ABSTRACT
L’un des aspects intéressants de l’oogénèse de Dytiscus marginalis est la formation, à partir d’une même oogonie, et au cours de quatre mitoses différen-tielles, d’un oocyte et de quinze cellules nourricières. Dès la première mitose différentielle, le noyau de l’oocyte se caractérise par la présence d’une masse de chromatine qui lui est propre et ne se retrouve donc pas dans les cellules nourricières (Giardina, 1901). Cette masse Feulgen positive de la vésicule germi-native se désagrège assez vite et se fragmente de plus en plus au cours de la période d’accroissement de l’oocyte tandis qu’augmente parallèlement la quan-tité de RNA présente dans son noyau (Urbani, 1950; Urbani & Russo-Caia, 1964; Bier & Ribbert, 1966; Kaori Kato, 1968).
Dans l’oogénèse d’autres Insectes aussi, on observe des corpuscules extra-chromosomiaux dont le comportement ressemble à celui du dytique. Une analyse soigneuse de ces formations au niveau cytochimique et ultrastructural a été réalisée par Lima-De-Faria (1962), Lima-De-Faria & Moses (1966), Bier, Kunz & Ribbert (1967), Lima-De-Faria et al. (1968).
Au cours de son développement, l’oocyte reste associé, d’une part, aux quinze cellules nourricières qui proviennent de la même oogonie et, d’autre part, à un groupe de cellules folliculeuses qui forment une gaine plus ou moins complète autour de lui.
Pendant la période d’accroissement, les cellules nourricières augmentent également de taille et leurs noyaux, par une suite d’endomitoses, accroissent considérablement leur teneur en DNA, tout en augmentant de volume. A des stades ultérieurs, ces cellules dégénèrent et leurs résidus sont résorbés par l’oocyte.
Urbani & Russo-Caia (1964) ont étudié, par des méthodes cytochimiques et autoradiographiques en microscopie photonique, le métabolisme des acides nucléiques de l’oocyte et des cellules nourricières. Ils ont montré, entre autres choses, que dans les cellules nourricières il y a passage d’un matériel Feulgen positif du noyau vers le cytoplasme. Ces résultats ont depuis été confirmés par d’autres techniques: Ficq & Urbani (1969) ont pu ‘colorer’ des coupes d’ovariole par l’actinomycine-H3 et mettre ainsi en évidence la présence d’un DNA cyto-plasmique autour des noyaux des cellules nourricières.
Au microscope électronique, Bertolini & Urbani (1964) ont vu ce matériel Feulgen positif sous l’aspect de granules denses et ont montré que ceux-ci se fusionnent au voisinage de la membrane nucléaire en masses plus grosses, autour desquelles viennent s’accoler un grand nombre de mitochondries.
L’autoradiographie à haute résolution nous a permis, d’autre part, de montrer que ces granules sont marqués après injection de thymidine tritiée dans la cavité générale du dytique (Urbani & Steinert, trav. en cours).
Continuant à explorer les possibilités d’échanges qui existent entre les trois types cellulaires de l’ovariole, nous résumons ici quelques observations faites à l’échelle ultrastructurale sur les ponts cytoplasmiques qui unissent les oocytes, les cellules nourricières et les cellules folliculeuses: quelques résultats ont fait l’objet d’une communication préliminaire (Steinert & Urbani, 1968).
MATERIEL ET METHODES
Les ovarioles de dytique ont été fixés dans du tétroxyde d’osmium à 1 ou 2% dans du tampon Millonig et inclus dans du Vestopal W ou de l’Araldite. Toutes les coupes ont été faites, dans des plans plus ou moins parallèles au grand axe de l’ovariole, au moyen d’un ultrotome LKB muni de couteaux de verre. Elles ont été colorées à l’acétate d’uranyle et au citrate de plomb suivant la technique de Reynolds. Les micrographies ont été prises avec un microscope AE1 EM 6B.
Nos observations ont porté sur différents stades du début de l’oogénèse: ceux de la chambre terminale où se font les mitoses différentielles et ceux des premières unités germinales.
