ABSTRACT
All the experiments were done on White Leghorn chick blastoderms, cultured in vitro by a slightly modified version of New’s technique.
The anterior region of the full primitive streak (Hensen’s node and the material slightly posterior to it) was excised and implanted on blastoderms of different stages of development. The grafts were always of uniform size (0 · 6 × 0 · 4 mm.). They were implanted either in the antero-lateral region of the area pellucida or in the area opaca.
Generally, the grafts gave rise to material which exceeded their presumptive fate. These grafts would normally have formed the notochord, some somites, part of the mid-brain and the hind-brain and, lastly, the roof of the foregut. Our grafts also gave rise to prechordal mesoblast, and some even gave rise to lateral plates. The differentiation of these grafts does not depend on their localization and is not influenced by the age of the host.
All the grafts transplanted on blastoderms which had not yet passed the full primitive streak stage, induced the formation of brain which in many cases develops into a more or less reduced medullary anlage. During the whole period of the formation of the primitive streak, the capacity of the ectoblast to form cerebral structures decreases very slowly. However, the frequency of the medullary inductions falls off rapidly from the mid-primitive streak stage on-wards. None of the grafts, made on the blastoderms at the beginning of the regression of the Hensen’s node or later, induced neural structures. At the most, the host ectoblast in contact with the grafts sometimes presents a placode-like appearance. Even these secondary types of inductions are no longer obtained when the implantations are made in the blastoderms at early head-fold or later stages.
INTRODUCTION
Les fissurations pratiquées sur des blastodermes jeunes, qui n’ont pas encore été incubés, ont démontré que le feuillet externe est capable de former une ligne primitive et plus tard, un corps embryonnaire dans n’importe quelle région de l’aire pellucide (Lutz, 1948,1949,1962; Lutz, Departout, Hubert et Pieau, 1963; Spratt et Haas, 1960, 1962). Rappelons à ce propos que les expériences récentes de Vakaet (1962) semblent prouver que l’endoblaste de l’intestin céphalique provient du matériel invaginé au niveau de la ligne primitive. Le feuillet externe d’un très jeune blastoderme est donc omnipotent, comme l’ectoblaste tout entier de la jeune gastrula chez les Amphibiens. Cette omnipotence se maintient au moins jusqu’au stade de la ligne primitive courte, car Waddington (1933), en séparant à ce stade du développement les deux feuillets et en les superposant ensuite après avoir tourné à 180° le feuillet interne, a pu obtenir encore l’induction d’une nouvelle ligne primitive. D’autre part, comme nous le savons, la capacité de l’ectoblaste à former l’ébauche neurale persiste encore beaucoup plus longtemps. De ce point de vue, l’analogie entre les Oiseaux et les Anamiotes est donc frap-pante. Malheureusement, nous devons la limiter, pour le moment au moins, au feuillet externe de l’aire pellucide. En effet, nous savons encore très peu au sujet des potentialités latentes de l’ectoblaste de l’aire opaque. Tout au plus, comme le démontrent les expériences de Waddington (1934) et celles de Gallera et Castro-Correia (1960), nous pouvons affirmer que cet ectoblaste est capable de fournir du tissu neural sous une action inductrice appropriée.
Dans le travail présent nous nous limiterons à l’étude de la compétence neuro-gène du feuillet externe chez le Poulet. Chez les Oiseaux seul Woodside, à notre connaissance, a entrepris l’examen méthodique de ce problème dans un travail déjà ancien (1937) et à l’aide d’une technique encore imparfaite. Le noeud de Hensen, prélevé sur la ligne primitive longue, servait toujours d’inducteur. Ce greffon a été glissé sous le feuillet externe de l’aire pellucide de blastodermes de plus en plus âgés, en commençant par le stade de la ligne primitive courte. Quoique les greffons de Woodside, probablement à cause de sa technique encore très défectueuse, n’aient provoqué que des inductions rudimentaires, cet auteur affirmait que la réactivité du feuillet externe au stimulus inducteur diminue progressivement et disparaît complètement au moment de la formation du repli cérébral transverse. La compétence neurogène diminuerait plus rapidement dans la région postérieure de l’aire pellucide qu’en avant et des deux côtés du repli cérébral.
Pourtant, les conclusions de cet auteur ne peuvent être prises en considération qu’avec une grande réserve, de sorte qu’une analyse plus précise, à l’aide d’une technique plus perfectionnée, du problème de la compétence neurogène chez les Oiseaux en fonction du facteur ‘temps’ nous a paru indispensable.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Des oeufs de White Leghorn ont servi à nos expériences. Les opérations sont effectuées, autant que possible asceptiquement, sur des blastodermes mis en culture in vitro selon la technique de New (1955) légèrement modifiée. Après un temps plus ou moins long (14 à 36 heures) d’incubation normale, le ‘jaune d’oeuf’ est plongé dans le Tyrode à la concentration de 123 mMol. selon les indications fournies par Howard (1953). La membrane vitelline est coupée le long de l’équateur, détachée du vitellus avec le blastoderme et étalée sur un anneau de verre, de telle manière que le blastoderme regarde vers le haut. Pour soumettre immédiatement la membrane vitelline à une certaine tension, un autre anneau, de diamètre un peu plus grand, est emboîte sur le premier et la maintient. L’ensemble est transporté sur un verre de montre contenant de l’albumen et placé dans une chambre humide. Les interventions chirurgicales, pratiquées toujours du côté ventral du blastoderme, sont faites à l’aide de minces fils d’irido-platine montés sur des tiges de verre.
Dans la majorité des cas trois blastodermes servent à une expérience: deux donneurs et un hôte. Les donneurs sont toujours au stade de la ligne primitive achevée. Comme hôtes ont servi les blastodermes aux stades suivants: ligne primitive courte, moyenne, longue, achevée, le début de la formation du pro-longement céphalique, prolongement céphalique de longueur moyenne, pro-longement céphalique long, début de la formation du repli cérébral transverse, et, enfin, des embryons pourvus d’une à 6 paires des somites.
