prolongements somitiques est bien marquée. Dans le mésoderme somatopleural, surtout à la fin du stade, apparaissent des régions différant par leur marquage: au niveau S6–S7, les cellules somatopleurales sont peu marquées par rapport à celles du niveau S8–S9; sur un même niveau transversal, les cellules somatopleurales dans une zone au voisinage de l’extrémité du prolongement somitique sont plus marquées; celles du feuillet basal du mésoderme somatopleural sont nettement moins marquées que celles situées entre ce feuillet et l’épiblaste.

Marquage par la leucine tritiée

On observe de nombreux grains dans la plupart des cellules de tous les tissus, alors que la fixation des embryons a été faite 2 h seulement après l’injection. Les grains sont situés dans le cytoplasme des cellules, parfois en bordure des noyaux (cellules somatopleurales en particulier). Le marquage est homogène et on ne peut distinguer de différences dans les intensités de marquage des différents tissus de l’ébauche; la partie sous-épiblastique du mésoderme somatopleural parait plus intensément marquée mais en réalité la densité des cellules est nettement plus forte qu’à la base du mésoderme somatopleural d’où cet aspect.

Stade 2 (embryons de 24 à 26 paires de somites’)

L’ébauche du membre antérieur commence à se soulever à l’extérieur, à hauteur des somites S6 à S13. Chez l’embryon de Testudo, les prolongements ventraux des somites S6 à S10 pénètrent maintenant dans l’ébauche; chez l’embryon d’Emys, le prolongement de Sn y pénètre également en se terminant, comme les autres prolongements, par une vésicule dilatée. De l’extrémité de ces prolongements, des cellules commencent à se détacher à la fin du stade, dans plusieurs directions (vers l’épiblaste, la base du mésoderme somatopleural, dans une direction intermédiaire); bien que très proches de l’épiblaste, à ce stade, elles en sont séparées par des cellules somatopleurales, elles-mêmes en contact avec l’épiblaste. Les somites S12 et S13 chez Emys (S11 également chez Testudo) arrivent au contact du feuillet mésodermique somatopleural dans l’angle latéro-dorsal de la cavité coelomique.

La région bien développée de l’ébauche se situe à hauteur de S8 à S10 : en coupe transversale, on observe, à la base de la somatopleure une zone constituée de mésenchyme lâche, et, au dessus, un matériel mésoblastique basophile constitué par des cellules somatopleurales tassées sous l’épiblaste et par des cellules détachées de l’extrémité des prolongements somitiques (Fig. 1B). Dans l’épi-blaste apparait à la fin du stade, une région particulière, située dans l’axe du prolongement du somite, basophile, épaissie (épaississement de la couche de cellules internes).

Plus cranialement, à hauteur des somites S6 et S-, on retrouve le mésoblaste basophile et le mésenchyme lâche mais la densité cellulaire est nettement plus faible et on n’observe pas de zone épaissie dans l’épiblaste. Plus caudalement, une coupe transversale de l’ébauche montre une structure analogue à celle du stade 1.

Marquage par la thymidine tritiée (Fig. 1B)

Le tableau (Tableau 1) montre que :

Tableau 1.

Les indices de marquage (Matériels et Méthodes) pour les différents tissus de l’ébauche du membre antérieur chez l’embryon d’Emys, au stade 2 (25 –26 paires de somites)

Les indices de marquage (Matériels et Méthodes) pour les différents tissus de l’ébauche du membre antérieur chez l’embryon d’Emys, au stade 2 (25 –26 paires de somites)
Les indices de marquage (Matériels et Méthodes) pour les différents tissus de l’ébauche du membre antérieur chez l’embryon d’Emys, au stade 2 (25 –26 paires de somites)
  1. Tous les tissus sans exception sont moins actifs au niveau de S6 qu’au niveau S9 et S10.

