ABSTRACT
La découverte par Waldeyer (1870) des cellules sexuelles ou ‘Ureier’ dans l’épithélium germinatif péritonéal d’embryons de poulet de 3 et 4 jours, ouvrit la voie à toute une série de travaux sur l’origine et la filiation des cellules germinales chez les Vertébrés.
Goette (1875) chez le crapaud, puis Rubaschkin (1908, 1912), Fuss (1911, 1912), Vanneman (1917) et Politzer (1928, 1930) chez les Mammifères, ont estimé les premiers que les gonocytes primordiaux doivent être considérés comme la souche unique de toutes les cellules sexuelles de l’individu, affirmé leur origine extra-embryonnaire et leur pouvoir migratoire.
Les travaux de Vanneman (1917) sur le tatou, et ceux plus récents effectués par Witschi (1948) sur le foetus humain, par Everett (1943), Chiquoine (1954) et Mintz (1957, 1960) sur la souris, et par Beaumont & Mandl (1963) sur le rat, montrent que, chez ces espèces, les cellules germinales primordiales sont observables à des stades plus ou moins précoces du développement embryonnaire; ces cellules, situées d’abord dans l’endoderme de la vésicule ombilicale et dans le mésoderme, au niveau de l’évagination allantoïdienne, migrent ensuite le long de l’intestin par l’intermédiaire du mésentère dorsal, pour aboutir enfin dans les crêtes génitales.
Nous avons repris, pour le lapin, l’étude de l’origine et de la migration des cellules germinales.
TECHNIQUES
Quarante embryons appartenant à l’espèce grise commune ont été étudiés.
Les embryons sont prélevés à 9 jours, puis tous les deux jours entre le l0ème et le 28ème jour de la vie foetale; l’äge des embryons, exprimé en ‘jours post-coïtum’ est égal au temps écoulé entre la copulation et le sacrifice de la femelle.
Selon l’äge et la taille, les embryons ou les gonades isolées sont inclus dans la paraffine à 56° et débités en coupes sériées de 7,5μ d’épaisseur.
La méthode de Gomori-Takamatsu, utilisée chez l’homme, le rat et la souris pour différencier électivement les cellules germinales primordiales par la mise en évidence à leur niveau de phosphatase alcaline, s’est révélée peu efficace dans le cas du lapin; ses résultats ont été trop inconstants pour qu’elle soit retenue.
Finalement, les coupes ont été colorées par l’hémalun-éosine qui permet une bonne differénciation des gonocytes primordiaux; ceux-ci ont été identifiés d’après les critères suivants: (1) diamètre du noyau au moins égal à 11 μ (nettement supérieur à celui des cellules somatiques); (2) faible colorabilité; (3) présence d’un amas chromatinien au centre du noyau; (4) contour cellulaire sphérique et net (Planche 1, figs. A, B).
MIGRATION DES CELLULES GERMINALES
Localisation
Afin de localiser facilement les cellules germinales au cours de la phase migratoire, il a été procédé, pour chaque embryon, à deux reconstitutions, l’une en coupe sagittale, l’autre en vue ventrale. Dans chaque reconstitution en coupe sagittale n’ont été représentées à l’intérieur de la crête génitale que les cellules germinales contenues dans la crête droite de l’embryon. Par contre toutes les cellules en voie de migration ont été représentées.
Dès le 9ème jour, des cellules germinales ont pu être dénombrées dans l’endoderme, au niveau de l’intestin postérieur et en arrière de celui-cï et d’autres dans le mésoderme du bourrelet allantoïdien (Planche, 1 figs. C, D).
Le lOème jour, les cellules germinales apparaissent massées dans le méso-derme du bourrelet allantoïdien, tout autour du pédicule allantoïdien. Certaines, localisées dans le mésoderme qui tapisse les parois de l’intestin, ont déjà commencé à migrer vers les crêtes génitales (Planche 1, figs. E, F).