Les greffons de forme pentagonale (longs de 0,6 mm. et larges de 0,4 mm.) et excisés à travers les trois feuillets embryonnaires, englobent la partie antérieure de la ligne primitive (voir le schéma des opérations sur la Fig. 1 dans le texte). Selon le plan des ébauches présomptives établi par Pasteels (1937) et les observa-tions et les résultats expérimentaux de Spratt (1952) et de Mulherkar (1958), ils doivent contenir tout le matériel chordal présomptif, du mésoblaste des somites antérieurs, une portion de l’endoblaste pharyngien et, enfin, une partie du neurectoblaste destiné à participer à la formation du mésencéphale et du rhom-bencéphale.
Schéma des opérations: à gauche—donneur; à droite—blastoderme-hôte portant deux greffons. Greffon a implanté sous l’endoblaste de l’aire pellucide. Greffon b placé dans un nid pratiqué dans le rempart vitellin. Les greffons b sont soit orientés paral-lèlement à la ligne primitive de l’hôte, soit en direction radiale (en pointillé).
Schéma des opérations: à gauche—donneur; à droite—blastoderme-hôte portant deux greffons. Greffon a implanté sous l’endoblaste de l’aire pellucide. Greffon b placé dans un nid pratiqué dans le rempart vitellin. Les greffons b sont soit orientés paral-lèlement à la ligne primitive de l’hôte, soit en direction radiale (en pointillé).
Après leur excision, ces greffons, n’étant plus soumis à la tension qu’on constate dans le blastoderme en expansion, se contractent légèrement. Deux greffons sont transportés sur le blastoderme-hôte avec une goutelette de Tyrode à l’aide d’une fine pipette. L’un de ces greffons (a) est glissé sous le feuillet interne de la région antéro-latérale de l’aire pellucide et un autre, (b) est placé dans un nid préparé d’avance dans le rempart vitellin, de sorte qu’il repose directement sur l’ectoblaste de l’aire opaque. Les greffons mis en place, le Tyrode excédent est soigneusement pompé à l’aide de minces bandes de papier filtre.
Les greffons sont toujours orientés leur face dorsale vers le haut, de sorte que leur feuillet interne repose sur l’ectoblaste de l’hôte. Cependant, comme Castro-Correia et moi-même (1961), nous l’avons constaté, l’endoblaste, dans ces conditions d’implantation, s’écarte vers les côtés et le matériel chordo-méso-blastique du greffon se met en contact avec l’ectoblaste du blastoderme. Les greffons a sont toujours orientés de telle façon que leur bord antérieur est tourné vers l’extrémité céphalique de la ligne primitive de l’embryon-hôte. Le site des greffons b est plus variable, en général ils sont implantés à la hauteur de la région antérieure de l’aire pellucide dont ils ne sont séparés que par une mince bande (de 0,4 mm. au maximum) de rempart vitellin. Ils sont orientés soit parallèlement à la ligne primitive de l’hôte, soit en direction radiale, leur extrém-ités antérieures tournées vers le centre (en pointillé sur la Fig. 1).
Après l’opération, les blastodermes porteurs des greffons sont remis à l’incuba-tion et fixés au Bouin le lendemain. Ils sont colorés au carmin aluné, examinés in toto et photographiés dans la plupart des cas. Ensuite, ils sont inclus en paraffine et analysés en détail sur des coupes sériées (coloration—hématoxyline d’Ehrlich—érythrosine).
Après l’élimination de quelques blastodermes morts précocement et de quelques autres ou le greffon b a été implanté défectueusement et est resté attaché à la surface du rempart vitellin, mon matériel contient 56 blastoderme qui portent 93 greffons (51 a et 42 b).
RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX
Une heure, au maximum, après la remise des blastodermes-hôtes à l’incubation, l’aspect des greffons révèle qu’ils ont déjà évolué. Cette évolution est plus aisée à observer sur les greffons b que sur les a que sont recouverts par le feuillet interne de l’hôte. Le sillon primitif s’approfondit anormalement, le greffon s’enfonce et, en même temps, ses bords se soudent au rempart vitellin, lequel souvent commence même à glisser sur la face externe, tournée vers le haut, du greffon. Dans la majorité des cas, pourtant, le lendemain de l’operation le greffon b se voit entouré d’une sorte d’aire pellucide en miniature. En effet, au voisinage immédiat du greffon le feuillet interne n’a pas en général le caractère vitellin, mais, au contraire, est mince et transparent.
A ce moment de leur évolution, les greffons sont déjà nettement allongés, mais d’une façon très inégale selon les cas. Déjà in vivo on distingue la chorde et les somites, quoique ces derniers soient en général trop espacés et peu dével-oppés. Dans de nombreux cas, l’extrémité postérieure de la chorde se coiffe de l’endoblaste et forme une saillie ou même un appendice caudiforme flottant librement dans le liquide sécrété par le feuillet interne de l’hôte. Souvent, on distingue aussi une étroite plaque ou gouttière neurale constituée certainement par le greffon, car elle est développée sur la face ventrale du blastoderme-hôte et ses bords se continuent dans l’endoblaste soit très mince (et dans ce cas formé probablement par le greffon) soit dans l’endoblaste vitellin de l’hôte.
Vu que dans la technique de New la face dorsale du blastoderme est dissimulée à l’observation, nous n’avons pu apercevoir nettement les inductions neurales déclenchées par le greffon dans l’ectoblaste de l’hôte qu’ à fin de l’incubation, quand les blastodermes ont été détachés de la membrane vitelline pour être fixés. A ce moment, l’ébauche neurale induite est déjà assez avancée dans son développement. Dans certains cas, nous avons obtenu la formation d’un cerveau et d’une moelle bien conformés (Planche 1, Fig. A), dans d’autres cas, au contraire, l’ébauche neurale induite était de forme très irrégulière (Planche 1, Fig. B).
Les structures induites et fournies par le greffon ne constituent que rarement un ensemble harmonieux et ce dernier résultat n’a été obtenu que dans un certain nombre de cas où la greffe a été faite sur des blastodermes jeunes qui n’ont pas encore atteint le stade de la ligne primitive longue. Cependant, même dans ces cas ‘privilégiés’ on ne peut pas parler d’un embryon secondaire au sens strict de ce terme. En effet, le sinus rhomboïdal n’est jamais constitué et le tube neural se termine par un appendice surplombant le blastoderme.