  2. Le feuillet basal du mésoderme somatopleural où les noyaux marqués sont très nombreux près de l’extrémité du prolongement somitique et le mésoblaste basophile sous-épiblastique sont les plus actifs et nettement plus que le mésenchyme lâche sous-jacent. Parmi les cellules détachées de l’extrémité des prolongements somitiques dans l’ébauche, on observe des cellules marquées; leur indice de marquage est de 0,3 à 0,4 dans la région S6–S7; ailleurs il est impossible à établir, les cellules somitiques ne pouvant être distinguées avec sûreté des cellules somatopleurales. Au niveau de S15 et S16, entre l’ébauche du membre antérieur et celle du membre postérieur, l’indice de marquage du feuillet mésodermique somatopleural est d’environ 0,3 comme au niveau de S6 mais très différent de celui observé au niveau de S9 et S10 (0,5 environ, en associant, pour le comptage, mésoblaste basophile et mésenchyme lâche).

  3. L’épiblaste de l’ébauche du membre est peu actif et pour cette raison il n’est pas possible de savoir s’il y a une variation localisée de l’indice de marquage dans la région particulière de cet épiblaste qui commence à s’épaissir.

Marquage par Vuridine tritiée

  1. Dans la région S6–S7, quel que soit le tissu considéré, les cellules sont moins marquées que dans la région postérieure (S9 par exemple).

  2. Dans le feuillet basal du mésoderme somatopleural, les noyaux des cellules, petits, ont peu de grains d’argent par rapport aux autres cellules soma-topleurales et aux cellules somitiques.

  3. Les cellules mésoblastiques sous-épiblastiques basophiles sont plus marquées que les cellules de la base du mésoderme somatopleural (mésenchyme lâche); ceci est bien visible dans la région S9–S10.

  4. Dans l’épiblaste de l’ébauche du membre, la région particulière qui s’épaissit est bien marquée mais on ne peut dire si elle est plus ou moins marquée que le reste de l’épiblaste.

Marquage par la leucine tritiée

Pratiquement toutes les cellules sont marquées alors que la fixation de l’embryon a eu lieu 2 h seulement après l’injection. Le marquage est homogène comme au stade 1.

Stade 3 (embryons de 27 à 29 paires de somites)

L’ébauche du membre antérieur est bien soulevée extérieurement. Les extrémités ventrales des somites S6 à S13 sont toujours en relation avec cette ébauche. Les prolongements somitiques de S6 à S10 sont étirés. Chez Testudo, de l’extrémité des prolongements de S6 à S11 se détachent toujours des cellules, basophiles, qu’on ne peut plus distinguer des cellules en provenance du feuillet basal du mésoderme somatopleural; chez Emys, cette émission de cellules se produit, à ce stade, pour les somites S6 à S12. La partie la plus développée de l’ébauche se situe à hauteur de S7 à S11 : la densité des cellules mésoblastiques est élevée et l’épiblaste présente une zone particulière bien épaisse : ce sont les assises internes qui se sont épaissies (la couche externe ou périderme constituée de cellules aplaties ne parait pas modifiée); leurs cellules se disposent en plusieurs couches commençant à prendre une disposition radiaire.

Au niveau de S6, il y a peu de cellules dans l’ébauche et la zone épaissie de l’épiblaste est à peine indiquée.

A hauteur de S12–S13, l’ébauche est peu soulevée.

Marquage par la thymidine tritiée

  1. Le mésoblaste: le feuillet basal du mésoderme somatopleural est toujours bien marqué; les noyaux marqués se trouvent surtout près de l’extrémité des prolongements somitiques (ce qui corrobore l’observation, en histologie, de nombreuses mitoses à cet endroit). Dans la région S7 à S11, l’indice de marquage est de 0,4 à 0,5 (il tend à s’élever sous l’épiblaste et à baisser à la base de l’ébauche quand on étudie des coupes transversales).

    Dans la région S6, l’indice de marquage est de 0,3.

    Il est également de 0,3 environ pour le feuillet mésodermique somatopleural du niveau de S15–S16.

  2. l’épiblaste: dans la zone épaissie de l’épiblaste, le marquage des cellules internes est devenu très faible, surtout dans la région S9–S10. Ailleurs l’indice de marquage est de 0,2-0,3.