Le 12ème jour, deux tiers des cellules germinales sont encore distribués en dehors des crêtes génitales, apparaissant soit autour de l’intestin dans sa partie postérieure, soit dans le mésentère dorsal qui relie l’intestin à la cavité abdominale (Planche 1, fig. G; Planche 2, fig. H). Chez les embryons étudiés à ce stade, les gonocytes, répartis dans le mésentère dorsal, forment une colonne verticale, perpendiculaire à l’axe du corps et localisée au niveau du tiers inférieur des crêtes génitales. Le reste des cellules germinales est déjà logé dans les crêtes génitales ou bien se trouve dans leur voisinage immédiat. Les cellules germinales n’ont cependant pas entièrement colonisé le tiers antérieur des crêtes génitales.
Le 14ème jour, les proportions sont inversées par rapport au stade précédent. Deux tiers des cellules germinales sont répartis dans les crêtes génitales. Celles-ci sont maintenant colonisées sur presque toute leur longueur. Les cellules formant le dernier tiers se trouvent presque toutes à proximité des gonades primitives, la majorité d’entre elles étant dans le mésentère dorsal de l’intestin, les autres dans le mésenchyme au-dessus des crêtes génitales (Planche 2, figs. I, J). Cependant, nous avons observé une demi-douzaine de cellules germinales dans le mésentère ventral de l’intestin.
A 16 jours, le plupart des gonocytes primordiaux se trouvent dans les gonades qui sont sexuellement différenciées (Planche 2, fig. M). Certains, cependant, sont encore dans le mésenchyme situé immédiatement au-dessus des gonades.
Quelques rares cellules germinales n’ont pas encore atteint le niveau des gonades et sont visibles, en coupe sagittale, dans le mésentère qui rattache la face dorsale de l’intestin à la base de ces dernières (Planche 2, figs. K, L).
L’étude des embryons ägés de 18 et 20 jours n’a pas permis d’observer un seul gonocyte primordial en dehors des gonades.
Migration
Ainsi, les cellules germinales primordiales du lapin, issues de la partie postérieure de l’aire embryonnaire, au niveau du bourrelet allantoïdien et de l’intestin postérieur se déplacent entre le 9ème et le 18ème jour qui suivent le coït. Elles empruntent le trajet suivant :
Elles contournent d’abord l’intestin, montent vers les crêtes génitales, en traversant le mésentère dorsal et arrivent au niveau de l’aorte; elles se dirigent ensuite directement vers les crêtes, latéralement par rapport au mésentère, en empruntant les racines de ce dernier dans les angles de la cavité coelomique. Les cellules sexuelles paraissent se déplacer selon deux directions, dont la simulta-néité conditionne le sens de la migration. La première de ces directions, postéroantérieure, suit l’axe de symétrie de l’embryon. Les cellules sexuelles, issues de la partie postérieure du corps, finissent par arriver au niveau des crêtes génitales situées dans la partie moyenne (Fig. 1). La seconde est ascendante, les cellules germinales passant progressivement du mésentère ventral de l’intestin jusqu’au niveau de l’aorte dorsale qu’elles atteignent aux environs des crêtes génitales. Ces deux directions, apparemment divergentes, sont suivies simultanément dans le même plan par les cellules germinales. La période comprise entre le départ de ces dernières dans la région allantoïdienne et leur arrivée sous l’aorte dorsale constitue pour chacune d’elles le premier temps de la migration (Fig. 1).
Les cellules germinales pénétrent ensuite dans les racines latérales du mésentère, s’élèvent au-dessus des crêtes génitales et finissent par s’y engager. Ce dernier mouvement, qui correspond au deuxième temps de la migration, s’effectue dans un plan perpendiculaire au plan de symétrie de l’embryon (l’ensemble des observations est résumé dans le Tableau 1). La région antérieure des crêtes génitales n’est jamais colonisée par les cellules germinales primordiales. La région postérieure, au contraire, renferme de nombreuses cellules sexuelles à 12 et 14 jours, mais elle apparaît vide, elle aussi, deux jours plus tard.
On peut donc conclure, d’une part que la partie postérieure des crêtes génitales est colonisée la première, puis la partie moyenne, d’autre part que les cellules germinales qui ont atteint les crêtes dans leur partie postérieure migrent à travers elles pour s’immobiliser dans la région moyenne.
