Des expériences précédentes ont montré que les facteurs de la différenciation épidermique plumaire spécifique sont localisés dans le derme pour les uns, dans l’épiderme pour les autres, à 7–9 jours d’incubation (peau dorsale). Les premiers fixent l’architecture générale de la plume; les seconds déterminent la structure des cellules barbulaires.

De nouveaux types d’associations hétérospécifiques Canard/Poulet ont été réalisés: épiderme tarso-métatarsien de 11–12 jours/derme dorsal de 7–9 jours; épiderme dorsal de 7–9 jours/derme tarso-métatarsien de 11–12 jours; ectoderme alaire/mésoderme alaire de 3–4 jours d’incubation.

Les résultats obtenus montrent que l’information nécessaire à la morphogenèse spécifique des barbules (présence ou non de barbicelles) est déjà présente à 3–4 jours dans l’ectoderme alaire. De plus, elle n’est pas limitée aux seules régions plumigènes, le futur épiderme scutellaire de 11–12 jours la possédant à l’état potentiel.

D’autre part, le derme (y compris celui du tarso-métatarse) possède l’information nécessaire au développement du rachis, déterminant ainsi l’architecture spécifique de la plume. Le mésoderme alaire de Canard impose de plus la différenciation de praeplumidae, caractéristiques du plumage néoptile des Ansériformes.

L’apparition plus ou moins précoce des plumes téléoptiles ainsi que le mode de remplacement des plumes néoptiles par les plumes téléoptiles juvéniles est sous la dépendance des tissus mésodermiques de l’aile. L’espèce de l’hôte a cependant une influence limitée sur la date d’apparition du plumage téléoptile.

Le Poulet et le Canard possèdent un plumage qui diffère par de nombreux caractères.

L’association hétérospécifique de derme et d’épiderme de peau dorsale de 7–9 jours d’embryons de ces deux espèces aboutit à la formation de plumes de duvet chimères. Bien qu’étant constituées uniquement de cellules épidermiques, elles présentent à la fois des caractères spécifiques du Poulet et du Canard: l’architecture plumaire, conditionnée par le développement du rachis et la disposition des barbes, est conforme à l’origine du derme, la morphologie fine des barbules à celle de l’épiderme (Sengel & Dhouailly, 1966; Dhouailly, 1967). La morphologie de la plume néoptile est donc le résultat d’une collaboration, dans laquelle entrent en jeu des informations contenues dans le derme et dans l’épiderme.

Je me suis demandé si ces informations plumaires spécifiques sont présentes dans les seules régions plumigènes ou au contraire réparties dans tout le tégument embryonnaire. Un épiderme à destinée scutellaire possède-t-il à l’état potentiel l’information nécessaire à la morphogenèse spécifique des barbules? Inversement, le derme scutelligène, qui peut être induit à participer à l’édification de germes plumaires par un épiderme dorsal (Sengel, 1958; Rawles, 1963), lui impose-t-il en retour le type de différenciation de rachis néoptile propre à son espèce?

Si la réponse à ces deux questions est positive, il est vraisemblable qu’un tel partage, uniforme pour tout le revêtement cutané, des facteurs de la différenciation plumaire spécifique entre le derme et l’épiderme, soit établi dès les premiers jours de l’incubation. Autrement dit, l’information barbulaire spécifique est-elle contenue dès un stade précoce dans l’ectoderme? 11 n’y aurait pas, dans ce cas-là, transmission de l’information barbulaire du derme à l’épiderme au cours de la différenciation de la peau.

Afin de répondre aux deux premières questions, relatives à la répartition générale des informations plumaires dans tout le tégument, même non plumigène, j’ai réalisé des associations hétérospécifiques hétérotopiques de derme et d’épiderme du dos et du tarso-métatarse d’embryons de Poulet et de Canard de 7 à 12 jours.

Pour répondre à la troisième question, concernant les propriétés spécifiques intrinsèques de l’ectoderme, j’ai fait des associations de mésoderme et d’ectoderme alaires de Poulet de 3 jours et de Canard de 4 jours d’incubation.

Toutes les expériences ont été effectuées sur des embryons de Poulet Leghorn blanc et de Canard Pékin.

1 Associations xénoplastiques hétérotopiques de derme et d’épiderme des régions dorsale et tarso-métatarsienne du Poulet et du Canard

Les fragments de peau (2 ×3–4 mm environ) sont découpés dans la région dorso-lombaire de la ptéryle spinale d’embryons de Poulet de 7 jours et de Canard de 9 jours, ainsi que sur la face antérieure du tarso-métatarse d’embryons de Poulet de 11 jours et de Canard de 12 jours.

Le derme est séparé de l’épiderme à l’aide d’une solution enzymatique à base de trypsine: solution de trypsine (lyophilisée stérile du laboratoire Choay) à 0,5% et de pangestine (Difco) à 1% dans du liquide de Earle sans calcium ni magnésium.

Quatre types d’associations xénoplastiques hétérotopiques ont été réalisés: derme dorsal de Canard/épiderme tarso-métatarsien de Poulet; derme dorsal de Poulet;épiderme tarso-métatarsien de Canard; derme tarso-métatarsien de Canard/ épiderme dorsal de Poulet; derme tarso-métatarsien de Poulet/épiderme dorsal de Canard.

Les fragments de peau ainsi reconstituée ont été cultivés durant 11 jours sur la membrane chorio-allantoïdienne de Poulet de 8 jours ou de Canard de 12 jours.

2 Associations xénoplastiques de mésoderme et d’ectoderme alaires de Poulet et de Canard

Les bourgeons d’aile sont prélevés sur des embryons de Poulet âgés de 3 jours à 3 jours et de Canard de 4 jours à 4 jours (stades 17 à 21 de Hamburger & Hamilton, 1951; équivalence établie chez le Canard par Koecke, 1958).

Les deux constituants ectodermique et mésodermique de l’ébauche alaire sont séparés à l’aide de la solution enzymatique à base de trypsine.

Deux types d’associations ont été réalisés: mésoderme de Canard/ectoderme de Poulet, mésoderme de Poulet/ectoderme de Canard.