Marquage par l’ uridine tritiée

Pratiquement toutes les cellules sont marquées dans le cas d’une fixation des embryons 2 h après l’injection. Les cellules somitiques ne sont pas discernables par un marquage différent des autres cellules mésoblastiques.

L’activité des cellules est faible dans la région S6 à S8, forte dans la région S9 à S12.

On ne peut observer de différence d’intensité de marquage entre la région épaissie et le reste de l’épiblaste.

Stade 4 (embryons de 30–31 paires de somites’)

L’étirement et la dégénérescence (nombreuses pycnoses) des premiers prolongements somitiques se poursuivent: des cellules ne se détachent plus des dilatations terminales de S6 et S7, comme elles continuent à le faire pour les somites S8 à S12. C’est à hauteur des somites S8 à Su que le mésoblaste est le plus dense: ses cellules se divisent activement, quelques cellules somitiques s’y adjoignent encore et, surtout, des cellules provenant du feuillet basal de la somatopleure qui prolifère.

La zone épaissie de l’épiblaste s’est encore épaissie par rapport au stade précédent: ses cellules internes forment plusieurs couches superposées, organisées radiairement en un début de crête apicale bien nette en face des prolongements des somites S9 et S10 (au niveau des somites S8 et Sn, c’est un épaississement sans structure de crête).

Marquage par la thymidine tritiée (Fig. 1D)

  1. On observe des noyaux marqués dans les dilatations terminales des somites S8 à S12 mais presque plus dans les dilatations terminales des somites S6 et S7.

  2. Dans le feuillet basal du mésoderme somatopleural, de nombreuses cellules marquées sont localisées près de l’extrémité des prolongements somitiques.

  3. Le mésenchyme lâche à la base de l’ébauche et le mésoblaste basophile juste sous l’épiblaste, bien distincts histologiquement au niveau de S8 à S10 sont également bien différents par leur activité de synthèse de l’ADN: l’indice de marquage dans le mésenchyme lâche est de 0,3–0,4 alors qu’il est de 0,5–0,6 dans le mésoblaste basophile.

    Au niveau S6–S7 où l’ébauche est moins dense en cellules, l’indice de marquage (en associant, pour le comptage, mésenchyme lâche et mésoblaste basophile) est d’environ 0,3.

  4. Dans la partie épaissie de l’épiblaste, le périderme présente des noyaux marqués; par contre dans les assises internes, le marquage est pratiquement nul dans la région S9–S10, a diminué considérablement dans la région S8 et S11 et commence à diminuer au niveau de S7; dans le reste de l’épiblaste, l’indice de marquage n’a pratiquement pas changé.

  5. Au niveau de S13, le mésoblaste de l’ébauche du membre est constitué uniquement de cellules somatopleurales (de l’extrémité du somite 13 ne se détachent pas de cellules); son indice de marquage est de 0,3.

    Il est également de 0,3 pour le feuillet mésodermique somatopleural dans la région S14 à S16.

Marquage par Vuridine tritiée (Fig. 1E)

Aux niveaux S9–S10, les cellules mésoblastiques basophiles sont bien plus marquées qu’au stade précédent. Là, dans l’épiblaste, on peut distinguer, sur coupe transversale, trois régions d’après l’intensité du marquage : la crête apicale, bien que marquée, l’est nettement moins que la partie ventrale de l’épiblaste, elle-même moins marquée que la partie dorsale.

Aux niveaux plus cranial et plus caudal, ces zones de marquage différent ne sont pas visibles.

Stade 5 (embryons de 32 à 34 paires de somites)

Les prolongements somitiques continuent de s’étirer et de dégénérer et n’arrivent plus qu’à la base de l’ébauche (ou même pour S6 et S7 en sont séparés). Le feuillet basal du mésoderme somatopleural ne prolifère plus. Le mésoblaste se multiplie activement par division des cellules en place.