L’observation des coupes transversales révèle l’existence, au sein de la gonade, de niveaux surpeuplés par rapport aux autres; mais l’étendue et l’emplacement de ces niveaux sont trop variables d’un embryon à l’autre, ou d’une gonade à l’autre d’un même embryon, pour que l’on puisse en dégager une conclusion valable.
En conclusion, la migration des cellules germinales s’effectue, chez le foetus du lapin, selon une voie identique à celle décrite par Everett (1943), Chiquoine (1954) et Mintz (1957) chez la souris, Beaumont & Mandl (1963) chez le rat, et Witschi (1948) chez le foetus humain.
MULTIPLICATION DES CELLULES GERMINALES
Multiplication en fonction de Page des embryons (Tableau 2)
La courbe représentative de la variation du nombre des gonocytes obtenu par le décompte et porté sur un graphique à échelles décimales, traduit l’augmentation absolue du nombre des cellules, mais elle n’indique clairement que la valeur du gain d’un embryon d’äge donné par rapport au stade précédent.
Le nombre total des cellules sexuelles primordiales ne cesse d’augmenter jusqu’au 26ème jour, où il est maximum, mais il décroît par la suite puisqu’il a considérablement diminué à la fin du 28ème jour (Fig. 2).
Multiplication des cellules germinales en fonction de l’âge de l’embryon. (Les nombres portés sur les graphiques indiquent les nombres vrais des cellules germinales.) ●—●, : e indifférencié; ○ - - ○, ♀; Δ…Δ, ♂.
Si l’on porte ces mêmes nombres sur un axe logarithmique, l’échelle des temps demeurant linéaire, la courbe obtenue permet d’apprécier la variation dans le temps de la multiplication cellulaire. La première partie de la courbe, à pente nettement plus marquée que la seconde, permet de déduire que la multiplication des cellules germinales est plus rapide jusqu’au 12ème jour que dans la suite du développement (Fig. 3).
Courbes exprimant les variations de la vitesse de multiplication des cellules germinales (explications dans le texte). ○—○, Sexe indifférencié; ● - - ●, ♀; Δ…Δ, ♂.
Nous avons enfin déterminé pour chaque stade un ‘coefficient de multiplication’, obtenu en divisant le nombre des cellules sexuelles d’un embryon à un stade donné par celui d’un embryon de même sexe, mais appartenant au stade précédent. La lecture de ces coefficients de multiplication, qui caractérisent la vitesse de multiplication des cellules germinales, incite à penser que la multiplication des gonocytes primordiaux ne s’effectue pas, chez le lapin, avec une intensité constante (Fig. 4). Une première période de grande intensité mitotique survient entre le lOème et le 12ème jour dans les cellules en cours de migration et une seconde, plus marquée, entre le 16ème et le 18ème. Le nombre des cellules germinales s’est en effet multiplié par 4,5 au cours de la première période; il a plus que septuplé pendant la seconde.
Variations du coefficient de multiplication des cellules germinales au cours de la vie foetale. ○—○, Sexe indifférencié; • - - •, ♀; Δ…Δ, ♂.
Reconstitutions en vue ventrale, montrant la migration et la multiplication des gonocytes primordiaux. L’échelle est identique pour tous les stades, ap, Amnios postérieur; bn, bourrelet neural; cg, crête génitale; ch, chorde; cm, canal de Müller; cw, canal de Wolff; ip, intestin postérieur; mi, mésentère intestinal; msn, méso-néphros; mtn, métanéphros; te, tube cardiaque; vom, veine omphalo-mésentérique.
Reconstitutions en vue ventrale, montrant la migration et la multiplication des gonocytes primordiaux. L’échelle est identique pour tous les stades, ap, Amnios postérieur; bn, bourrelet neural; cg, crête génitale; ch, chorde; cm, canal de Müller; cw, canal de Wolff; ip, intestin postérieur; mi, mésentère intestinal; msn, méso-néphros; mtn, métanéphros; te, tube cardiaque; vom, veine omphalo-mésentérique.