Les embryons hôtes, Canard ou Poulet, de stade 19 à 20 de H. et H., subissent l’ablation totale de l’ébauche de l’aile droite. Les bourgeons d’aile chimères sont accolés à la surface d’amputation et y sont maintenus par une paire d’agrafes selon une technique préconisée par Hampé (1959). Les deux types de bourgeons d’aile chimères étant greffés chacun sur le Poulet ou sur le Canard, on obtient finalement quatre types de combinaisons: mésoderme de Canard/épiderme de Poulet sur hôte Canard, idem sur hôte Poulet, mésoderme de Poulet/épiderme de Canard sur hôte Poulet, idem sur hôte Canard.

Les embryons sont examinés 24 h après l’opération afin de contrôler la réussite de la greffe, puis menés jusqu’à l’éclosion. Une forte mortalité se produit durant les deux derniers jours de l’incubation. Au moment de l’éclosion, quelques-uns ont été sauvés après ablation de la vésicule vitelline, très fréquemment non résorbée, et suture de l’ombilic. Les embryons mourants sont fixés au Bouin-Hollande afin de permettre l’étude du plumage néoptile. L’état de l’aile chimère des survivants est observée chaque jour durant le premier mois de la vie post-natale, une fois par semaine par la suite, pendant 10 à 14 mois.

3 Examen des résultats

(a) Plumes néoptiles

Elles sont colorées à l’éosine puis montées entre lame et lamelle. Auparavant la gaine cornée est ôtée à l’aide de deux fines aiguilles afin de permettre l’épanouissement des barbes et des barbules.

La morphologie des plumes étant très variable selon leur emplacement, nous avons limité notre étude, dans le cas des ailes chimères, aux rémiges secondaires.

La fiche d’identité de chaque plume comprend: la longeur, mesurée de la base du calamus à l’extrémité de la plus longue barbe, la présence ou non d’un rachis bien différencié, le nombre de barbes, les caractères des barbules (nombre et ornementation des cellules barbulaires).

Les barbules comprenant un nombre variable de cellules suivant le niveau de leur insertion sur la barbe et selon le lieu d’implantation de celle-ci, nous avons tenu compte uniquement des barbules situées à mi-hauteur des barbes caudales.

(b) Plumes téléoptiles

Elles sont recueillies au moment où elles cessent leur croissance et tombent. Quelques barbes sont prélevées au niveau de l’ombilic et colorées à l’éosine afin de permettre l’étude des barbules duveteuses.

Tableau 1

Caractères spécifiques distinctifs du plumage du Poulet et du Canard

Caractères spécifiques distinctifs du plumage du Poulet et du Canard
Caractères spécifiques distinctifs du plumage du Poulet et du Canard

1 Ptérylose

Elle présente de nombreuses différences dans ces deux espèces. Nous ne tiendrons compte pour cette étude que d’un caractère fondamental, facilement reconnaissable: la composition du complexe plumeux.

A l’éclosion, le plumage du Poulet ne comporte que des praepennae. En effet, les ébauches des filoplumes, qui se sont différenciées dès 15 jours d’incubation au nombre de 1, 2 ou 3 à la base de chaque praepenna, ne sont plus alors visibles extérieurement, car elles ont été entraînées à l’intérieur du follicule plumaire de la praepenna (Gerber, 1938).

Le plumage néoptile du Canard comporte par contre de nombreuses praeplu-mulae entre les praepennae. A 16–17 jours d’incubation, on dénombre de 10 à 12 petites papilles autour de chaque rémige secondaire, les plus petites d’entre elles, et les dernières à se former, pouvant être considérées comme les ébauches des filoplumes (Hosker, 1936; Koecke & Kühn, 1962). A l’éclosion, on ne distingue que 3 à 4 praeplumulae à la base de chaque rémige secondaire, 1 seule à la base de chaque rémige primaire. Ces préplumes mesurent 0,5–2 mm de long et comportent de 6 à 8 barbes.

2 Plumes néoptiles (praepennae)

Leur plan d’organisation, constant, est caractéristique de l’espèce; leur taille ainsi que le nombre de leurs barbes varient, particulièrement chez le Canard, selon leur emplacement.

Chez le Canard, les barbes se répartissent en crâniales et latérales insérées de part et d’autre d’un rachis bien individualisé et en caudales rattachées directement au calamus. Celui-ci, fort long, contient de nombreuses cloisons transversales ou caps (Hosker, 1936). Les barbes portent chacune une double rangée de barbules garnies à leur extrémité libre de barbicelles.

Les barbes de la praepenna du Poulet s’insèrent soit directement sur le calamus, soit sur un rachis et un hyporachis tous deux très rudimentaires. Le calamus, fort court, ne contient pas de cloisons transversales. Les barbules, noueuses, sont dépourvues de barbicelles.

3 Plumes téléoptiles juvéniles (pennae)

L’apparition du plumage juvénile est très précoce chez le Poulet: les rémiges primaires et secondaires, ainsi que les grandes et moyennes tectrices qui les recouvrent, émergent du follicule dès le 18e jour de l’incubation, portant à leur extrémité les plumes néoptiles. Le mode d’attache de ces deux générations successives de plumes est très variable dans le cas de la ptéryle alaire (Jones, 1907; Watterson, 1942). Les barbes néoptiles peuvent fusionner en un calamus très court (0,2 mm) qui se scinde à sa base en barbes téléoptiles (Fig. 5). Dans le cas extrême, le calamus néoptile ne s’individualise pas (Fig. 2), chaque barbe néoptile est alors portée par l’extrémité d’une ou de deux barbes téléoptiles. Tous les cas intermédiaires peuvent se présenter (Figs. 3, 4).

Figures 1–5

Mode de remplacement des rémiges néoptiles (TV) par les rémiges téléoptiles (T) chez le Canard et le Poulet, ×30

Fig. 1. Canard âgé de 45 jours. Noter la grande longueur du calamus (C). La plupart des caps (cloisons transversales) ont été retirés en même temps que la pulpe dermique afin de faciliter le montage entre lame et lamelle.

Figs. 2–5. Poulet âgé de 2 jours. La gaine cornée, particulièrement adhérente à la jonction des deux plumes a été ôtée. Les barbes néoptiles restent tantôt indépendantes les unes des autres; elles se trouvent alors dans le prolongement d’une ou de deux barbes téléoptiles (Fig. 2). Tantôt elles fusionnent soit du côté crânial pour former un court rachis (R) (Fig. 3), soit du côté crânial et du côté caudal pour former un rachis (R) et un hyporachis (H) rudimentaires (Fig. 4), attachés à un calamus très court (C) (Fig. 5).

