ABSTRACT
Cet article fait suite à celui où nous avons décrit et discuté les modifications provoquées par la maturation dans l’ultrastructure de l’œuf ovarien (Van Gansen, 1966). Nous y avions indiqué dans quelles perspectives ce travail était entrepris (Brachet, 1964, 1965b).
MATERIEL ET METHODES
Matériel
Des Xenopus laevis femelles sont injectées d’hormone gonadotrope et accouplées. Trois pontes ont été recueillies après la fécondation. Dans chacune 10 œufs ont été fixés au stade indivis. Les autres œufs de ces pontes ont donné naissance à des têtards normaux. Après fixation, on a prélevé dans chaque œuf, pour l’enrobage, un fragment situé près du pôle animal, sans préciser sa situation par rapport au champ dorsal. Dans chaque lot, trois à cinq fragments d’œufs différents ont été finalement examinés au microscope, soit onze œufs indivis au total.
Méthodes
Les méthodes de préparation des fragments d’œufs pour la micro-scopie électronique ont été décrites dans un article précédent (Van Gansen, 1966): fixation à l’aldéhyde glutarique, puis au tétroxyde d’osmium, enrobage à F Araldite, coloration des ultracoupes à l’uranyle-plomb.
OBSERVATIONS
Cinq des œufs examinés présentent une particularité remarquable dans leur cytoplasme périphérique: on y distingue de nombreuses plages claires au sein desquelles serpentent des polyribosomes (Planche 1, figs. A, B). Nous décrirons successivement les deux catégories d’œufs.
(1) Œ ufs à plages de polyribosomes
Nous n’avons observé ces plages que dans le cytoplasme périphérique des œufs, sur une profondeur évaluée à une dizaine de microns. L’un de ces oeufs a été sectionné dans un territoire particulièrement riche en lipochondries (Planche 1, fig. B). Les autres fragments observés présentent des grains de pigment, des plaquettes vitellines, des mitochondries et des vésicules disséminées parmi la foule des ribosomes (Planche 1, fig. A).
(a) Surface de Vœuf et granules corticaux
Deux des œufs à plages de poly-ribosomes possédaient encore des granules corticaux apparemment en voie de dissolution (Planche 2, fig. A). En effet, contrairement à ce que nous avons vu dans l’œuf vierge, on ne distingue plus, à ce moment, de membrane autour du granule; au niveau de celui-ci le plasmolemme paraît d’ailleurs être interrompu. Le corps du granule cortical n’est séparé de l’espace périvitellin que par le feutrage périphérique que nous avons décrit précédemment (Van Gansen, 1966). La limite entre le feutrage périphérique et le cytoplasme sous-jacent est beaucoup moins nette dans les œufs fécondés que dans les œufs vierges, le feutrage paraissant envahi par les ribosomes (Planche 1, fig. B; Planche 2, fig. A; Planche 4, fig. A).
(b) Structures ribosomales
En dehors des plages de polyribosomes, les ribo-somes paraissent très semblables à ceux que nous avons décrits chez l’œuf vierge : ce cont des granules ayant en moyenne 260 Å de diamètre, présentant une infrastructure typique. Ils paraissent ‘isolés’ c. à d. dispersés au sein d’une trame fibrillaire (Planche 2, fig. C; Planche 3, fig. A).
Dans certaines plages où les polyribosomes ne sont, d’ailleurs, pas très distincts (Planche 2, fig. C), on remarque de fins filaments très proches des éléments de la trame fibrillaire générale. Par contre, là où les polyribosomes apparaissent nettement, on ne distingue pas d’éléments fibrillaires (Planche 2, fig. B; Planche 3, fig. A). Le nombre de ribosomes associés en chaînettes, au sein de ces plages, varie de 2 à 14; comme il s’agit d’ultracoupes à travers des organites, seul le plus élevé de ces nombres présente quelque intérêt. A des grossissements suffisants (Planche 3, figs. B, C, D), on distingue un filament ténu (15 à 20 Å de diamètre) qui associe les monosomes en polyribosomes. Certains polyribosomes paraissent former des boucles (Planche 3, fig. B) ou être branchus (Planche 3, fig. D). Ces images pourraient s’expliquer par des repliements du fil qui forme la chaînette.
(2) Œ ufs sans plages de polyribosomes
Dans les 6 autres œufs fécondés examinés, nous n’avons observé ni plages de polyribosomes, ni granules corticaux. La densité générale du cytoplasme est très homogène (Planche 4, fig. A).