Marquage par Vuridine tritiée (Fig. 1C)

La partie la plus développée de l’ébauche se situe au niveau de S8 à S10 : dans le mésoblaste, toutes les cellules sont bien marquées. Dans l’épiblaste, la crête apicale bien différenciée présente un très léger marquage dans la zone interne (l’assise externe de cellules aplaties reste toujours marquée).

De part et d’autre de cette région, la densité cellulaire dans le mésoblaste de l’ébauche devient plus faible, l’épiblaste est moins transformé: à hauteur des somites 7 et 11, on y observe une zone épaissie mais ne formant pas de crête; cette zone est marquée mais plus faiblement que l’épiblaste adjacent.

Marquage par la leucine tritiée

Au niveau des somites 9 et 10, on observe un marquage plus faible dans la crête que dans le reste de l’épiblaste de l’ébauche du membre. Plus cranialement et plus caudalement, on ne distingue pas de différence nette de marquage entre l’épaississement épiblastique et le reste de l’épiblaste.

La présente étude porte sur les premiers stades du développement de l’ébauche du membre antérieur chez deux espèces de Chéloniens allant jusqu’à la formation de la crête apicale. Le rôle des somites adjacents à l’ébauche dans le développement de ces premiers stades est primordial. Au cours de cette période, des régionalisations apparaissent dans le mésoblaste et, dans l’épiblaste, on observe la formation, localisée, d’une crête. Examinons ces différents points à la lumière des résultats apportés par l’étude autoradiographique.

Rôle des somites adjacents à F ébauche du membre

  1. Contribution matérielle du somite à la constitution de F ébauche du membre antérieur. Nous retrouvons chez l’embryon étEmys ce qui avait été décrit chez l’embryon de Testudo (Vasse & Pieau, 1970): les prolongements de S6 à S12 pénètrent dans l’ébauche (ceux de S11 et S12 très légèrement); de l’extrémité de ces prolongements se détachent des cellules (moins nombreuses que les cellules d’origine somatopleurale). Ces extrémités sont bien marquées par la thymidine aux stades 1 à 3 et on n’observe plus que quelques cellules marquées quand les prolongements somitiques n’émettent plus de cellules (stade 4 pour les prolongements de S6 et S7). Parmi ces cellules somitiques émises, il y a des cellules marquées par la thymidine; il est impossible d’établir leur indice de marquage de façon précise (sauf dans la région S6–S7 où il est de 0,3–0,4) car on ne peut distinguer ces cellules des cellules somatopleurales qu’au moment auquel elles se détachent du prolongement somitique et leur nombre sur coupe est relativement petit. Les cellules somitiques se multiplient donc dans l’ébauche (si on admet que la mitose suit automatiquement la synthèse d’ADN) et contribuent ainsi matériellement à la constitution de cette ébauche. En ce qui concerne leurs activités de synthèse d’ARN et de protéines, l’emploi de l’uridine et de la leucine tritiées respectivement montre qu’elles sont marquées autant que les autres cellules mésoblastiques d’origine somatopleurale.

    Rappelons que cette contribution matérielle du somite a été observée également chez les embryons d’Orvet (Anguis fragilis L.) et du Lézard vert (Lacerta viridis L.) (Raynaud, 1962; Raynaud & Vasse, 1968 a, b, 1969); chez divers embryons de Reptiles, à des stades plus tardifs (Milaire, 1957); chez l’embryon de Poulet (Gumpel-Pinot, 1972); chez l’embryon de Roussette (Vasse, 1971). Chez l’embryon d’Orvet les membres antérieurs et postérieurs, rudimentaires, régressent avant la naissance; le membre antérieur se soulève au niveau de 4 somites seulement (S6 à S9) au lieu de 8 (S6 à S13) pour un membre normal; seuls ces quatre somites forment des prolongements ventraux et participent matériellement à la constitution du membre. Cependant la prolifération somatopleurale est plus faible dans ce membre réduit que dans un membre normal.