Figures 1–5

Mode de remplacement des rémiges néoptiles (TV) par les rémiges téléoptiles (T) chez le Canard et le Poulet, ×30

Fig. 1. Canard âgé de 45 jours. Noter la grande longueur du calamus (C). La plupart des caps (cloisons transversales) ont été retirés en même temps que la pulpe dermique afin de faciliter le montage entre lame et lamelle.

Figs. 2–5. Poulet âgé de 2 jours. La gaine cornée, particulièrement adhérente à la jonction des deux plumes a été ôtée. Les barbes néoptiles restent tantôt indépendantes les unes des autres; elles se trouvent alors dans le prolongement d’une ou de deux barbes téléoptiles (Fig. 2). Tantôt elles fusionnent soit du côté crânial pour former un court rachis (R) (Fig. 3), soit du côté crânial et du côté caudal pour former un rachis (R) et un hyporachis (H) rudimentaires (Fig. 4), attachés à un calamus très court (C) (Fig. 5).

Figures 6–9

Plumes néoptiles chimères après 11 jours de culture sur la membrane chorio-allantoïdienne, formées à partir d’associations hétérospécifiques comprenant soit du derme, soit de l’épiderme tarsométatarsien. Figs. 6 et 7: ×40; Figs. 8 et 9: × 400

Fig. 6. Plume chimère d’apparence générale Canard (rachis (R) bien individualisé) résultant d’une association de derme tarsométatarsien de Canard de 12 jours et d’épiderme dorsal de Poulet de 7 jours d’incubation.

Fig. 7. Plume chimère d’apparance générale Poulet (aspect ombelliforme) résultant d’une association de derme tarsométatarsien de Poulet de 11 jours et d’épiderme dorsal de Canard de 9 jours d’incubation.

Fig. 8. Extrémité distale de type Poulet d’une barbule d’une plume résultant de l’association de derme dorsal de Canard de 9 jours et d’épiderme tarsométatarsien de Poulet de 11 jours d’incubation.

Fig. 9. Extrémité distale de type Canard (présence de fines barbicelles épineuses) d’une barbule d’une plume résultant de l’association de derme de Poulet de 7 jours et d’épiderme tarsométatarsien de Canard de 12 jours d’incubation.

Figures 6–9

Plumes néoptiles chimères après 11 jours de culture sur la membrane chorio-allantoïdienne, formées à partir d’associations hétérospécifiques comprenant soit du derme, soit de l’épiderme tarsométatarsien. Figs. 6 et 7: ×40; Figs. 8 et 9: × 400

Fig. 6. Plume chimère d’apparence générale Canard (rachis (R) bien individualisé) résultant d’une association de derme tarsométatarsien de Canard de 12 jours et d’épiderme dorsal de Poulet de 7 jours d’incubation.

Fig. 7. Plume chimère d’apparance générale Poulet (aspect ombelliforme) résultant d’une association de derme tarsométatarsien de Poulet de 11 jours et d’épiderme dorsal de Canard de 9 jours d’incubation.

Fig. 8. Extrémité distale de type Poulet d’une barbule d’une plume résultant de l’association de derme dorsal de Canard de 9 jours et d’épiderme tarsométatarsien de Poulet de 11 jours d’incubation.

Fig. 9. Extrémité distale de type Canard (présence de fines barbicelles épineuses) d’une barbule d’une plume résultant de l’association de derme de Poulet de 7 jours et d’épiderme tarsométatarsien de Canard de 12 jours d’incubation.

Figures 10–15

Rémiges néoptiles chimères et leur remplacement par les rémiges téléoptiles juvéniles. Figs. 10–12, et 14: ×30; Figs. 13 et 15: × 200

Fig. 10. A l’éclosion. Rémige néoptile chimère, résultant d’une association de mésoderme de Canard de 4 jours et d’ectoderme de Poulet de 3 jours d’incubation, sur hôte Canard. Noter la différenciation d’un rachis (R) typique de Canard, la présence de caps (C) dans le calamus, ainsi que le grand nombre de barbes (26).

Fig. 11. A l’éclosion. Rémige néoptile chimère, résultant d’une association de mésoderme de Poulet de 3 jours et d’ectoderme de Canard de 4 jours d’incubation, sur hôte Canard. Noter le petit nombre (12) de barbes et la différenciation d’un rachis (R) rudimentaire de type Poulet. La base du cylindre plumaire encore non différenciée se scinde ultérieurement (en deçà du pointillé) pour donner les premières barbes téléoptiles.

Fig. 12. Dix jours après l’éclosion. Plumes chimères résultant d’une association de mésoderme de Canard de 4 jours et d’ectoderme de Poulet de 3 jours d’incubation sur porteur Poulet. Les barbes néoptiles (N) et téléoptiles (T) sont séparées par un calamus (C) de type Canard, mais de taille réduite (comparer avec la Fig. 1), consécutivement à la diminution due à l’hôte Poulet du temps de latence entre les deux générations de plumes.

Fig. 13. Barbule d’une plume chimère de même type que celle de la Fig. 10, résultant d’une association de mésoderme de Canard de 4 jours et d’ectoderme de Poulet de 3 jours d’incubation. Noter la morphologie de type Poulet, conforme à l’origine de l’ectoderme (aspect noueux de la barbule, composée de 19 cellules).

Fig. 14. Deux jours après l’éclosion. Plumes chimères résultant d’une association de mésoderme de Poulet de 3 jours et d’ectoderme de Canard de 4 jours d’incubation, sur porteur Poulet. Remarquer la continuité entre les barbes néoptiles (N) et téléoptiles (T), caractéristique du Poulet.

Fig. 15. Barbule d’une plume chimère de même type que celle de la Fig. 11, résultant d’une association de mésoderme de Poulet de 3 jours et d’ectoderme de Canard de 4 jours d’incubation. Noter la présence de barbicelles à l’extrémité distale de la barbule, ainsi que le petit nombre (15) de cellules barbulaires, conformément à l’origine de l’ectoderme.