L’analyse de notre matériel sur des coupes sériées révèle que tous les greffons, transplantés sur des blastodermes qui n’avaient pas encore dépassé le stade de la ligne primitive achevée, ont provoqué des inductions neurales plus ou moins puissantes. En revanche, dans aucun des cas où la greffe a été faite plus tardive-ment nous n’avons obtenu la formation d’une ébauche neurale, tout au plus l’ectoblaste est légèrement épaissi au-dessus du greffon et prend, dans certains cas, l’aspect nettement placodique. Cependant, comme le montre la Fig. E (Planche 1), la différenciation de ces greffons transplantés sur des blastodermes âgés est souvent parfaite et en tous points analogue à celle observée dans les cas des greffes plus précoces. C’est donc le feuillet externe de l’hôte qui perd ses com-pétences neurogène beaucoup plus tôt que le pensait Woodside.
Différenciation du matériel greffé
Avant d’aborder l’analyse des inductions neurales, il est indispensable d’examiner de plus près les structures fournies directement par les greffons.
Le premier coup d’oeil sur le Tableau 1 révèle déjà deux faits importants: la grande variabilité des structures fournies par nos greffons et l’apparition fréquente d’ébauches qui ne correspondent pas à la destinée normale du matériel greffé. Notamment, la formation des plaques latérales et l’apparition, dans quelques cas, d’une ébauche cardiaque rudimentaire doivent retenir notre attention. Ces ébauches ont-elles été induites dans le mésoblaste du blastoderme-hôte, ou bien ont-elles été fournies par les greffons ? Dans deux cas, les greffons b développés entièrement dans l’aire vitelline du blastoderme-hôte, sont pourvus des lames latérales parfaitement différenciées (voir Fig. G, Planche 2). Or, au niveau de l’aire vitelline le blastoderme n’est constitué que par le feuillet externe et l’endoblaste vitellin. Il n’y a pas donc de doute qu’au moins dans ces deux cas les lames latérales proviennent du matériel greffé. Il est plus difficile de se prononcer au sujet de l’origine des ébauches cardiaques qui accompagnent 8 de nos greffons. Tous ces greffons se sont développés soit dans l’aire transparente de l’hôte, soit dans son aire vasculaire. L’endoblaste provenant du greffon est toujours, à la hauteur de cette ébauche cardiaque, très épais et différencié de telle façon que l’est normalement le plancher de l’intestin céphalique. Or, comme nous le savons, grâce aux recherches expérimentales de Orts Llorca (1963), il y a une interdépendance entre la formation du coeur et le développement de l’endoblaste pharyngien, lequel semble même jouer le rôle d’inducteur. Men-tionnons en passant que, dans nos expériences, nous n’avons jamais observé la formation d’une ébauche cardiaque dans les cas ou la greffe a été faite sur des blastodermes qui ont déjà dépassé le stade de la ligne primitive achevée.
Tous les greffons ont fourni de la chorde et du mésoblaste préchordal. Les autres ébauches, dont la formation est inconstante, se rangent d’après la fréquence relative de leur apparition selon la série suivante : ébauche neurale, protosomites, endoblaste pharyngien, lames latérales, ébauche cardiaque rudimentaire.
L’examen comparatif de nos résultats n’a pas révélé de différences appréciables entre le degré et la nature de la différenciation des greffons transplantés sur des blastodermes jeunes ou âgés. En revanche, la formation des somites semble être influencée par le site du greffon. 26 greffons se sont développés entièrement dans l’aire pellucide, au voisinage plus ou moins immédiat de la tête de l’embryon-hôte. Or, seulement 15 (57 %) de ces greffons ont fourni des somites, tandis que sur 30 greffons situés dans l’aire vasculaire ou vitelline 26 (86 %) en sont pourvus. Il est donc probable que l’ébauche céphalique de l’hôte exerce une action in-hibitrice sur la différenciation somitique du mésoblaste greffé.
Passons maintenant en revue les différentes ébauches fournies par nos greffons. La chorde, à l’exception de quatre cas ou elle est rudimentaire, est bien développée. Cependant, en s’allongeant elle se heurte souvent contre le rempart vitellin et alors elle se plie irrégulièrement ou se coiffe de l’endoblaste et forme un appendice qui flotte librement dans le liquide qui submerge le blastoderme.
L’ébauche neurale développée aux dépens du greffon est le plus souvent re-présentée par une étroite plaque dont les bords sont soudés soit à l’endoblaste vitellin de l’hôte (Fig. G, Planche 2) soit à l’endoblaste provenant du greffon lui-même (Fig. D, Planche 1). Cette plaque neurale, en général plus large en avant, peut former sur une certaine étendue une gouttière neurale (Fig. I, Planche 2) ou même un tube renflé éventuellement en avant en une vésicule. Dans la majorité des cas, l’ébauche neurale s’étend tout le long de la chorde et ne dépasse son extrémité céphalique que dans quelques cas exceptionnels. La forme assumée par cette ébauche neurale ne nous permet pas de juger du caractère régional du matériel neural différencié. Pourtant, d’après la disposition de cette ébauche par rapport à la chorde et aux premiers somites, nous pouvons affirmer que nous n’avons affaire qu’au matériel deutencéphalique et médullaire, à part quelques cas exceptionnels ou, peut-être, une ébauche rudimentaire d’un acrencéphale s’est constituée.
Le nombre de protosomites fournis par un greffon peut varier de quelques ébauches rudimentaires jusqu’aux vingt paires des somites bien conformés, c’est notamment le cas de notre greffon b, développé entièrement dans l’aire vitelline et représenté sur notre Fig. E (Planche 1). Dans tous les cas où la différen-ciation des somites est suffisamment avancée, nous avons observé un phénomène du plus grand intérêt. La polarité des somites est renversée, les plaques der-miques étant toujours tournées vers l’épiblaste du blastoderme-hôte (Fig. D et Fig F, Planche 1; Fig. G, Planche 2). Force est donc d’admettre que la différenciation des somites dépend de leur ambiance embryonnaire, en particulier de l’épiblaste qui détermine la différenciation du matériel somitique en plaques dermiques.
Quant il s’agit des cas où les somites ne se sont pas constitués, nous avons déjà mentionné la possibilité de l’action inhibitrice exercée sur le greffon par le voisinage immédiat de la tête de l’embryon-hôte. Remarquons, d’autre part, que dans la plupart des cas où les somites ne se sont pas développés les autres structures fournies par les greffons sont visiblement tassées les unes contre les autres. Il semble donc que ces greffons ont été gênés dans leur extension. Or, Bellairs (1963) a récemment démontré que les mouvements de régression du mésoblaste parachordal sont indispensables pour qu’il puisse poursuivre sa différenciation et se scinder en somites. Il est intéressant de noter que dans quelques cas exceptionnels, nous avons observé la formation de lames latérales rudimentaires aux dépens des greffons qui se sont montrés incapables de fournir des somites.