Les observations en microscopie photonique ont été effectuées à l’aide de la technique d’identification des mitochondries de Novelli (1959).
RESULTATS
Les échanges entre l’oocyte et les cellules folliculeuses sont probablement facilités, dès le début de l’oogénèse, par un réseau important de microvillosités situé entre les deux types de cellules. Les microvillosités de l’oocyte sont parti-culièrement développées aux endroits correspondant à la jonction de deux cellules folliculeuses comme le montrent les fig. 1 et 2. D’autre part, les mem-branes cellulaires de ces cellules sont interrompues par endroits, où se mettent en communication les cytoplasmes de cellules voisines. Notons, dans ce cyto-plasme, la présence de mitochondries d’aspect classique.
Développement de microvillosités entre un groupe de cellules folliculeuses et l’oocyte, x 11.500.
En ce qui concerne les cellules nourricières les plus proches de l’oocyte, nous avons pu mettre en evidence, en microscopie photonique, par la coloration de Novelli, considérée comme spécifique des mitochondries, une région positive qui s’étend du noyau d’une cellule nourricière jusqu’au cytoplasme de l’oocyte (fig. 3 et 4). Nous avons examiné ces mêmes régions au microscope électronique et nous y avons effectivement retrouvé (fig. 5) une très grande concentration de mitochondries, face à l’ouverture, souvent très large, qui met en contact le cytoplasme de la cellule nourricière avec celui de l’oocyte. Cette ouverture — que nous appellerons zone de communication — est limitée par une structure particulière associée aux membranes plasmatiques. L’examen de coupes trans-versales (fig. 6) et tangentielles (fig. 7, 10) de cette structure semble bien montrer qu’il s’agit d’un collier dont la face interne, légèrement convexe, serait formée de fibres (ou tubules) circulaires. Ces fibres ont approximativement 300 à 400 Â de diamètre. Ces structures séparent tant un oocyte d’une cellule nourricière que deux cellules nourricières voisines (fig. 10).
Oocyte et cellules nourricières après la coloration de Novelli. La zone de communication entre le cytoplasme de l’oocyte et d’une cellule nourricière est positive, x 225.
Zcne de communication entre un oocyte et une cellule nourricière dans une des premières unités germinales qui suivent la chambre terminale, x 11.500.
Structure de l’organite limitant la zone de communication entre un oocyte et une cellule nourricière. Les fibres associées à cet organite sont vues en coupe trans-versale. x 45.000.
Coupe plus ou moins tangentielle d’une zone de communication entre cellule nourricière et oocyte, x 11.500.
Idem à plus fort grossissement. Dans le cytoplasme de l’oocyte on remarque des organites denses, x 45.000.
Autre aspect de ces organites dans le cytoplasme de l’oocyte: structure plus lamellaire. La flèche indique une association plus ou moins étroite entre un organite dense et une mitochondrie, x 60.000.
Coupe plus ou moins tangentielle à une zone de communication entre deux cellules nourricières, x 11.500.
Sur les fig. 8 et 9, nous voyons, dans le cytoplasme de l’oocyte, des organites assez denses, limités par une membrane qui parfois apparait double et dont la structure interne, hétérogène, est souvent lamellaire. Ces organites sont fréquem-ment mêlés aux mitochondries et, dans certaines zones de communication, constituent la grande majorité des structures présentes dans le faisceau. Ils sont cependant situés le plus souvent dans le cytoplasme de l’oocyte.
DISCUSSION
Alors que les cytoplasmes des cellules nourricières et de l’oocyte sont, comme nous venons de le montrer, en communication par de larges ouvertures permet-tant le passage éventuel d’organites de taille assez importante, jamais de telles communications ne s’observent entre l’oocyte et les cellules folliculeuses. Ce fait suggère que les contributions de ces deux types cellulaires à l’élaboration des réserves de l’oocyte doivent être différentes.