Figures 10–15

Rémiges néoptiles chimères et leur remplacement par les rémiges téléoptiles juvéniles. Figs. 10–12, et 14: ×30; Figs. 13 et 15: × 200

Fig. 10. A l’éclosion. Rémige néoptile chimère, résultant d’une association de mésoderme de Canard de 4 jours et d’ectoderme de Poulet de 3 jours d’incubation, sur hôte Canard. Noter la différenciation d’un rachis (R) typique de Canard, la présence de caps (C) dans le calamus, ainsi que le grand nombre de barbes (26).

Fig. 11. A l’éclosion. Rémige néoptile chimère, résultant d’une association de mésoderme de Poulet de 3 jours et d’ectoderme de Canard de 4 jours d’incubation, sur hôte Canard. Noter le petit nombre (12) de barbes et la différenciation d’un rachis (R) rudimentaire de type Poulet. La base du cylindre plumaire encore non différenciée se scinde ultérieurement (en deçà du pointillé) pour donner les premières barbes téléoptiles.

Fig. 12. Dix jours après l’éclosion. Plumes chimères résultant d’une association de mésoderme de Canard de 4 jours et d’ectoderme de Poulet de 3 jours d’incubation sur porteur Poulet. Les barbes néoptiles (N) et téléoptiles (T) sont séparées par un calamus (C) de type Canard, mais de taille réduite (comparer avec la Fig. 1), consécutivement à la diminution due à l’hôte Poulet du temps de latence entre les deux générations de plumes.

Fig. 13. Barbule d’une plume chimère de même type que celle de la Fig. 10, résultant d’une association de mésoderme de Canard de 4 jours et d’ectoderme de Poulet de 3 jours d’incubation. Noter la morphologie de type Poulet, conforme à l’origine de l’ectoderme (aspect noueux de la barbule, composée de 19 cellules).

Fig. 14. Deux jours après l’éclosion. Plumes chimères résultant d’une association de mésoderme de Poulet de 3 jours et d’ectoderme de Canard de 4 jours d’incubation, sur porteur Poulet. Remarquer la continuité entre les barbes néoptiles (N) et téléoptiles (T), caractéristique du Poulet.

Fig. 15. Barbule d’une plume chimère de même type que celle de la Fig. 11, résultant d’une association de mésoderme de Poulet de 3 jours et d’ectoderme de Canard de 4 jours d’incubation. Noter la présence de barbicelles à l’extrémité distale de la barbule, ainsi que le petit nombre (15) de cellules barbulaires, conformément à l’origine de l’ectoderme.

Figures 16–23

Développement des ailes chimères Canard-Poulet. Différenciation du plumage juvénile

Figs. 16, 19. Aile chimère à l’éclosion, résultant d’une association de mésoderme de Canard et d’ectoderme de Poulet sur hôte Canard. Elle est recouverte d’un ensemble praepennae et de praeplumulae. Celles-ci sont mieux visibles (flèche) sur la Fig. 19. (N.B.: la plupart des tectrices ont été arrachées.) Fig. 16×3; Fig. 19× 12.

Fig. 17. Détail du tégument d’une aile chimère résultant d’une association de même type que celle de la Fig. 16, à 16 jours d’incubation. Remarquer les nombreuses ébauches de praeplumulae (flèche) à la base de chaque praepennae. ×12.

Fig. 18. Jeune Poulet âgé de 14 jours et porteur à droite (flèche) d’une aile chimère résultant de l’association de mésoderme de Canard et d’ectoderme de Poulet. Les rémiges téléoptiles chimères en voie de différenciation (voir Fig. 12) n’ont pas encore émergé du follicule. Comparer avec la différenciation plumaire de Poulet de l’aile contralatérale, ainsi qu’avec celle de l’aile gauche (normale) du caneton de 21 jours de la Fig. 22.

Figs. 20, 21. Ailes chimères à l’éclosion, résultant d’une association de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard sur hôte Canard (Fig. 20) et sur hôte Poulet (Fig. 21). Les rémiges téléoptiles chimères (flèche) n’ont émergé du follicule que dans le cas de l’hôte Poulet. (N.B.: la plupart des tectrices ont été arrachées.) × 3.

Fig. 22. Caneton âgé de 21 jours et porteur à droite d’une aile chimère résultant de l’association de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard. La flèche indique la jonction hôte-greffon, au niveau de laquelle se différencient quelques tectrices humérales chimères. Noter que le développement des rémiges téléoptiles chimères est similaire à celui atteint à 14 jours sur hôte Poulet (Fig. 23). Remarquer que le caneton est par ailleurs encore entièrement recouvert de plumes néoptiles.

Fig. 23. Jeune Poulet âgé de 14 jours et porteur à droite d’une aile chimère résultant de l’association de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard. Comparer avec l’aile gauche du Poulet de la Fig. 18, ainsi qu’avec celle du caneton de la Fig. 22.

Figures 16–23

Développement des ailes chimères Canard-Poulet. Différenciation du plumage juvénile

Figs. 16, 19. Aile chimère à l’éclosion, résultant d’une association de mésoderme de Canard et d’ectoderme de Poulet sur hôte Canard. Elle est recouverte d’un ensemble praepennae et de praeplumulae. Celles-ci sont mieux visibles (flèche) sur la Fig. 19. (N.B.: la plupart des tectrices ont été arrachées.) Fig. 16×3; Fig. 19× 12.

Fig. 17. Détail du tégument d’une aile chimère résultant d’une association de même type que celle de la Fig. 16, à 16 jours d’incubation. Remarquer les nombreuses ébauches de praeplumulae (flèche) à la base de chaque praepennae. ×12.

Fig. 18. Jeune Poulet âgé de 14 jours et porteur à droite (flèche) d’une aile chimère résultant de l’association de mésoderme de Canard et d’ectoderme de Poulet. Les rémiges téléoptiles chimères en voie de différenciation (voir Fig. 12) n’ont pas encore émergé du follicule. Comparer avec la différenciation plumaire de Poulet de l’aile contralatérale, ainsi qu’avec celle de l’aile gauche (normale) du caneton de 21 jours de la Fig. 22.

Figs. 20, 21. Ailes chimères à l’éclosion, résultant d’une association de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard sur hôte Canard (Fig. 20) et sur hôte Poulet (Fig. 21). Les rémiges téléoptiles chimères (flèche) n’ont émergé du follicule que dans le cas de l’hôte Poulet. (N.B.: la plupart des tectrices ont été arrachées.) × 3.