Nos greffons contenaient toujours un peu d’endoblaste destiné à participer à la formation de l’intestin céphalique. Cependant, les cellules endoblastiques du greffon, au lieu de rester dans leur position initiale, entre les deux feuillets, se déplacent pour se joindre à l’endoblaste de l’hôte. Fréquemment leur incor-poration au feuillet interne du blastoderme est si intime que nous pouvons à peine les distinguer. Dans certains cas, elles poursuivrent leur différenciation et forment des replis caractéristiques disposés de chaque côté de l’ébauche neurale. A ce niveau, l’endoblaste prend le caractère du plancher de l’intestin céphalique (Fig. I, Planche 2). Nous n’avons observé la formation d’un intestin céphalique que dans les cas où le greffon a provoqué l’apparition d’une véritable tête secondaire (Fig. C, Planche 1).
Réactions du feuillet externe au stimulus inducteur
Comme nous l’avons déjà mentionné, tous nos greffons transplantés sur des blastodermes au stade de la ligne primitive jeune ou avancée, ont déclenché des inductions neurales dans le feuillet externe de l’hôte. Les structures induites et fournies par les greffons sont situées soit dans l’aire transparente, soit dans l’aire vasculaire ou vitelline, soit, enfin, elles s’étendent de l’aire vitelline jusqu’au voisinage immédiat de l’embryon-hôte et alors l’ébauche neurale induite et le cerveau de l’hôte peuvent fusionner sur une étendue plus ou moins grande.
Dans la plupart des cas l’ébauche neurale fournie par le greffon et celle qui est induite sont indépendantes, dans quelques cas, au contraire, elles sont par-tiellement fusionnées, mais cette zone de fusion est en général très restreinte.
Les structures neurales induites révèlent de grandes variations qualitatives et quantitatives. Dans deux cas l’induction neurale a été limitée à la formation d’une ébauche rudimentaire dont le caractère régional n’a pas pu être établi. Les autres greffons ont déclenché des inductions cérébrales et, quoique plus rarement, médullaires. Le cerveau induit n’est que rarement aussi normalement constitué que ceux représentés sur nos Fig. A et C (Planche 1). Fréquemment, il est ou bien de forme très irrégulière ou bien réduit à une simple vésicule piriforme au bout effilé orienté vers l’arrière. Toutefois, les rapports topographiques entre l’ébauche neurale, la chorde et les somites, la présence dans certains cas des organes des sens, notamment des yeux et des placodes auditives, et, enfin, la position de la crête neurale en formation (Fig. L, Planche 2) permettent un diagnostic sûr. Insistons sur le fait que l’ébauche cérébrale dépasse vers l’avant non seulement la chorde, mais aussi le névraxe fourni par le greffon. Souvent le cerveau induit et l’intestin céphalique provenant du matériel greffé forment ensemble une tête secondaire (Fig. C, Planche 1), laquelle, dans un cas est coiffée de son propre capuchon amniotique.
Passons maintenant à l’analyse du rôle de l’âge du blastoderme-hôte sur la réactivité de son feuillet externe au stimulus inducteur provenant de greffons toujours de même caractère. L’histogramme reproduit sur la figure co-contre (Fig. 2 dans le texte) montre que la fréquence des inductions médullaires diminue au cours de la formation de la ligne primitive. Tous les greffons transplantés sur des blastodermes au stade de la ligne primitive courte ont déclenché la formation d’une ébauche neurale complète dont la région médullaire n’est pas moins déve-loppée que la région cérébrale. En revanche, l’apparition des moelles induites est non seulement plus rares dans les cas de greffes plus tardives, mais l’ébauche médullaire devient de plus en plus réduite aussi bien du point de vue qualitatif que quantitatif. Nos Fig. D et K (Planche 1 et 2) illustrent ce phénomène. La première représente une coupe transversale pratiquée au niveau de la région postérieure d’un embryon secondaire formé par un greffon transplanté sur un blastoderme jeune. La moelle représentée, comme d’habitude à ce niveau, par une large gouttière est aussi volumineuse et bien développée que celle de l’embryon-hôte. En revanche, la moelle rudimentaire, induite par un greffon inserré sous l’endoblaste d’un blastoderme pourvu déjà d’une ligne primitive achevée, est réduite à une sorte de crête développée sur la face interne de l’ecto-blaste de l’hôte (Fig. K, Planche 2). La différenciation neurale de ce rudiment médullaire est, pourtant, parfaite.
Comparaison des fréquences de différentes types d’inductions neurales. A. Greffes pratiquées sur des blastodermes au stade de la ligne primitive courte. B. Trans-plantations faites sur des blastodermes au stade de la ligne primitive moyenne—longue. C. Greffes pratiquées sur de blastodermes au stade de la ligne primitive achevée.
Comparaison des fréquences de différentes types d’inductions neurales. A. Greffes pratiquées sur des blastodermes au stade de la ligne primitive courte. B. Trans-plantations faites sur des blastodermes au stade de la ligne primitive moyenne—longue. C. Greffes pratiquées sur de blastodermes au stade de la ligne primitive achevée.
Les Fig. I et J (Planche 2) reproduisent deux coupes transversales d’un blastoderme où la greffe a été effectuée au stade de la ligne primitive longue. La première coupe a été pratiquée un peu en arrière de la région otique du cerveau induit qui se termine par une sorte de cône. L’ectoblaste situé plus postérieure-ment ne réagit plus au stimulus inducteur, bien que la chorde, fournie par le greffon, adhère à lui étroitement (Fig. J, Planche 2). A ce niveau, le feuillet externe n’est que légèrement épaissi et prend l’aspect de l’épiblaste du tronc.