  2. Action du somite sur le mésoderme somatopleural. L’indice de marquage du mésoderme somatopleural au niveau des somites S15–S16 est d’environ 0,3 et ne change pratiquement pas aux divers stades considérés dans cette étude. Il s’élève à 0,4-0,5 dans le mésoderme somatopleural de l’ébauche du membre au moment du contact des prolongements somitiques avec la somatopleure et de leur pénétration dans l’ébauche. Le feuillet basal du mésoderme somatopleural est particulièrement bien marqué : sur coupe transversale, on y observe de très nombreuses cellules marquées par la thymidine à proximité du prolongement somitique. Ces observations autoradiographiques cadrent bien avec l’hypothèse d’une influence stimulante du somite sur la prolifération du mésoderme somatopleural. Cette prolifération cesse avec la séparation des prolongements somitiques de l’ébauche au stade 5. Notre étude ne peut préciser quand a commencé l’action du somite car déjà au stade 20 paires de somites, au moins pour les somites S6 à S9, elle a lieu, le mésoderme somatopleural étant épaissi. Postérieurement, au niveau S10–Sn, le mésoderme somatopleural n’est pas épaissi et, même si l’action du somite a eu lieu, le mésoderme n’a en tout cas pas encore répondu à cette action.

Chez les embryons d’Orvet et de Lézard vert, l’hypothèse d’une influence stimulante du somite sur la prolifération du mésoderme somatopleural a été également avancée (Raynaud & Vasse, 1969) et vérifiée par une autre méthode (numération des mitoses, Raynaud, 1972).

Chez l’embryon d’Oiseaux ou de Batraciens, différents auteurs (Amano, 1960; Finnegan, 1963; Murillo-Ferrol, 1965; Pinot, 1970; Kieny, 1971) ont démontré un rôle du somite dans le développement de l’ébauche du membre. Mais, étant donné qu’il n’a pas été fait d’étude histologique des effets précoces du ‘mésenchyme somitique’ sur le mésoderme somatopleural, aussi bien in vivo que dans les associations réalisées en greffe, ces auteurs n’ont pu préciser d’une part quelle partie du somite agissait, d’autre part quelles étaient les modalités d’action du somite (action sur la prolifération du mésoderme somatopleural, transformation de ces cellules somatopleurales, …). Il semble que chez l’embryon de Reptiles, le prolongement ventral du somite ait un rôle privilégié dans cette action sur le mésoderme somatopleural.

Régionalisations du mésoblaste

Dans le mésoblaste dont le développement a été déclenché par le somite et dont les cellules sont d’origine somitique et surtout d’origine somatopleurale, différentes régions apparaissent quand on examine des sections transversales, dans le plan de la section d’une part, et d’autre part quand on étudie ces sections dans le sens cranio-caudal.

(1) Dans un plan transversal

Une région sous-épiblastique se différencie très tôt dès les stades 2-3 à l’étude histologique (cellules plus serrées, basophiles) comme à l’étude autoradiographique (cellules plus marquées par l’uridine que les cellules du mésenchyme lâche basal et indice de marquage plus élevé: jusqu’à 0,6–0,7). Etant donné l’orientation de l’extrémité du prolongement somitique dirigé, aux premiers stades, vers l’épiblaste, on peut concevoir une action privilégiée du somite sur Faire immédiatement sous-épiblastique par rapport à Faire basale (mésenchyme lâche).

L’étude autoradiographique n’a pu nous montrer de différence entre une région sous l’épaississement apical de l’épiblaste et le reste de la zone sous-épiblastique.

(2) Dans le sens cranio-caudal

La partie craniale de l’ébauche du membre antérieur, au niveau S6–S7 est pauvre en cellules mésoblastiques. L’étude autoradiographique montre que ces cellules sont peu actives : leur indice de marquage est faible (0,3 environ) et leur marquage à l’uridine est faible, si on le compare à celui des cellules mésoblastiques du niveau moyen de l’ébauche (S8 à S10).

On pourrait reprendre ici l’interprétation donnée dans l’étude histologique du membre antérieur chez l’embryon de Testudo (Vasse & Pieau, 1970): la concentration en facteur somitique serait plus grande dans la région S8 à S10.