Fig. 22. Caneton âgé de 21 jours et porteur à droite d’une aile chimère résultant de l’association de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard. La flèche indique la jonction hôte-greffon, au niveau de laquelle se différencient quelques tectrices humérales chimères. Noter que le développement des rémiges téléoptiles chimères est similaire à celui atteint à 14 jours sur hôte Poulet (Fig. 23). Remarquer que le caneton est par ailleurs encore entièrement recouvert de plumes néoptiles.

Fig. 23. Jeune Poulet âgé de 14 jours et porteur à droite d’une aile chimère résultant de l’association de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard. Comparer avec l’aile gauche du Poulet de la Fig. 18, ainsi qu’avec celle du caneton de la Fig. 22.

Figures 24–27

Plumes téléoptiles chimères et témoins. Aspect d’une aile ‘chimère’ après la réaction immunologique

Fig. 24. Tectrices humérales téléoptiles. Remarquer la différence de répartition entre la structure pennacée et duveteuse chez Je Canard (a) et le Poulet (c). La plume b a été prélevée à 29 jours sur une aile chimère formée de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard sur hôte Canard; la transition entre la structure pennacée et duveteuse est comparable à celle du témoin Poulet, mais la longueur des barbules duveteuses est conforme au type Canard, × 1,6.

Fig. 25. Barbule duveteuse, prélevée au niveau de l’ombilic de la plume chimère (b) de la Fig. 24. Les trois cellules sub-terminales à renflement pyramidal (flèche) sont typiques du Canard, ×200.

Fig. 26. Différenciation des premières rémiges et tectrices téléoptiles. Développement atteint à 3 mois chez un Canard témoin (a), à 8 jours chez un Poulet témoin (c), et à 14 jours sur une aile chimère résultant d’une association de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard sur hôte Poulet (b). La forme générale, le diamètre du cylindre matriciel, ainsi que la croissance des plumes chimères sont comparables à celles du témoin Poulet, donc conformes à la qualité du mésoderme. Noter la présence d’un ‘miroir’ (flèche) sur la face inférieure de la rémige primaire Canard, formation que l’on ne retrouve pas dans le cas de la rémige primaire chimère. (L’échelle est graduée en millimètres.)

Fig. 27. Aile ‘chimère’ résultant d’une association de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard, sur hôte Poulet, après la réaction immunologique. Il s’agit du même individu que celui de la Fig. 23, mais cette fois âgé de 1 mois 12. La réaction immunologique survenue à l’âge de 15 jours a provoqué la chute de toutes les plumes chimères et a laissé après cicatrisation une aile à surface entièrement lisse, qui s’est recouverte ensuite, d’abord sur le stylopode (S), puis sur le zeugopode (Z), de quelques plumes (flèches) dont tous les caractères sont de type Poulet; l’autopode (A) est resté aptère. Le pointillé indique le niveau d’attache de l’aile sur le porteur, × 0,6.

Figures 24–27

Plumes téléoptiles chimères et témoins. Aspect d’une aile ‘chimère’ après la réaction immunologique

Fig. 24. Tectrices humérales téléoptiles. Remarquer la différence de répartition entre la structure pennacée et duveteuse chez Je Canard (a) et le Poulet (c). La plume b a été prélevée à 29 jours sur une aile chimère formée de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard sur hôte Canard; la transition entre la structure pennacée et duveteuse est comparable à celle du témoin Poulet, mais la longueur des barbules duveteuses est conforme au type Canard, × 1,6.

Fig. 25. Barbule duveteuse, prélevée au niveau de l’ombilic de la plume chimère (b) de la Fig. 24. Les trois cellules sub-terminales à renflement pyramidal (flèche) sont typiques du Canard, ×200.

Fig. 26. Différenciation des premières rémiges et tectrices téléoptiles. Développement atteint à 3 mois chez un Canard témoin (a), à 8 jours chez un Poulet témoin (c), et à 14 jours sur une aile chimère résultant d’une association de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard sur hôte Poulet (b). La forme générale, le diamètre du cylindre matriciel, ainsi que la croissance des plumes chimères sont comparables à celles du témoin Poulet, donc conformes à la qualité du mésoderme. Noter la présence d’un ‘miroir’ (flèche) sur la face inférieure de la rémige primaire Canard, formation que l’on ne retrouve pas dans le cas de la rémige primaire chimère. (L’échelle est graduée en millimètres.)

Fig. 27. Aile ‘chimère’ résultant d’une association de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard, sur hôte Poulet, après la réaction immunologique. Il s’agit du même individu que celui de la Fig. 23, mais cette fois âgé de 1 mois 12. La réaction immunologique survenue à l’âge de 15 jours a provoqué la chute de toutes les plumes chimères et a laissé après cicatrisation une aile à surface entièrement lisse, qui s’est recouverte ensuite, d’abord sur le stylopode (S), puis sur le zeugopode (Z), de quelques plumes (flèches) dont tous les caractères sont de type Poulet; l’autopode (A) est resté aptère. Le pointillé indique le niveau d’attache de l’aile sur le porteur, × 0,6.

Ces premières rémiges téléoptiles juvéniles du Poulet ont une croissance très rapide et sont remplacées dès le deuxième mois (première mue) par les rémiges adultes. Elles atteignent au terme de leur développement 12 cm de long en moyenne, le diamètre de leur calamus n’excédant en aucun cas 2 mm.

Chez le Canard, le premier plumage téléoptile (ou juvénile) se différencie par contre très tardivement, particulièrement en ce qui concerne la ptéryle alaire. Le calamus néoptile reste indivis, continue de croître après l’éclosion et atteint 5–6 mm de long à 45 jours, date à laquelle se forment à son bord inférieur les premières crêtes barbaires téléoptiles (Fig. 1).

Ces rémiges juvéniles du Canard ont une croissance fort lente qui s’achève à 3 mois environ. Elles sont semblables aux rémiges adultes, mesurent en moyenne 20 cm de long, le diamètre de leur calamus variant de 3 à 4 mm. Les rémiges primaires comportent des barbes à lamelle ventrale translucide dont l’ensemble constitue le ‘miroir’ (Fig. 26a) (Chandler, 1916).