Si la fréquence des inductions médullaires baisse sensiblement en fonction de l’âge du blastoderme-hôte, l’apparition des ébauches cérébrales ne diminue qu’imperceptiblement, bien que leur volume semble être en général plus petit dans les cas des greffes tardives. Malheureusement, les variations individuelles entre la taille des inductions provoquées par les greffons transplantés sur des blastodermes de même âge sont si considérables que cette éventuelle diminution volumétrique ne peut être prise en considération qu’à titre d’appréciation plus ou moins subjective. Il est possible que nous assistons aussi à une légère réduction qualitative des ébauches cérébrales induites dans l’ectoblaste des blastodermes pourvus d’une ligne primitive achevée. L’apparition, dans ce dernier cas, de quelques ébauches neurales rudimentaires et de caractère régional mal défini semble le prouver. De plus, nous n’avons jamais obtenu à la suite des transplantations faites à ce stade la formation des cupules optiques bien différ-enciées et qui, de leur part, ont induit la différenciation de cristallins.
La comparaison des résultats fournis par les greffons a (transplantés dans l’aire pellucide) et b (implantés au niveau de l’aire opaque) montre que dans la plupart des cas les ébauches neurales induites par les greffons b sont un peu plus petites. Cependant, nous n’avons observé aucune différence qualitative entre les inductions neurales provoquées par ces deux catégories de nos greffons. En revanche, la bonne ou mauvaise différenciation des ébauches induites semble dépendre largement de l’état du blastoderme-hôte. En effet, dans la majorité des cas les résultats fournis par les greffons a et b transplantés sur le même blasto-derme sont analogues, tandis qu’on observe des variations considérables entre les ébauches neurales induites dans des blastodermes différents, même si leur âge au moment de la transplantation était le même.
Du point de vue des résultats obtenus, nos expériences se rangent en deux groupes distincts dont le premier contient les transplantations faites sur des blastodermes au stade de la ligne primitive et le second englobe tous les greffons implantés dans les blastodermes plus âgés. En opposition nette aux résultats décrits plus haut, les greffons appartenant à notre dernier groupe n’ont jamais provoqué des inductions de caractère neural, même dans les cas ou ils ont été transplantés sur des blastodermes tout au début de la formation du prolongement céphalique. Le stade de la ligne primitive dépassé, la réactivité du feuillet externe au stimulus inducteur ne se révèle que par de légers épaississements de l’ectoblaste de l’hôte qui assume alors soit l’aspect de l’épiblaste céphalique ou troncal, soit révèle une différenciation placodique. La Fig. H (Planche 2) illustre le cas où cette différenciation, bien que désordonnée, a atteint son apogée et s’est propagée sur une étendue démesurée. L’épiblaste épaissi et légèrement vacuolisé, identique à celui des fossettes auditives de l’embryon-hôte, forme, au-dessus du greffon, des plis irréguliers qui donnent naissance à quelques vésicules épiblastiques à la paroi plus mince et plus vacuolisée. Au total 7 greffons (sur 15), transplantés sur des blastodermes au stade du prolongement céphalique, ont provoqué cette sorte de différenciation, quoique plus discrète, de l’épiblaste de l’hôte. Dans 8 cas restants cet épiblaste est à peine plus épais que celui de l’aire pellucide ou vasculaire. Exceptionnellement l’épiblaste épaissi au-dessus du greffon peut former encore une petite crête qui se dirige vers la chorde (Fig. G, Planche 2). Rappelons que dans les cas d’induction médullaire minima, la moelle rudimen-taire assumait aussi la forme d’une crête ou d’un cordon inserré dans l’épiblaste, cependant la différenciation et la disposition de ses cellules étaient typiques por l’ébauche neurale, tandis que les éléments cellulaires de la crête représentée sur la Fig. G ont un caractère nettement épiblastique.
A partir du stade de l’apparition du repli cérébral transverse sur le blastoderme-hôte, aucun des greffons (17 au total) n’a déclenché la différenciation placodique de l’épiblaste sus-jacent. Tout au plus, cet épiblaste se montre un peu plus épais au-dessus des structures fournies par les greffons. Dans 8 cas nous n’avons observé aucune différence entre l’épiblaste qui recouvre le greffon et le reste de l’ectoblaste extra-embryonnaire. Insistons pourtant sur le fait que les structures fournies par les greffons, en particulier la chorde, étaient en contact direct avec le feuillet externe de l’hôte, au moins sur une certaine étendue, de sorte que l’on ne peut pas mettre cette absence d’induction sur le compte d’un manque de contact du matériel greffé avec l’ectoblaste.
DISCUSSION
Insistons, tout d’abord, sur la divergence entre nos résultats et les conclusions que Woodside a tirées d’expériences analogues. Comme nous nous le rappelons, selon cet auteur la compétence neurogène de l’ectoblaste commence déjà à diminuer à partir du stade de la ligne primitive courte, toutefois, elle se maintient longtemps et ne disparait complètement qu’au moment de l’apparition du repli cérébral transverse. Nos expériences au contraire ne révèlent qu’une diminution à peine perceptible de la compétence ‘cérébrogène’ durant toute la durée de la formation de la ligne primitive. En revanche, nous avons constaté une chute brusque de la réactivité de l’ectoblaste au stimulus inducteur dès le moment de l’apparition du prolongement céphalique. Les greffons transplantés sur des blastodermes de cet âge ne sont capables de déclencher des inductions que d’ordre secondaire, à savoir la différenciation placodique de l’ectoblaste sus-jacent, et cette dernière réaction à l’action inductrice exercée par le greffon ne se maintient que jusqu’au moment de la formation du repli cérébral transverse.
Etant donné que les inductions obtenues par Woodside avaient toujours été rudimentaires et qu’au contraire les structures neurales induites par nos greffons étaient en général très bien différenciées, on est forcé de supposer que Woodside a confondu ses plaques neurales minces et mal délimitées avec les épaississements placodiques, qu’il a dû obtenir, comme nous-mêmes, dans des blastodermes âgés.
La différence révélée par nos expériences entre la fréquence des inductions cérébrales et médullaires dans l’ectoblaste des blastodermes de plus en plus âgés constitue un fait nouveau qui mérite une discussion plus détaillée. Comme le montre l’histogramme reproduit sur la page 702, durant toute la période de la formation de la ligne primitive la capacité de l’ectoblaste à bâtir l’ébauche cérébrale ne diminue que très discrètement, tandis que l’abaissement de la compétence ‘spinale’ devient déjà manifeste à partir du stade de la ligne primitive moyenne. Pour expliquer ce phénomène doit-on admettre que la ‘compétence spinale’ régresse plus vite que ‘la compétence cérébrogène’ ou bien l’induction de la moelle exige-t-elle plus de temps que celle du cerveau ? Par conséquent, si cette dernière hypothèse se révélait exacte, nos greffons transplantés sur des blastodermes un peu plus âgés n’auraient pas eu assez de temps pour exercer leur action inductrice spinale, avant que l’ectoblaste ne perde définitivement sa compétence neurogène.