Reconstitutions en vue latérale, montrant la migration et la multiplication des gonocytes primordiaux. L’échelle est identique pour tous les stades, ao, Aorte dorsale; ap, amnios postérieur; ba, bourrelet allantoïdien; ce, cavité coelomique; cg, crête génitale; ch, chorde; cm, canal de Müller; civ, canal de Wolff; ebc, ébauche cardiaque; i, intestin: ic, intestin céphalique; ip, intestin postérieur; me, membrane cloacale; mi, mésentère intestinal; mp, membrane pharyngienne; msn, mésonéphros; mtn, métanéphros; na, neuropore antérieur;pa, pédicule allantoïdien; ra, repli amniotique; te, tube cardiaque; tn, tube neural.
Reconstitutions en vue latérale, montrant la migration et la multiplication des gonocytes primordiaux. L’échelle est identique pour tous les stades, ao, Aorte dorsale; ap, amnios postérieur; ba, bourrelet allantoïdien; ce, cavité coelomique; cg, crête génitale; ch, chorde; cm, canal de Müller; civ, canal de Wolff; ebc, ébauche cardiaque; i, intestin: ic, intestin céphalique; ip, intestin postérieur; me, membrane cloacale; mi, mésentère intestinal; mp, membrane pharyngienne; msn, mésonéphros; mtn, métanéphros; na, neuropore antérieur;pa, pédicule allantoïdien; ra, repli amniotique; te, tube cardiaque; tn, tube neural.
Entre 16 et 18 jours, le coefficient de multiplication est de loin le plus important dans les deux sexes (7,63 et 7,32) On peut penser qu’il existe une relation entre le moment de la différenciation sexuelle, qui doit survenir entre 14,5 jours et 15,5 jours, et l’augmentation du taux de multiplication des cellules germinales chez le mäle et la femelle.
Dans ce cas, l’effet n’en serait toutefois pas immédiat puisque l’activité mitotique est très faible entre le 14ème et le 16ème jour, période pendant laquelle le coefficient de multiplication oscille entre 1,20 et 1,40.
En dehors des deux périodes exceptionnelles mentionnées ci-dessus, le coefficient de multiplication oscille entre 2,5 et 1,3 lors du passage d’un stade à un autre. Toutefois, entre le 26ème et le 28ème jour, ce coefficient devient inférieur à 1. Cette diminution du nombre des cellules germinales correspond vraisemblablement à un phénomène de dégénérescence fréquent chez les Mammifères des deux sexes en fin de gestation ou après la naissance; ce fait a été signalé par E. Allen (1949) chez le rat mäle, Beaumont & Mandl (1963) chez la ratte, et loannou (1964) chez le cobaye femelle.
Relation entre le nombre des cellules germinales et le sexe des embryons
Les dénombrements effectués chez les embryons femelles ont toujours mis en évidence un nombre de cellules germinales légèrement inférieur à celui que l’on observe chez les mäles de même äge, issus de la même portée.
Les dénombrements ont été effectués isolément pour chaque gonade. Il ressort de ces observations que la répartition des gonocytes et leur multiplication sont indépendantes de la position de la gonade à droite ou à gauche; les valeurs obtenues sont en effet très variables pour chacune des deux gonades, l’une ou l’autre pouvant dominer selon l’embryon et le stade du développement. Les différences peuvent être parfois très importantes. Nous avons étudié deux embryons de 14 jours, la gonade gauche du premier ne renferme que 53 gonocytes, au lieu de 75 pour celle du second. L’écart est plus important encore chez un mäle de 26 jours dont le testicule gauche contient près de 12.000 cellules sexuelles et le droit, pourtant d’aspect normal, 4.000 seulement. Il convient de ne pas oublier cependant que de tels écarts peuvent être comblés très rapidement en un très petit nombre de cycles mitotiques.
Il est intéressant de comparer les résultats obtenus chez les embryons de lapin et de souris et le foetus humain :
Chez l’homme, la période migratoire s’achève le 40ème jour de la gestation, avant la différenciation sexuelle de la gonade (45ème jour). Les cellules germinales se multiplient activement durant la période migratoire qui s’achève au 1 /7ème de la durée totale de la gestation.
Chez le souris, de même, la différenciation sexuelle de la gonade (13ème jour) survient après la fin de la phase migratoire (12ème jour) pendant laquelle les cellules sexuelles se multiplient activement; les ovogonies cessent toutefois de se multiplier dans l’ovaire dès que ce dernier est différencié (Mintz, 1960; Borum, 1961).