(a) Surface de l’œuf
Sous la surface ondulée du plasmolemme on distingue une mince région, plus dense que le cytoplasme plus profond. Le feutrage fibrillaire, caractéristique de cette région dans l’œuf vierge, est envahi de ribo-somes jusqu’au plasmolemme lui-même (Planche 4, fig. A).
(b) Structures ribosomales
Examinés à de plus forts grossissements (Planche 4, fig. B), de nombreux ribosomes apparaissent associés en chaînettes. Les polyribosomes voisinent avec des ribosomes isolés. Il n’est pas certain, cependant, que ces derniers ne soient pas des fragments de polyribosomes isolés par un artefact de coupe. Enfin, on observe assez fréquemment des ribosomes accolés à des plaquettes vitellines, sous une membrane commune (Planche 4, fig. B).
DISCUSSION
Nous constatons donc que la fécondation de l’œuf de Xénope entraîne, en plus de l’expulsion des granules corticaux, bien connue chez les Anoures (Balinski & Devis, 1963), une association des ribosomes en polyribosomes dans le cytoplasme périphérique. Les polyribosomes que nous décrivons ressemblent fort à ceux observés précédemment notamment chez Escherichia coli, dans les réticulocytes (Slayter, Warner, Rich & Hall, 1963) et les cellules musculaires en formation (Heuson-Stiennon, 1964). Ces organites seraient les responsables des synthèses protéiniques qui commencent à bas bruit durant la segmentation (Brachet, 1960). Ficq (1964) a d’ailleurs démontré par la méthode autoradiographique que les synthèses protéiniques débutent peu après la fécondation, tant chez les Oursins que chez les Amphibiens. Enfin, des systèmes polyribosomaux ont d’ailleurs été mis en évidence par voie biochimique dans des œufs d’oursins fécondés (Monroy & Tyler, 1963; Malkin, Gross & Romanoff, 1964; Burny, Marbaix, Quertier & Brachet, 1965).
Comment interpréter la signification des deux types d’œufs fécondés que nous avons observés? Les œufs à plages de polyribosomes, dont certains possèdent encore des granules corticaux en voie de dissolution, auraient été fixés peu après la fécondation. L’association des ribosomes au m-RNA se fait, curieusement, au sein d’espaces cytoplasmiques où toutes les macromolécules visibles au microscope électronique sont soit incorporées au système polyribosomal, soit refoulées à la périphérie de ces plages. Après un certain temps, encore indéter-miné, ces plages optiquement vides disparaissent; le cytoplasme, enrichi de polyribosomes, est à nouveau homogène. En même temps, les ribosomes, peut-être libres, peut-être associés en polyribosomes, envahissent le feutrage protéini-que sous le plasmolemme et s’accolent aux plaquettes vitellines qui commencent à se transformer.
De nombreuses questions demeurent évidemment pendantes. D’où vient le m-RNA qui unit les monosomes? Est-il synthétisé dans le cytoplasme à partir des sphérules corticales de DNA (distinctes des chromosomes) dont Brachet vient de décrire la formation au cours de la maturation? (Brachet, 1965 b). Que le m-RNA provienne ainsi de la vésicule germinative après sa rupture ou bien d’un autre site (par exemple, les lamelles annelées qui sont profondé-ment transformées au cours de la maturation), quel est le facteur qui, au cours de la fécondation, déclenche la formation des polyribosomes? Enfin, si le champ dorsal est effectivement caractérisé par une teneur plus grande en polyribosomes, comme l’a supposé Brachet (1965 a), y aurait-il une formation particulière-ment précoce des polyribosomes dans ce territoire et comment se produirait-elle?
De nouvelles expériences sont évidemment nécessaires pour répondre à ces multiples questions.
RÉSUMÉ
L’ultrastructure du cytoplasme périphérique d’œufs fécondés indivis est comparée à celle d’œufs maturés vierges de Xenopus laevis. Nous notons deux modifications principales : l’expulsion (bien connue) des granules corticaux et la formation de polyribosomes au sein de plages cytoplasmiques claires. Avant que la segmentation ne débute, ces plages disparaissent: polyribosomes et monosomes sont redistribués dans un cytoplasme redevenu homogène.
Les plus longs polyribosomes observés sur les ultracoupes comptent 14 ribosomes.
Des ribosomes paraissent accolés à certaines plaquettes vitellines en voie de transformation.