Formation de la crête apicale

D’une façon générale, l’épiblaste est un tissu toujours moins actif que le mésoblaste (indice de marquage = 0,2 à 0,3 seulement contre 0,4 au moins dans le mésoblaste).

Ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, c’est la formation localisée, d’un épaississement dans cet épiblaste et son rôle dans le développement de l’ébauche du membre. L’examen histologique de coupes transversales montre que cet épaississement appara ît à la fin du stade 2 (stade 25–26 paires de somites), sur le bord ventrolatéral de l’ébauche, dans l’axe des prolongements somitiques: ce sont les assises internes de l’épiblaste qui se sont épaissies; les cellules sont disposées sur 2–3 couches, leurs noyaux orientés radiairement. Ceci se produit en face des somites S8 à S10 puis en face de S7 et Sn là où, sous l’épiblaste, le mésoblaste est le plus dense (d’après l’étude histologique) et le plus actif (d’après l’étude autoradiographique).

L’étude autoradiographique (Vasse, 1972) montre que dans l’épaississement épiblastique (et uniquement au niveau des assises internes) la synthèse de F ADN (étudiée au moyen d’un marquage par la thymidine tritiée) devient très faible d’abord en S9–S10, au stade 3 (27–29 paires de somites) puis diminue également en S7-S8 et S11, au stade 4 (30–31 paires de somites). Au stade 5 (32–34 paires de somites), la synthèse des ARN (suivie par un marquage par l’uridine tritiée) est devenue très faible, par rapport au reste de l’épiblaste, dans l’épaississement épiblastique devenu entre temps une crête, au niveau S9–S10 (dans les assises internes uniquement; les cellules péridermiques sont toujours marquées). Dans la même région, la synthèse des protéines (étudiée au moyen d’un marquage par la leucine tritiée) a diminué par rapport au reste de l’épiblaste.

L’étude histologique et autoradiographique de l’ébauche du membre antérieur chez l’embryon de Lézard vert (Lacerta viridis L.) (Vasse & Raynaud, 1971), effectuée suivant les mêmes méthodes, a montré au cours de la formation de la crête apicale des phénomènes en tous points analogues. Chez l’embryon d’Orvet (Anguis fragilis L.) (Raynaud & Vasse, 1970, 1971, 1972), l’évolution, étudiée par l’histologie et l’autoradiographie, de la crête apicale (rudimentaire chez cette espèce) est la même que celle d’une crête de membre antérieur normal ; cependant la synthèse des protéines (étudiée au moyen du même marqueur: leucine tritiée) ne fléchit pas brutalement bien que diminuée par rapport au reste de l’épiblaste. L’étude autoradiographique du membre antérieur d’embryons de Poulet aux stades 19 –21 HH traités à l’uridine et à la leucine tritiées (Vasse & Raynaud, 1972 résultats non publiés), nous a montré des résultats comparables à ceux obtenus pour la crête des Reptiles avec un marquage dans les assises internes de la crête devenant faible par rapport à l’épiblaste adjacent aux stades 20 –21 HH.

Nous avions admis (Raynaud & Vasse, 1972) que les variations des synthèses d’ADN, d’ARN et de protéines peuvent être en relation avec la différenciation morphologique de la crête apicale chez l’Orvet et le Lézard vert; les observations faites chez les Chéloniens (Vasse, 1972) sont en accord avec cette manière de voir et il semble qu’il en. soit de même chez l’embryon d’Oiseaux; chez l’embryon d’Orvet, comme l’a montré l’étude histologique (Raynaud, 1962), la différenciation de la crête n’atteint pas le stade ultime ce qui expliquerait la chute moins brutale de la synthèse des protéines.