Chez le lapin, la période migratoire s’achève au début de la seconde moitié de la vie intra-utérine, après la différenciation sexuelle de la gonade; l’activité mitotique des cellules sexuelles reste intense jusqu’au 26ème jour post-coïtum.
L’évolution des cellules germinales du lapin pendant la vie foetale, si elle présente certaines analogies avec celle observée chez la souris et l’homme, n’en comporte donc pas moins certains aspects particuliers.
DISCUSSION
Les résultats obtenus chez le lapin au cours de cette étude de la localisation, de la multiplication et de la migration des cellules germinales, incitent à se poser quelques questions.
Toutes les cellules sexuelles ont-elles atteint les crêtes génitales, sans s’égarer, à la fin de la phase migratoire?
B. M. Allen (1904) chez le lapin, et Brambell (1956) chez les Vertébrés, estiment l’un et l’autre que beaucoup d’entre elles se perdent en chemin. Chiquoine (1954) est d’un avis contraire: ‘seules quelques cellules germinales dévient du chemin décrit et sont, sans doute, incapables de jamais atteindre les crêtes’. Nous n’avons, pour notre part, jamais observé de cellule germinale aberrante en dehors des crêtes, après le 16ème jour, et, s’il est vraisemblable d’admettre que certaines cellules sexuelles peuvent s’égarer puis dégénérer, l’évaluation de Chiquoine nous paraît être assez juste et le pourcentage donné par Allen fortement exagéré.
Comment la migration s’effectue-t-elle? A quels facteurs est-elle soumise?
Witschi (1948) et Mintz (1959) ont décrit chez l’homme et la souris des cellules germinales ‘migrantes’, émettant des pseudopodes, amiboïdes. Nous avons observé au niveau de certaines cellules sexuelles en voie de migration des lobulations qui peuvent suggérer un aspect amiboïde de la membrane cellulaire (Planche 1, fig. B); cependant ces déformations sont souvent trop peu marquées pour leur conférer une allure vraiment amiboïde, et les gonocytes primordiaux, chez le lapin, apparaissent pour la plupart quasiment sphériques tout au long du développement.
L’hypothèse selon laquelle la migration des cellules sexuelles s’éffectue chez les Mammifères par l’intermédiaire de mouvements amiboïdes autonomes est corroborée par les travaux de Blandau, White & Rumery (1963). En culture de tissus, les cellules germinales du foetus de souris migrent individuellement, depuis l’allantoïde jusqu’aux crêtes génitales, en émettant des pseudopodes; la microcinématographie accélérée rend évident le mouvement des cellules. 11 convient cependant de ne pas oublier que dans les cellules en culture la différenciation s’estompe et les cellules acquièrent parfois des caractères nouveaux.
Si la migration amiboïde des cellules sexuelles chez les Mammifères en général et le lapin en particulier apparaît très probable, il faut cependant ne pas négliger l’hypothèse de Berenberg-Gossler (1913). La migration des gonocytes pourrait être due à une croissance inégale, des différents tissus de l’embryon; les cellules germinales seraient entraînées par un flux de cellules somatiques se multipliant plus rapidement que les autres.
On peut penser que ces deux modalités de transport, active et passive, doivent être envisagées chez les Mammifères. La croissance inégale de certains tissus entraînerait d’abord les cellules germinales vers la partie antérieure de l’embryon, depuis l’évagination allantoïdienne; la direction des migrations serait ensuite déterminée par une quelconque substance spécifique émise par la région des crêtes génitales, et les gonocytes primordiaux se déplaceraient alors par des mouvements amiboïdes.
On constate que toutes les cellules germinales se trouvent, en fin de migration, localisées dans la partie moyenne des gonades, et ce, indépendamment du sexe. Ceci n’est pas surprenant puisque la gonade définitive est issue de la région moyenne de la crête génitale, les parties antérieure et postérieure évoluant en tissus ligamentaires.