Afin de poser quelques jalons qui puissent nous guider pour répondre à cette alternative, rappelons qu’il est ajourd’hui presque généralement admis que la formation du névraxe est le résultat de l’action des deux facteurs inducteurs distincts, acrencéphalogène et spino-caudal (les processus d’activation et de transformation, invoqués par Nieuwkoop et ses collaborateurs, correspondent, malgré certaines divérgences d’interprétation, à nos deux facteurs). Le premier, le seul présent dans la plaque préchordale, est responsable de l’induction du cerveau antérieur (acrencéphale), le second, localisé dans la chorde et le méso-blaste somitique, induit la moelle. L’induction du cerveau postérieur (deuten-céphale) est due à l’action combinée de ces deux facteurs (Lehmann, 1950; Nieuwkoop, 1952; Sala, 1955; Toivonen et Saxén, 1955 – 1962; Gallera, 1959 — 1960, et d’autres encore). Les expériences récentes de Hara (1961) apportent des preuves importantes à la faveur de thèse que l’action inductrice exercée par la plaque préchordale est la même chez les Oiseaux et les Amphibiens. De plus, l’induction du cerveau postérieur et surtout de la moelle requiert une période de temps plus longue que celle indispensable à déclencher la formation de l’ac-rencéphale (Toivonen, 1958-1961; Gallera, 1959-1960; Johnen, 1961). A la lumière de ces résultats, la deuxième éventualité de notre alternative parait non seulement plausible, mais même hautement probable. Cependant, si l’on admet que nos greffons transplantés sur des blastodermes au stade de la ligne primitive avancée n’ont déjà pas eu assez de temps pour réaliser leur action inductrice spinale avant que l’ectoblaste ne perde pas complètement ses compétences et si l’on applique cette conclusion à la formation de la moelle au cours du dével-oppement normal, on se heurte à de sérieuses difficultés. En effet, l’invagination du matériel chordal est chez les Oiseaux tardive et n’a fieu qu’au stade de la ligne primitive achevée, le mésoblaste somitique présomptif s’invagine plus précoce-ment, mais pas avant le stade de la ligne primitive moyenne. Or, nos greffons transplantés sur des blastodermes à ce dernier stade ne sont plus toujours capable d’induire la moelle. Il faudrait donc admettre que chez les Oiseaux le chordo-mésoblaste commence à exercer son action inductrice déjà avant son invagination et, dans ce cas, on serait amené à postuler que le flux inducteur se propage, au moins au début, horizontalement dans le feuillet externe d’une cellule à l’autre. Rappelons que les recherches de Nieuwkoop et de ses collaborateurs (1952) ont démontré que même chez les Amphibiens un tel mode de la propagation du flux inducteur est possible et réalisable expérimentalement. Mentionnons encore que Grabowski (1957), en examinant les résultats de ses extirpations et transplanta-tions du noeud de Hensen effectuées chez le Poulet in ovo, a été amené, lui-aussi, à supposer que la formation du cerveau est soumise à un autre mécanisme que celle de la moelle. Ses greffes du noeud de Hensen n’ont jamais déclenché la formation de la moelle et le cerveau induit se terminait un peu en arrière du niveau otique. Malheureusement, la comparaison de nos résultats et de ceux obtenus par Grabowski est malaisée, car ses greffons n’englobaient que le noeud de Hensen, tandis que les nôtres, plus grands, contenaient aussi un peu de matériel plus postérieur.
Pour interpréter correctement les résultats de nos expériences, il ne faut pas oublier qu’il est fort probable que les greffons ne commencent pas à exercer leur action inductrice tout de suite, dès le moment de leur transplantation. En effet, un certain laps de temps doit être nécessaire pour que le greffon prenne contact avec l’ectoblaste de l’hôte et libère les substances inductrices qu’il contient. De plus, la face ventrale de nos greffons a été toujours tournée vers le feuillet externe de l’hôte. Comme nous l’avons déjà indiqué dans la partie descriptive de ce travail, les cellules endoblastiques s’écartent vers les côtes et permettent le contact direct entre le chordo-mésoblaste présomptif contenu dans le greffon et le feuillet externe de l’hôte. Vu la rapidité du développement embryonnaire chez les Oiseaux et les changements d’aspect du greffon observés in vivo très vite après la trans-plantation, ces phénomènes doivent se dérouler promptement. Malheureuse-ment, il nous est impossible de fournir plus de précisions à ce sujet. En tout cas, nous croyons indispensable d’ajouter à la longueur de la péroide de la compétence neurogène, déduite directement de nos résultats expérimentaux, une certaine marge. Nous supposerons que la compétence cérébrogène ne disparaît com-plètement qu’au cours du recul de noeud de Hensen, mais avant l’apparition du repli cérébral transverse. D’autre part, nous espérons pouvoir préciser dans un travail ultérieur le laps de temps minimum nécessaire pour déclencher l’induction du cerveau dans l’ectoblaste jeune et compétent.