De plus les tectrices humérales sont très différentes dans les deux espèces: chez le Poulet, les barbes situées dans le tiers inférieur de la plume portent des barbules duveteuses sur toute ou presque toute leur longueur (Fig. 24c); chez le Canard, la portion duveteuse barbaire est progressivement plus étendue du tiers inférieur de la plume à l’ombilic (Fig. 24a); un autre caractère distinctif apparaît ultérieurement sous la forme d’un hyporachis, qui se différencie chez le Poulet exclusivement.

Les barbules duveteuses situées à la base des rémiges et des tectrices sont composées d’un plus grand nombre de cellules chez le Poulet (20 à 36) que chez le Canard (10 à 15); de plus chez celui-ci, celles qui sont situées au niveau de l’ombilic, dans le cas des tectrices humérales, présentent à leur extrémité subdistale de 2 à 4 cellules à renflements pyramidaux typiques (Chandler, 1916; Hosker, 1936).

1 Potentialités plumaires spécifiques du tégument tarso-métatarsien (Tableau 2)

Tableau 2

Plumes néoptiles chimères résultant d’associations xénoplastiques hétérotopiques de derme et d’épiderme du dos et du tarso-métatarse d’embryons de Poulet et de Canard, après 11 jours de culture sur la membrane chorio-allantoïdienne

Plumes néoptiles chimères résultant d’associations xénoplastiques hétérotopiques de derme et d’épiderme du dos et du tarso-métatarse d’embryons de Poulet et de Canard, après 11 jours de culture sur la membrane chorio-allantoïdienne
Plumes néoptiles chimères résultant d’associations xénoplastiques hétérotopiques de derme et d’épiderme du dos et du tarso-métatarse d’embryons de Poulet et de Canard, après 11 jours de culture sur la membrane chorio-allantoïdienne

Quatre types de combinaisons xénoplastiques hétérotopiques comprenant soit du derme, soit de l’épiderme tarso-métatarsien morphologiquement encore indifférencié ont été réalisés. Dans aucun des 30 cas obtenus il ne s’est différencié d’écailles, mais tout au plus quelques germes plumaires courts, mal formés ou coalescents.

Les greffons de peau chimère ne se sont recouverts que de praepennae, jamais d’un ensemble de praepennae et de praeplumulae, quel que soit le type d’association.

(a) Associations xénoplastiques de derme tarso-métatarsien et d’épiderme dorsal

L’association de derme tarso-métatarsien de Poulet de 11 jours et d’épiderme dorsal de Canard de 9 jours d’incubation a abouti, après 11 jours de culture sur la membrane chorio-allantoïdienne, à la formation de praepennae de petite taille (2 à 3 mm) dont la morphologie générale est de type Poulet. Elles possèdent en effet de 10 à 14 barbes réunies en ombelle (Fig. 7). Cependant les barbules sont de type Canard par le nombre de leur cellules (7 à 14) et la présence de 2 barbicelles épineuses sur chacune des 3 à 6 cellules situées à leur extrémité libre.

L’association de derme tarso-métatarsien de Canard de 12 jours et d’épiderme dorsal de Poulet de 7 jours d’incubation a conduit à la formation de plumes néoptiles chimères de 3 à 4 mm de long et comportant un rachis de type Canard (Fig. 6). Le nombre de barbes, lia 18, relativement peu élevé, est fort comparable à celui des plumes de la ptéryle crurale du Canard. Mais, les barbules, noueuses, sont de type Poulet par le nombre de cellules (15 à 20) et par l’absence de barbicelles.

(b) Associations xénoplastiques d’épiderme tarso-métatarsien et de derme dorsal

Les plumes néoptiles qui se sont différenciées dans les associations d’épiderme tarso-métatarsien de Canard de 12 jours et de derme dorsal de Poulet de 7 jours d’incubation possèdent un aspect ombelliforme, mesurent de 2 à 3 mm de long et portent de 9 à 16 barbes, de type Poulet. Les barbules cependant sont de type Canard: elles sont composées de 9 à 14 cellules dont les 5 ou 6 situées à leur extrémité libre sont porteuses chacune de deux barbicelles (Fig. 9).

Inversement, les praepennae obtenues à partir d’associations d’épiderme tarso-métatarsien de Poulet de 11 jours et de derme dorsal de Canard de 9 jours d’incubation présentent une architecture typique de Canard; elles possèdent un rachis bien différencié, porteur de 18 à 30 barbes et mesurent 6–7 mm. Mais les barbules, noueuses, composées de 15 à 25 cellules, sont de type Poulet (Fig. 8).

2 Associations xénoplastiques précoces de tissus plumigènes: mésoderme et ectoderme alaires de Poulet de 3 jours et de Canard de 4 jours d’incubation

(a) Développement des bourgeons d’aile chimères (Tableau 3)

Tableau 3

Protocole expérimental des associations xénoplastiques de mésoderme et d’ectoderme alaire

Protocole expérimental des associations xénoplastiques de mésoderme et d’ectoderme alaire
Protocole expérimental des associations xénoplastiques de mésoderme et d’ectoderme alaire

La greffe de mésoderme ou d’ectoderme hétérospécifique effectuée sur des hôtes de 3 jours (Poulet) et de 4 jours (Canard) d’incubation est parfaitement tolérée. Les bourgeons d’aile chimères ont un développement embryonnaire quasi-normal (Figs. 16, 20, 21).

A l’éclosion, les ailes greffées, recouvertes de plumes de duvet néoptile chimères, et déjà, dans certains cas, de quelques rémiges téléoptiles en cours de croissance, sont d’apparence extérieure saine. Bien que le squelette soit normalement constitué, elles ne sont pas douées de motilité. De plus les articulations s’enkylosent très rapidement.

Mais leur développement post-natal se heurte dans tous les cas à une réaction immunologique semblable en tous points à la host-graft reaction décrite par Eastlick (1941), même dans le cas des greffes homospécifiques (Saunders & Gasseling, 1959). La date où survient ce rejet dépend du degré de parenté entre le donneur et l’hôte ainsi que de l’espèce de celui-ci. Dans le cas de greffes Poulet/Poulet elle peut n’apparaître qu’au bout de plusieurs semaines à quelques mois (Saunders & Gasseling, 1959). Dans le cadre de nos expériences, elle s’est produite du 4e au 15e jour après l’éclosion chez les porteurs Poulet, autour du 25e jour chez les porteurs Canard. Elle se manifeste toujours par le même syndrome, que le tissu étranger soit ectodermique ou mésodermique: l’aile devient oedémateuse, la peau très tendue se rompt par endroits, laissant s’écouler un exsudât séreux; de petites hémorragies sont fréquentes. Toutes les plumes cessent leur croissance et tombent. Finalement l’aile toute entière est recouverte d’une croûte brunâtre, son devenir ultérieur étant variable.