Quant aux relations mises en évidence par l’autoradiographie entre les variations que présentent les synthèses d’ADN, d’ARN et de protéines dans les cellules de la crête et le fonctionnement de la crête, il est actuellement difficile de les interpréter. Les résultats obtenus par Saunders (1948), Zwilling (1961), Bell, Gasseling, Saunders & Zwilling (1962), à la suite d’expériences d’ablation de la crête apicale chez l’embryon de Poulet, démontrent le rôle de la crête dans les premiers stades du développement de l’aile. Cependant l’étendue de ce rôle, d’une part, la nature de l’action de la crête d’autre part, sont interprétés de façon variable par différents auteurs : pour Zwilling (1961), la crête n’agit pas sur les facteurs entrant en jeu dans l’individualisation des différentes parties de l’aile. Pour Milaire (1963), la crête a un rôle important non seulement dans l’individualisation des différentes parties du squelette du membre mais aussi dans la topographie des vaisseaux sanguins. Contrairement à Bell, Gasseling, Saunders & Zwilling (1962) et Milaire (1963), Amprino (1964) n’admet pas une action inductrice en retour de la crête; pour lui, elle agirait simplement bio-mécaniquement.

Dans l’hypothèse de l’action inductrice en retour de la crête, on peut admettre pour expliquer l’évolution des marquages, une spécialisation dans la synthèse des protéines: la synthèse de la plupart des protéines serait bloquée, seules les protéines inductrices seraient surtout finalement synthétisées (et en quantité bien moindre que l’ensemble des protéines synthétisées par la cellule épiblas-tique non différencieée en cellule de crête) ; mais l’inducteur de la crête pourrait être une protéine n’ayant pas de leucine. Dans l’hypothèse d’Amprino pour lequel la crête ne synthétise pas d’inducteur, on pourrait interpréter la diminution de synthèse de protéines comme le prélude à la dégénérescence de la crête; elle précéderait l’apparition de pycnoses dans la crête (Jurand, 1965). L’étude autoradiographique ne permet pas de départager ces différentes conceptions. Mais de toute façon, étant donné que la réponse d’un tissu induit (mésoblaste) à un inducteui (crête apicale) demande quelques heures, les phénomènes décrits dans les trois premiers stades de notre étude et en particulier l’apparition des premières régionalisations dans le mésoblaste peuvent se dérouler sans l’intervention d’une influence inductrice de la crête.

D’autre part, aux stades considérés dans la présente étude, la région du mésoblaste située sous l’épiblaste parait homogène à l’autoradiographie: on n’observe pas de zone sous la crête apicale différant par son marquage du reste du mésoblaste sous-épiblastique.

Des embryons de Chéloniens (Testudo graeca L., Emys orbicularis L.) du stade 20 somites au stade 34 somites, fixés 2 à 4 h après une injection de thymidine ou d’uridine ou de leucine tritiées (émulsion exposée 12 à 14 jours), ont montré les résultats suivants:

  1. L’indice de marquage dans le mésoderme somatopleural au niveau S15–S16 reste égal à environ 0,3 alors qu’il s’élève à 0,4–0,5 dans la région prospective du membre antérieur au moment du contact des prolongements somitiques avec la somatopleure et lors de leur pénétration dans l’ébauche; il semble que les somites induisent la prolifération de la somatopleure et la transformation des cellules somatopleurales en cellules mésoblastiques basophiles.

  2. L’extrémité des prolongements des somites S6 à S12 prolifère des cellules qui se détachent du somite et se multiplient. Les somites S6 à S12 participent ainsi matériellement à la constitution du mésoblaste de l’ébauche du membre.

  3. Des régionalisations apparaissent dans le mésoblaste, sur des sections histologiques transversales et d’autre part quand on étudie ces sections dans le sens cranio-caudal.

  4. Une crête épiblastique, ébauche de la crête apicale, se forme au stade 26–27 somites là où les cellules mésoblastiques sont plus nombreuses et plus actives (entre les somites S8 et S11). Au stade 28-29 somites, cette ébauche de crête synthétise peu d’ADN; et au stade 34 somites, les synthèses d’ARN et de protéines décroissent également.

    Ces résultats sont comparés aux résultats obtenus chez d’autres embryons de Reptiles et chez l’embryon de Poulet, à la lumière des théories sur le rôle des somites et de la crête apicale dans le développement de l’ébauche du membre antérieur.

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