SUMMARY
The effect of fertilization upon the ultrastructure of the peripheral cytoplasm of the egg of Xenopus laevis
The ultrastructure of the peripheral cytoplasm of unfertilized and undivided fertilized Xenopus eggs has been studied. Two main modifications occur after fertilization: one is the well-known shedding of cortical granules the other is the appearance of polyribosomes within clear cytoplasmic areas. Before the onset of division, these areas vanish : the poly-and mono-ribosomes are scattered throughout a now homogeneous cytoplasm.
The longest polyribosomes that have been observed were of fourteen ribosomes.
Ribosomes appear to adhere to some yolk platelets while the latter undergo transformation.
ACKNOWLEDGEMENTS
Ce travail a été exécuté dans le cadre du contrat Euratom 016.61.10 ABIB.
TRAVAUX CITES
Fig. A. Plages de polyribosomes dans le cytoplasme périphérique d’un œuf fécondé indivis. M = mitochondries, PI = grains de pigment, PP = plages de polyribosomes, VI = plaquette vitelline, x 10.000. Fig. B. Plages de polyribosomes dans un territoire particulièrement riche en lipochondries. C = feutrage cortical, L = lipochondries, x 12.000.
Fig. A. Plages de polyribosomes dans le cytoplasme périphérique d’un œuf fécondé indivis. M = mitochondries, PI = grains de pigment, PP = plages de polyribosomes, VI = plaquette vitelline, x 10.000. Fig. B. Plages de polyribosomes dans un territoire particulièrement riche en lipochondries. C = feutrage cortical, L = lipochondries, x 12.000.
Fig. A. Granule cortical en voie d’expulsion. Au niveau du granule (GC) le plasmolemme (PL) est interrompu (flèche), x 38.000. Fig. B. Plages de polyribosomes (PP) montrant la dispersion des polyribosomes (P) au sein d’espaces clairs, x 42.000. Fig. C. Plage de polyribosomes en formation. Les ribosomes (R) ne sont pas encore tous clairement associés en polyribosomes. La plage contient des substances finement fibril-laires (flèches), x 80.000.
Fig. A. Granule cortical en voie d’expulsion. Au niveau du granule (GC) le plasmolemme (PL) est interrompu (flèche), x 38.000. Fig. B. Plages de polyribosomes (PP) montrant la dispersion des polyribosomes (P) au sein d’espaces clairs, x 42.000. Fig. C. Plage de polyribosomes en formation. Les ribosomes (R) ne sont pas encore tous clairement associés en polyribosomes. La plage contient des substances finement fibril-laires (flèches), x 80.000.
Fig. A. Plage de polyribosome (PP), contenant des polyribosomes (P) de longueur variable. Dans le cytoplasme environnant les ribosomes (7?) paraissent dispersés isolément au sein de travées cytoplasmiques. x 60.000. Fig. B, C, D. Polyribosomes, montrant le fil ténu (15 à 20 Å) qui associe les ribosomes (flèches), x 150.000.
Fig. A. Plage de polyribosome (PP), contenant des polyribosomes (P) de longueur variable. Dans le cytoplasme environnant les ribosomes (7?) paraissent dispersés isolément au sein de travées cytoplasmiques. x 60.000. Fig. B, C, D. Polyribosomes, montrant le fil ténu (15 à 20 Å) qui associe les ribosomes (flèches), x 150.000.
Fig. A. Aspect du cytoplasme périphérique d’un œuf fécondé dépourvu de plages de poly-ribosomes. Les structures ribosomales paraissent dispersés de façon homogène. Elles ont envahi le feutrage cortical. C = feutrage cortical, L = lipochondries, M = mitochondries, PI = grains de pigment, V = vacuoles, x 30.000. Fig. B. Polyribosomes (flèches) et monosomes (R) d’un œuf fécondé. Des ribosomes sont disposés en couronne autour d’une plaquette vitelline (VI), sous une membrane commune. V = vacuoles, M = mitochondries, x 60.000.
Fig. A. Aspect du cytoplasme périphérique d’un œuf fécondé dépourvu de plages de poly-ribosomes. Les structures ribosomales paraissent dispersés de façon homogène. Elles ont envahi le feutrage cortical. C = feutrage cortical, L = lipochondries, M = mitochondries, PI = grains de pigment, V = vacuoles, x 30.000. Fig. B. Polyribosomes (flèches) et monosomes (R) d’un œuf fécondé. Des ribosomes sont disposés en couronne autour d’une plaquette vitelline (VI), sous une membrane commune. V = vacuoles, M = mitochondries, x 60.000.