Dans 2 cas, le membre desséché et noirâtre a été perdu définitivement; il s’est détaché de l’hôte par une constriction. Dans 14 cas, l’aile a continué à évoluer, sa croissance n’étant importante que dans un seul cas (mésoderme Canard/ ectoderme Poulet sur hôte Poulet), qui a présenté par la suite une deuxième réaction, bénigne mais chronique; dans les 13 autres cas la croissance a été fort lente et disharmonieuse. La croûte en tombant a laissé à découvert une peau lisse et saine. Celle-ci s’est recouverte quelques semaines plus tard d’une nouvelle différenciation plumaire, dans 5 cas seulement (1 mésoderme Canard/ ectoderme Poulet sur hôte Poulet, 1 mésoderme Poulet/ectoderme Canard sur hôte Canard, 3 mésoderme Poulet/ectoderme Canard sur hôte Poulet). Ces plumes, dont tous les caractères morphologiques sont conformes à l’hôte apparaissent tout d’abord à la base de l’aile, leur extension finale ne dépassant pas la région zeugopodiale (Fig. 27).

(b) Différenciations plumaires des ailes composées de mésoderme de Canard et d’ectoderme de Poulet (Tableau 4)

Tableau 4

Rémiges secondaires néoptiles chimères (associations xénoplastiques d’ectoderme et de mésoderme alaires de Poulet de 3 jours et de Canard de 4 jours d’incubation)

Rémiges secondaires néoptiles chimères (associations xénoplastiques d’ectoderme et de mésoderme alaires de Poulet de 3 jours et de Canard de 4 jours d’incubation)
Rémiges secondaires néoptiles chimères (associations xénoplastiques d’ectoderme et de mésoderme alaires de Poulet de 3 jours et de Canard de 4 jours d’incubation)

A l’éclosion, l’aile est encore entièrement recouverte de plumes néoptiles.

Dans 41 cas sur 58 (70%) des praeplumulae typiques se sont formées à la base de chaquepraepenna (Figs. 17, 19), conformément à la disposition du complexe plumeux néoptile du Canard. Dans les 17 autres cas, de petites plumes se sont différenciées entre les praepennae mais leur petit nombre et leur disposition irrégulière ne permet pas d’affirmer qu’elles font partie d’un complexe plumeux bien organisé.

Les rémiges secondaires néoptiles possèdent un rachis bien développé et de 18 à 26 barbes (Fig. 10). Leur architecture est ainsi conforme à celle d’une praepenna de Canard. Notons que la longueur de ces plumes est plus grande (16,5 mm) sur porteur Canard que sur porteur Poulet (11 mm).

Cependant, les barbules ont une morphologie typique de Poulet: elles comportent en effet de 16 à 24 cellules dont aucune n’est porteuse de barbicelles (Fig-B).

Un seul porteur Canard a survécu au-delà de l’éclosion. 11 ne présentait à 21 jours (date de la host-graft reaction) aucune différenciation de pennes. Rappelons que chez le Canard celle-ci n’a lieu qu’au bout de 45 jours. Deux hôtes Poulet ont présenté une réaction immunologique tardive. Lors de celle-ci, respectivement à 10 et 15 jours, les premières barbes des plumes téléoptiles, non encore visibles extérieurement (Fig. 18), s’étaient différenciées au fond du follicule (Fig-12).

De plus, les barbes néoptiles et téléoptiles étaient séparées par un cylindre indivis, contenant de nombreuses cloisons transversales (caps) et correspondant au calamus. Ce mode de remplacement est caractéristique du Canard. La moins grande longueur du calamus−1,5–3 mm au lieu de 5–6 mm − est vraisemblablement due au temps de latence qui sépare la différenciation barbaire des deux générations de plumes; celui-ci étant réduit à une dizaine de jours dans le cas d’un hôte Poulet, par rapport à la durée normale de 45 jours chez le Canard.

Ainsi le mésoderme de Canard impose à l’ectoderme de Poulet qui lui est associé le caractère tardif de la différenciation du plumage téléoptile. Cependant l’espèce du porteur a une influence: le Poulet diminue le temps de latence, peut-être du fait de son activité thyroïdienne plus précoce (Voitkevich, 1966).

(c) Différenciations plumaires des ailes composées de mésoderme de Poulet et d’ectoderme de Canard (Tableau 4). Dans aucun des 37 cas obtenus il ne s’est formé de praeplumulae.

Les rémiges secondaires néoptiles, de 8 mm de long en moyenne, possèdent de 11 à 15 barbes (Fig. 11). Celles-ci restent indépendantes les unes des autres sur toute leur longueur ou fusionnent dorsalement et ventralement en un rachis et un hyporachis tous deux rudimentaires. Lorsque le calamus s’individualise, il est très court, de l’ordre de 0,2 mm environ et ne contient pas de cloisons transversales. La morphologie générale de ces plumes est donc de type Poulet.

Les barbules, par contre (Fig. 15), composées de 9 à 15 cellules, dont 3 à 8 situées à leur extrémité libre, porteuses chacune de 2 barbicelles en forme de fines épines, sont de type Canard.

La différenciation des premières barbes téléoptiles (rémiges) fait immédiatement suite à celle des barbes néoptiles, selon le type Poulet (Figs. 14, 21).

Sur les hôtes Canard, les rémiges juvéniles chimères n’ont pas encore émergé du follicule au moment de l’éclosion (Fig. 20); elles ont une dizaine de jours de retard par rapport aux plumes résultant de la même combinaison mais greffée sur un hôte Poulet.

Dix à 15 jours après l’apparition de la rémige téléoptile, la partie émergente de celle-ci (3–5 cm de long), sa forme générale ainsi que le diamètre de son cylindre matriciel (1,5 mm) sont tout à fait semblables aux caractéristiques des premières pennes du Poulet (Figs. 22, 23, 26b).