Les zones de communication que nous trouvons entre l’oocyte et les cellules nourricières les plus proches de celui-ci semblent avoir un caractère permanent, étant donné la fréquence avec laquelle nous les avons trouvées. Leur présence ne semble donc pas liée aux cycles métaboliques qui ont été mis en évidence dans les cellules nourricières par l’un de nous (Urbani & Russo-Caia, 1964). Il n’est pas exceptionnel de retrouver ce même type de communication entre deux cellules nourricières voisines: on se souviendra, en effet, de la disposition de ces cellules, toutes d’un même côté de l’oocyte et dont un certain nombre ne sont pas en contact direct avec celui-ci.
En ce qui concerne les mitochondries et les organites denses que nous obser-vons dans les zones de communication, il paraît logique de penser qu’il existe, entre ces éléments, une certaine parenté: les mitochondries pourraient être à l’origine de ces organites denses et participer, en se transformant, à l’édification de substances de réserves. On sait que les mitochondries sont capables de nombreuses synthèses, notamment de protéines et qu’elles possèdent aussi les enzymes nécessaires à la synthèse des lipides. L’aspect lamellaire de certains organites denses fait penser à des structures lipidiques. Il faut signaler, d’ailleurs, la présence dans le cytoplasme de certaines cellules nourricières et, surtout, dans celui de l’oocyte, d’importantes inclusions de graisses.
L’accumulation de réserves dans des mitochondries a été décrit à plusieurs reprises. Dans le genre Rana, les mitochondries de l’oocyte accumulent des protéines vitellines et des globules lipidiques et seraient à l’origine de ces deux types de réserves. (Ward, 1962; Lanzavecchia, 1965). Chez Xenopus laevis, Balinsky & Devis (1963) ont décrit la transformation de mitochondries en organites qui pourraient être des précurseurs de plaquettes vitellines. Plus récemment, Sentein & Humeau (1968) ont observé dans les jeunes oocytes de Triturus helveticus la formation d’un réseau cristallin possédant les mêmes caractéristiques que celui des plaquettes vitellines. Chez la planorbe, Favard & Carasso (1958) ont montré, de façon très convaincante, que cette transformation est l’une des voies de l’édification des plaquettes vitellines. Bien que celles-ci, chez le dytique, ne soient décelables, en microscopie photonique, qu’à des stades beaucoup plus tardifs, il ne nous paraît cependant pas exclu de voir, dans ces organites denses, les lointains précurseurs des plaquettes vitellines. Il faudrait, pour confirmer cette hypothèse, étendre nos observations à des stades plus avancés de l’oogénèse. Soulignons le rôle important que semblent jouer les mitochondries dans l’oogénèse du dytique: leur association, à un DNA amplifié, expulsé du noyau des cellules nourricières, d’une part, leur transformation éventuelle en plaquettes vitellines, d’autre part, méritent une attention particulière.
RESUME
L’oocyte de Dytique est séparé des cellules folliculeuses par un important réseau de microvillosités et communique avec les cellules nourricières par de larges ouvertures limitées par une structure annulaire formée de fibres.
Les zones de communication sont encombrées de mitochondries auxquelles se mêlent, dans le cytoplasme de l’oocyte principalement, des organites plus denses à structure interne hétérogène.
Ces organites pourraient provenir de la transformation de mitochondries et être les précurseurs des plaquettes vitellines. Cette possibilité est discutée.
SUMMARY
Intercellular communications in the ovarioles of Dytiscus marginalis L
A dense network of microvilli lies between the follicular cells and the oocyte; large openings bounded by annular structures formed of fibres represent a direct connection between oocyte and nurse cells.
In the communicating regions, numerous mitochondria are seen, as well as denser organelles with a heterogeneous internal structure: the latter are particularly numerous in the cytoplasm of the oocyte.
These organelles may be derived from mitochondria and perhaps consti-tute the precursors of the yolk platelets. This possibility is discussed.
Acknowledgements
E. Urbani exprime ses vifs remerciements au Consiglio Nazionale delle Ricerche et à Shell International Research pour l’aide financière qui a permis son séjour à l’Université de Bruxelles.