Avant de clore la discussion, examinons encore l’ensemble des structures fournies par nos greffons. Selon le plan des ébauches présomptives établi par Pasteels (1937) et complété par les observations de Spratt (1952) quant il s’agit de la localisation de l’ébauche cérébrale, ils devaient contenir tout le matériel chordal, une petite portion du mésoblaste somitique, du neurectoblaste destiné à former le plancher du mésencéphale et, partiellement, du rhombencéphale et, enfin, le matériel endoblastique qui aurait normalement constitué la voûte de l’intestin céphalique. Dans la plupart des cas, nous avons effectivement observé la formation des structures correspondant à la destinée présomptive de nos greffons. La présence, dans 91 % des cas, de l’ébauche neurale provenant du greffon prouve qu’au moment de son prélèvement le processus d’invagination du chordo-mésoblaste a été déjà terminé ou presque. Or, comme nous le savons, l’invagination du matériel préchordal précède celle de l’ébauche chordale. Nos greffons, excisés en avant au ras du bord du noeud de Hensen, ne devaient donc contenir du mésoblaste préchordal situé déjà plus en avant. Cependant, tous nos greffon ont fourni abondamment ce matériel qui sûrement est responsable de l’induction du cerveau antérieur dans nos expériences. Plusieurs de nos greffons ont bâti plus de somites (jusqu’aux vingt paires) qu’on aurait pu le présumer selon la localisation du matériel prélevé. En plus des nombreux somites formés, quelques greffons ont encore fourni des lames latérales et, dans quelques cas, ils sont accompagnés des ébauches cardiaques. Les prestations de nos greffons transgressent donc considérablement leur destinée normale. Certes, on ne peut pas exclure la possibilité que les greffons développés dans l’aire transparente ou vasculaire ont incorporé une certaine quantité de mésoblaste de l’hôte et l’ont transformé par une sorte d’induction assimilatrice. Toutefois, cette possibihté ne peut être retenue quant il s’agit des greffons situés dans l’aire vitelline. Or, le développement de ces derniers greffons n’est pas moins complet que celui des autres, à une exception prés, à savoir que les greffons différenciés dans l’aire vitelline ne sont jamais accompagnés des ébauches cardi-aques, lesquelles, dans le cas de greffes moins périphériques, ont probablement été induites effectivement dans le mésoblaste extra-embryonnaire des blasto-dermes-hôtes. Remarquons enfin que l’éventualité d’une induction par nos greffons de dérivés mésoblastiques dans le feuillet externe d l’hôte ne peut être prise en considération. En effet, les greffons, transplantés sur des blastodermes âgés, dont le feuillet externe a déjà perdu toutes ses compétences, ont donné naissance aux mêmes structures que celles observées à la suite des greffes faites sur des blastodermes jeunes. Force est donc d’admettre que l’isolement de la partie antérieure de la ligne primitive et sa transplantation sur l’aire pellucide ou opaque sont suivis par des processus régulatifs et stimulent la prolifération du matériel greffé. Sans ce dernier phénomène, le volume, parfois considérable, de l’ébauche neurale fournie par le greffon et le nombre souvent élevé de somites formés par lui seraient inexplicables.
Soulignons encore un fait intéressant que nos expériences démontrent claire-ment. La différenciation des somites fournis par nos greffon dépend largement de leur voisinage embryonnaire nouveau, le feuillet dermique de somites est tourjours tournés vers l’épiblaste de l’hôte, l’axe dorso-ventral des somites est donc opposé à celui des autres structures formées par nos greffons.
En guise de conclusion, résumons ici les ressemblances et les différences dans le processus de la diminution progressive des compétences neurogènes chez les Oiseaux et chez les Amphibiens, les deux groupes les plus étudiés de ce point de vue parmi les Amniotes et les Anamniotes.
Chez les Oiseaux, de même que chez les Amphibiens, le feuillet externe perd ses compétences neurogènes vers la fin de la gastrulation, soit au moment où l’ébauche neurale devient extérieurement visible (Amphibiens), soit un peu plus tôt (Oiseaux). Ce stade dépassé, seules les inductions d’ordre secondaire peuvent être encore déclenchées dans l’ectoblaste. Chez les deux groups envisagés, la régression des compétences de l’ectoblaste diminue d’abord très lentement et s’accentue brusquement juste avant que le feuillet externe devienne incapable de réagir au stimulus inducteur. Cette chute de la réactivité de l’ectoblaste semble être encore plus accentuée chez les Oiseaux.
Nos expériences ont révélé une nette différence entre la fréquence de l’induction du cerveau et de la moelle en fonction de l’âge de l’hôte et il s’agit là d’un phéno-mène qui, à notre connaissance, n’a jamais été signalé chez les Amphibiens. Il se peut pourtant que cette différence entre les deux groupes soit plus apparente que réelle et qu’elle soit due au rythme du développement embryonnaire par-ticulièrement rapide chez les Oiseaux.
RÉSUMÉ
Toutes les expériences ont été effectuées sur des blastodermes de White Leghorn cultivés in vitro selon la technique de New légèrement modifiée.
La région antérieure de la ligne primitive achevée (noeud de Hensen et une petite quantité du matériel plus postérieur) est excisée et transplantée sur des blastodermes aux stades successifs de leur développement. Les greffons toujours de même forme et de mêmes dimensions (0,6 à 0,4 mm.) sont implantés soit au niveau de la région antéro-latérale de l’aire pellucide soit dans le rempart vitellin.
En général, nos greffons ont fourni plus de structures que ne le laissait prévoir l’examen du plan des ébauches présomptives. Ils n’auraient dû donner que de la chorde, quelques somites, une partie du cerveau moyen et postérieur et, enfin, la voûte de l’intestin céphalique. Or, ils fournissent en plus du méso-blaste préchordal et quelquefois des lames latérales. Le degré de différenciation de nos greffons ne dépend ni de leur localisation ni de l’âge du blastoderme-hôte.
Tous les greffons transplantés sur des blastodermes qui n’ont pas encore dépassé le stade de la ligne primitive achevée ont induit dans le feuillet externe de l’hôte un cerveau entier qui souvent se continue dans une ébauche médullaire plus ou moins réduite. Durant toute la période de la formation de la ligne primi-tive, la compétence cérébrogène de l’ectoblaste diminue à peine. En revanche, la fréquence des inductions médullaires baisse sensiblement déjà à partir du stade de la ligne primitive moyenne. Passé le stade de la ligne primitive achevée, l’ectoblaste perd sa compétence neurogène. Tout au plus il peut prendre parfois un aspect plus ou moins placodique à condition que le greffon ait été implanté sur un blastoderme qui n’ait pas dépassé le stade de la formation du repli cérébral transverse.
ACKNOWLEDGEMENTS
Nous tenons à exprimer ici notre gratitude au Fonds national suisse de la Recherche sci-entifique pour le subside qui a rendu possible l’exécution de ce travail.
TRAVAUX CITÉS
Fig. A. Microphotographie in toto d’un blastoderme porteur de deux greffons, a et b. La transplantation a eu lieu au stade de la ligne primitive moyenne. Le greffon a implanté au niveau de la région antéro-latérale de l’aire pellucide, s’est développé considérablement et s’étale loin dans l’aire vitelline. Le greffon b, situé dans l’aire vasculaire, a donné naissance à un embryon secondaire analogue mais plus petit.