La diminution du nombre des gonocytes, constatée chez les embryons des deux sexes à 28 jours, s’apparente sans doute au phénomène de dégénérescence déjà signalé par Borum (1961) chez la souris, Beaumont & Mandl (1963) et Franchi & Mandl (1964) chez la ratte, loannou (1964) chez le cobaye, et Witschi (1948) chez le foetus humain. Il convient cependant de signaler que nos résultats diffèrent de ceux d’Allen (1904) qui décrit une dégénérescence caryolytique active chez les foetus de lapin mäles ägés de 26 jours, c’est-à-dire deux jours avant nos propres observations.
RÉSUMÉ
Les cellules germinales primordiales de l’embryon de lapin se déplacent durant la période migratoire en suivant une voie identique à celle qui a été décrite chez le rat, la souris et le foetus humain.
Ces cellules sont localisables dès le 9ème jour dans l’endoderme, en arrière de l’intestin postérieur, et dans le mésoderme du bourrelet allantoïdien; elles migrent ensuite vers les crêtes génitales par l’intermédiaire du mésentère intestinal dorsal puis des racines du mésentère dans les angles de la cavité coelomique.
La plupart d’entre elles sont arrivées dans les crêtes le 16ème jour et la migration est achevée le 18ème jour.
Les cellules germinales primordiales se multiplient activement au cours de la période migratoire durant laquelle on peut mettre en évidence deux périodes de grande intensité mitotique: la première pendant laquelle le nombre des gonocytes est multiplié par 4,56, survient entre le lOème et le 12ème jour, la seconde, plus marquée, jour pendant laquelle leur nombre est multiplié par 7,5 s’étend entre le 16ème et le 18ème.
La multiplication se poursuit pendant le reste de la vie foetale. Le nombre des cellules germinales est maximum à 26 jours (16.000 chez le mäle, 12.500 chez la femelle); il a décru sensiblement deux jours plus tard, par suite de la dégéné-rescence d’un certain nombre d’entre elles (11.000 chez le mäle, 8.000 chez la femelle).
Le nombre des cellules germinales est toujours légèrement plus élevé chez les embryons mäles que chez les embryons femelles de même äge.
RÉSUMÉ
A study of the origin, migration and multiplication of the germ-cells of the rabbit embryo
This work has been carried out in order to study the migration and multiplication of primordial germ-cells in the domestic rabbit.
The embryos have been taken from the uterus at 9 days post-coitum, then every other day between the 10th and 28th days post-coitum.
As Gomori’s method did not reveal the presence of alkaline phosphatase in germ-cells, serial sections cut at a thickness of 7·5 μ have been stained with Glychemalum-eosin; this stain makes germ cells appear clearer and larger than somatic cells.
Sex cells were counted on each section : as some of them may have been counted twice, it is necessary to divide the numbers obtained by a correction coefficient (1·6) in order to obtain the real number of germ-cells contained in one embryo.
Primordial germ-cells, which are located as early as the 9th day within the endoderm posterior to the hind-gut and in the allantoic mesoderm, move during the following days towards the gonadal ridges, through the dorsal intestinal mesentery, then through the base of the mesentery into the angles of the coelomic cavity.
Most of them have reached gonadal ridges at 16 days and the migratory period is over at 18 days.
Primordial germ-cells multiply actively during the migratory phase which can be divided into two periods of intensive mitotic activity. The first period occurs between the 10th and the 12th days when the number of gonocytes is multiplied by 4·56, the second one, more evident, occurs between the 16th and the 18th days when the number of gonocytes is multiplied by 7·5.
Multiplication proceeds during the rest of foetal life. The number of germ-cells is maximum at 26 days. It has notably decreased 2 days later, owing to the degeneration of some cells.
The number of germ-cells is always greater in male embryos than in female embryos of the same age.
ACKNOWLEDGEMENTS
Je suis profondément reconnaissant envers mon Maître, Monsieur le Professeur L. Gallien, Membre de l’institut, qui m’a accueilli dans son Laboratoire, suggéré ce travail et prodigué ses conseils pendant son exécution.
TRAVAUX CITES
Migration des cellules germinales de 9 à 12 jours post-coïtum. L’échelle figure sur les microphotographies.
Fig. A. Cellule germinale en voie de migration dans le mésentère, accolée contre la splanch-nopleure; le nucléole est nettement visible (embryon de 10 jours).