Au moment où survient la réaction immunologique, les barbes proximales des rémiges ne sont pas encore différenciées. Par contre, la croissance des moyennes sus-alaires (hôte Poulet), des moyennes et des grandes sus-alaires ainsi que des tectrices humérales (hôte Canard) est pratiquement achevée, les barbules duveteuses s’étant différenciées. Celles-ci sont composées d’un petit nombre de cellules (13 à 16) de type Canard. De plus, celles situées au niveau de l’ombilic dans le cas des tectrices humérales présentent de 3 à 4 cellules à renflement pyramidal caractéristique du Canard, situées à leur extrémité sub-distale (Fig. 25).

D’autre part, la répartition entre structure pennacée et duveteuse dans le cas des tectrices humérales est de type Poulet (Fig. 24 b). Il convient de remarquer qu’à 21 jours les canetons dont l’aile chimère porte des plumes téléoptiles, sont par ailleurs encore entièrement recouverts de plumes de duvet (Fig. 22).

Ainsi le mésoderme de Poulet impose à l’ectoderme de Canard qui lui est associé le caractère précoce de la différenciation du plumage téléoptile, bien que celle-ci puisse être freinée par un porteur Canard.

Les informations plumaires spécifiques ne sont pas limitées aux seules régions plumigènes mais réparties dans tout le tégument embryonnaire. Elles sont localisées dans le mésoderme dermique pour les unes, dans l’ectoderme pour les autres, et cela dès 3 jours au moins chez le Poulet, 4 jours au moins chez le Canard. L’ectoderme, seul tissu constitutif de la plume, possède l’information nécessaire à la morphogenèse spécifique des barbules (nombre et ornementation des cellules barbulaires), mais dépend du mésoderme pour sa croissance et son architecture plumaire spécifique.

Le mésoderme détermine la morphologie générale des plumes néoptiles chimères, celle des plumes téléoptiles qui leur succèdent ainsi que le mode de remplacement des premières par les secondes; l’ectoderme est seul responsable de la morphogenèse spécifique des barbules, néoptiles et téléoptiles.

De plus, la date d’apparition et la croissance des plumes juvéniles est conforme à l’origine des constituants mésodermiques de l’aile. La qualité spécifique de l’hôte a cependant une influence: le développement plumaire des ailes chimères comportant du mésoderme de Poulet est freiné sur un hôte Canard, et inversement le temps de latence entre les deux générations des plumes chimères de type général Canard est réduit de 45 à 10 jours sur un hôte Poulet. Ce résultat rejoint une observation de Cairns (1963) selon laquelle le porteur influe sur la croissance des ailes lors de greffes interspécifiques de bourgeons d’aile entiers.

D’autre part, le mésoderme alaire de Canard provoque la différenciation des praeplumulae caractéristiques du plumage néoptile des Ansériformes. Remarquons que cette différenciation n’a jamais été obtenue en greffe chorio-allan-toïdienne dans les cas d’associations xénoplastiques de derme et d’épiderme de Canard et de Poulet de 7–12 jours, mais seulement dans celui d’associations témoins Canard/Canard (Dhouailly, 1967).

De nombreux problèmes restent à résoudre.

La persistance de l’aile après la réaction immunologique de rejet semble indiquer une migration proximo-distale des cellules de l’hôte. Celle-ci s’est-elle réalisée au cours de l’embryogenèse, ou au moment de la host-graft reaction ou bien encore lors de la cicatrisation?

Par ailleurs, lors de la formation des plumes téléoptiles chimères, toutes les informations spécifiques et en particulier celles concernant la morphologie générale de la plume ont-elles été transmises définitivement du derme à l’épiderme? Autrement dit, l’épiderme folliculaire devient-il autonome par rapport à la papille dermique, dont le rôle se limiterait dès lors à sa fonction trophique?

On pourrait ainsi distinguer deux phases dans la différenciation spécifique du plumage. Pendant la première, qui est embryonnaire et aboutit à la formation du plumage néoptile, le derme et l’épiderme apportent chacun pour sa part l’information nécessaire à la différenciation spécifique de la plume du duvet: le derme en fixe l’architecture générale, l’épiderme la morphologie barbulaire. Pendant la seconde phase, qui aboutit au plumage téléoptile et s’étend de la fin de la vie embryonnaire (chez le Poulet) ou du début de la vie post-natale (chez le Canard) à l’état adulte, seul l’épiderme serait le dépositaire des informations spécifiques nécessaires à la différenciation des plumes juvéniles et adultes.

Une telle conception est en accord avec les résultats concernant le déterminisme de la spécificité régionale du plumage chez le Poulet:chez l’embryon, c’est le derme qui impose la qualité régionale des plumes (Cairns & Saunders, 1954); chez l’adulte, c’est l’épiderme folliculaire qui en est seul responsable (Lillie & Wang, 1943).

De nouvelles expériences tenteront de vérifier ou de nier l’exactitude de cette conception, et dans l’affirmative d’élucider les mécanismes de ce transport d’information du derme à l’épiderme.

The determination of specific differentiation of neoptile and teleoptile feathers in the chick and the duck

Earlier experiments have shown that some of the factors involved in the specific differentiation of neoptile feathers reside in the dermis, and determine the general architecture of the feather; others reside in the epidermis, and determine the structure of the barbule cells.

New duck/chick interspecific associations have been carried out: 11-to 12-day tarsometatarsal epidermis/7-to 9-day dorsal dermis; 7- to 9-day dorsal epidermis/11- to 12-day tarso-metatarsal dermis; 3- to 4-day wing ectoderm/3- to 4-day wing mesoderm.

The results show that the information for the specific differentiation of the barbule cells (presence or absence of barbicelle spines) is already contained in the 3- to 4-day wing ectoderm, as well as in the 11- to 12-day tarso-metatarsal epidermis, which under normal conditions would not form feathers, but only scales.

On the other hand, the dermis (including that of the tarso-metatarsus) possesses the necessary information for the development of the rachis and the general pattern of the feather. Furthermore the duck wing mesoderm induces the formation and arrangement of the typical duck praeplumulae around the praepennae.

The timing of the appearance of teleoptile feathers, as well as the mode of replacement of neoptile feathers, is controlled by the mesodermal tissues of the wing. However, the host species has a limited influence on the time of appearance of the teleoptile plumage.

Ce travail constitue une partie de la thèse qui sera présentée par l’auteur devant la Faculté des Sciences pour l’obtention du grade de docteur d’Etat ès sciences.

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