Fig. B. Microphotographie in toto d’un autre blastoderme opéré au même stade que celui reproduit sur la figure précédente. Les inductions neurales déclenchées par deux greffons sont moindres que dans le cas précédent et le cerveau induit par le greffon a est de forme très irrégulière.
Fig. C. Coupe transversale de la tête de l’embryon secondaire b représenté in toto sur notre Fig. A.
Fig. D. Coupe transversale du blastoderme, représenté in toto sur la Fig. A, pratiquée au niveau de la région postérieure de la moelle induite par le greffon a. La chorde, les somites et une étroite plaque neurale (en bas de notre figure) sont fournis par le greffon.
Fig. E. Vue in toto des greffons, a et b, transplantés sur un blastoderme au début de la forma-tion du prolongement céphalique. Les greffons, quoique parfaitement différenciés, n’ont pas déclenché d’inductions neurales. Le greffon b (à gauche sur la figure) s’est développé entièrement dans l’aire vitelline.
Fig. F. Coupe transversale pratiquée au niveau du greffon a. L’axe dorsoventral des somites est renversé par rapport aux autres structures (plaque neurale, chorde) fournies par le greffon. Remarquons que les feuillets dermiques des somites sont tournés vers l’épiblaste de l’embryon-hôte.
Fig. A. Microphotographie in toto d’un blastoderme porteur de deux greffons, a et b. La transplantation a eu lieu au stade de la ligne primitive moyenne. Le greffon a implanté au niveau de la région antéro-latérale de l’aire pellucide, s’est développé considérablement et s’étale loin dans l’aire vitelline. Le greffon b, situé dans l’aire vasculaire, a donné naissance à un embryon secondaire analogue mais plus petit.
Fig. B. Microphotographie in toto d’un autre blastoderme opéré au même stade que celui reproduit sur la figure précédente. Les inductions neurales déclenchées par deux greffons sont moindres que dans le cas précédent et le cerveau induit par le greffon a est de forme très irrégulière.
Fig. C. Coupe transversale de la tête de l’embryon secondaire b représenté in toto sur notre Fig. A.
Fig. D. Coupe transversale du blastoderme, représenté in toto sur la Fig. A, pratiquée au niveau de la région postérieure de la moelle induite par le greffon a. La chorde, les somites et une étroite plaque neurale (en bas de notre figure) sont fournis par le greffon.
Fig. E. Vue in toto des greffons, a et b, transplantés sur un blastoderme au début de la forma-tion du prolongement céphalique. Les greffons, quoique parfaitement différenciés, n’ont pas déclenché d’inductions neurales. Le greffon b (à gauche sur la figure) s’est développé entièrement dans l’aire vitelline.
Fig. F. Coupe transversale pratiquée au niveau du greffon a. L’axe dorsoventral des somites est renversé par rapport aux autres structures (plaque neurale, chorde) fournies par le greffon. Remarquons que les feuillets dermiques des somites sont tournés vers l’épiblaste de l’embryon-hôte.
Fig. G. Coupe transversale du greffon b, représenté in toto sur la Fig. E de la planche pré-cédente. Ce greffon a fourni, outre la plaque neurale, la chorde et les somites, aussi des lames latérales scindées en somato et splanchnopleure (à droite sur la figure).
Fig. H. Coupe pratiquée au niveau de la région antérieure d’un greffon transplanté sur un blastoderme au stade du prolongement céphalique court. On voit la plaque neurale prove-nant du matériel greffé et l’épiblaste de l’hôte épaissi et d’aspect placodique.
Fig. I. Coupe transversale d’un greffon implanté dans Faire pellucide d’un blastoderme au stade de la ligne primitive longue. On voit la partie postérieure du cerveau induit, la gouttière neurale fournie par le greffon et la chorde. Le bord de la gouttière neurale est soudé à l’endoblaste qui prend l’aspect du plancher de l’intestin céphalique (à gauche sur la figure).
Fig. J. Coupe par le même greffon, mais située plus postérieurement. A ce niveau le feuillet externe de l’hôte n’a pas réagi à l’action inductrice (bien que la chorde adhère étroitement à l’ectoblaste.)
Fig. K. Coupe d’un greffon a transplanté sur un blastoderme au stade de la ligne primitive achevée. L’ébauche médullaire induite est réduite à un cordon neural inserré dans l’épiblaste de l’hôte.
Fig. L. Coupe par le rhombencéphale (encore sous la forme d’une gouttière) induit par un greffon transplanté sur le blastoderme au stade de la ligne primitive achevée. A remarquer la crête neurale bien différenciée (à droite).
Fig. G. Coupe transversale du greffon b, représenté in toto sur la Fig. E de la planche pré-cédente. Ce greffon a fourni, outre la plaque neurale, la chorde et les somites, aussi des lames latérales scindées en somato et splanchnopleure (à droite sur la figure).
Fig. H. Coupe pratiquée au niveau de la région antérieure d’un greffon transplanté sur un blastoderme au stade du prolongement céphalique court. On voit la plaque neurale prove-nant du matériel greffé et l’épiblaste de l’hôte épaissi et d’aspect placodique.
Fig. I. Coupe transversale d’un greffon implanté dans Faire pellucide d’un blastoderme au stade de la ligne primitive longue. On voit la partie postérieure du cerveau induit, la gouttière neurale fournie par le greffon et la chorde. Le bord de la gouttière neurale est soudé à l’endoblaste qui prend l’aspect du plancher de l’intestin céphalique (à gauche sur la figure).
Fig. J. Coupe par le même greffon, mais située plus postérieurement. A ce niveau le feuillet externe de l’hôte n’a pas réagi à l’action inductrice (bien que la chorde adhère étroitement à l’ectoblaste.)
Fig. K. Coupe d’un greffon a transplanté sur un blastoderme au stade de la ligne primitive achevée. L’ébauche médullaire induite est réduite à un cordon neural inserré dans l’épiblaste de l’hôte.
Fig. L. Coupe par le rhombencéphale (encore sous la forme d’une gouttière) induit par un greffon transplanté sur le blastoderme au stade de la ligne primitive achevée. A remarquer la crête neurale bien différenciée (à droite).