Fig. B. Cellule germinale en voie de migration dans le mésoderme du bourrelet allantoïdien, au-dessous du plan de l’intestin. Trois expansions cytoplasmiques sont visibles, correspondant peut-être à des pseudopodes (embryon de 10 jours).
Fig. C. Embryon de 9 jours. Coupe transversale en arrière du bourrelet allantoïdien.
Fig. D. Détail de la photographie précédente.
Fig. E. Embryon de 10 jours. Coupe transversale passant par l’intestin postérieur et le pédicule allantoïdien.
Fig. F. Détail de la photographie précédente.
Fig. G. Embryon de 12 jours. Coupe transversale dans la région moyenne de l’ébauche mésonéphrétique.
ao, Aorte dorsale; cc, cavité coelomique; cg, crête génitale; cvv, canal de Wolff; ec, ectoderme; en, endoderme; i, intestin; mi, mésentère intestinal; msn, mésonéphros; pa, pédicule allantoïdien; pc, prolongement cytoplasmique; pl, placenta; vc, veine cardinale; vu, veine ombilicale.
Migration des cellules germinales de 9 à 12 jours post-coïtum. L’échelle figure sur les microphotographies.
Fig. A. Cellule germinale en voie de migration dans le mésentère, accolée contre la splanch-nopleure; le nucléole est nettement visible (embryon de 10 jours).
Fig. B. Cellule germinale en voie de migration dans le mésoderme du bourrelet allantoïdien, au-dessous du plan de l’intestin. Trois expansions cytoplasmiques sont visibles, correspondant peut-être à des pseudopodes (embryon de 10 jours).
Fig. C. Embryon de 9 jours. Coupe transversale en arrière du bourrelet allantoïdien.
Fig. D. Détail de la photographie précédente.
Fig. E. Embryon de 10 jours. Coupe transversale passant par l’intestin postérieur et le pédicule allantoïdien.
Fig. F. Détail de la photographie précédente.
Fig. G. Embryon de 12 jours. Coupe transversale dans la région moyenne de l’ébauche mésonéphrétique.
ao, Aorte dorsale; cc, cavité coelomique; cg, crête génitale; cvv, canal de Wolff; ec, ectoderme; en, endoderme; i, intestin; mi, mésentère intestinal; msn, mésonéphros; pa, pédicule allantoïdien; pc, prolongement cytoplasmique; pl, placenta; vc, veine cardinale; vu, veine ombilicale.
Migration des cellules germinales de 12 à 16 jours post-coïtum. L’échelle figure sur les microphotographies.
Fig. H. Embryon de 12 jours. Détail de la figure G, Planche 1.
Fig. I. Embryon de 14 jours. Détail au niveau de la crête génitale et du mésentère intestinal.
Fig. J. Détail au niveau de la crête génitale gauche.
Fig. K. Embryon de 16 jours. Coupe transversale passant par la région moyenne du méso-néphros.
Fig. L. Détail correspondant, chez un autre embryon de même äge, à l’encadrement de la photographie précédente.
Fig. M. Détail: gonade mäle.
cc, Cavité coelomique; cg, crête génitale; gn, gonade; mi, mésentère intestinal; msn, mésonéphros; mtn, métanéphros; vc, veine cardinale; vcp, veine cave postérieure.
Migration des cellules germinales de 12 à 16 jours post-coïtum. L’échelle figure sur les microphotographies.
Fig. H. Embryon de 12 jours. Détail de la figure G, Planche 1.
Fig. I. Embryon de 14 jours. Détail au niveau de la crête génitale et du mésentère intestinal.
Fig. J. Détail au niveau de la crête génitale gauche.
Fig. K. Embryon de 16 jours. Coupe transversale passant par la région moyenne du méso-néphros.
Fig. L. Détail correspondant, chez un autre embryon de même äge, à l’encadrement de la photographie précédente.
Fig. M. Détail: gonade mäle.
cc, Cavité coelomique; cg, crête génitale; gn, gonade; mi, mésentère intestinal; msn, mésonéphros; mtn, métanéphros; vc, veine cardinale; vcp, veine cave postérieure.